Argentine (suite et fin)

Publié le par Jean-Etienne ZEN

.......... _________________________ Après ses démons, l'Argentine a maintenant ses vautours, à l'affût des pays les plus endettés.
        Un fond vautour est un organisme financier  privé qui, comme un vautour, vient se nourrir du mourant ou du cadavre du mourant – en l’occurrence un pays avec quelques dizaines de millions de vrais gens derrière la réalité des chiffres. On pourrait aussi appeler ces financiers-là (ceux qui gèrent les fonds vautours) des charognes gérant des fonds charognes… certes moins doux que « fonds vautours » presque poétique ! 
Donc ces charognards des fonds charognes viennent racheter à très bas prix la dette d’un pays (ou d’une entreprise) lorsque la situation semble totalement désespérée. Évidemment, comme personne ne veut de cette dette parce qu’il s’agit d’une situation avérée ou presque de faillite, cette dette ne vaut rien ou pas grand-chose. Les charognards achètent donc des titres obligataires pour quelques pour cent de leur valeur initiale. Puis ils vont exercer le maximum de recours juridiques, notamment aux États-Unis où la loi est particulièrement sévère sur les obligations des emprunteurs et protectrices des très « gentils » créanciers (au nom du respect de la propriété privée). Naturellement, en France ou en Argentine, on se fiche comme d’une guigne d’une décision de justice américaine, sauf que… si vous n’obéissez pas à une décision de justice US, vous vous retrouvez immanquablement cloué au pilori des marchés financiers dominés de façon écrasante par le monde anglo-saxon et donc américain.
                                                     Vieille affaire que la dette...
          Les analogies avec le cas grec sont assez troublantes. (2)
  Cette affaire illustre spectaculairement les effets du transfert progressif depuis une vingtaine d’années des restructurations souveraines vers les juridictions des places financières d’émission (principalement New York et Londres). Lors de la crise de la dette des années 1980, a contrario, tout le problème avait été mis dans les mains du FMI : les cours de justice ont été entièrement absentes du jeu et les dettes ont été restructurées de manière très ad hoc, sans égard excessif pour le caractère « sacro-saint » des contrats. Il est frappant aujourd’hui que le durcissement des droits des créanciers privés aille de pair avec leur ré-ancrage dans les juridictions nationales. Corollaire, les implications en termes de gouvernance locale et globale sont largement ignorées, comme en témoigne l’indifférence des juges new-yorkais, tant envers la souveraineté (et ses immunités) qu’envers l’action multilatérale...
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__(1) ..." L’Argentine, qui a laissé de très mauvais souvenirs à la communauté financière – le pays a fait plusieurs fois défaut –, a essayé, cependant, de regagner un peu la confiance des créanciers internationaux ces dernières années. Un accord a été trouvé dernièrement au sein du club de Paris (qui regroupe les principaux pays créanciers occidentaux). De même, le groupe espagnol Repsol a été indemnisé, à la suite de la nationalisation de tous les actifs pétroliers argentins du groupe, décidée par Cristina Kirchner.
    Dans une dernière tentative pour éviter un nouveau défaut, le gouvernement argentin dit étudier une opération d’échange de titres (swap) : les nouveaux titres obligataires seraient placés sous la législation argentine et non plus sous la loi américaine, ce qui rendrait caduc le jugement de la Cour suprême. Des spécialistes doutent cependant que le gouvernement argentin ait suffisamment de temps pour réaliser cette opération.
     Les deux fonds vautours vont-ils envoyer l’économie argentine au tapis ? C’est ce que redoutent de nombreux observateurs. À la suite du jugement de la Cour suprême américaine, de nombreuses ONG se sont alarmées de la situation, estimant que cette décision amenait à faire payer les plus pauvres, en saisissant les richesses nationales. Même le Fonds monétaire international s’est inquiété du jugement de la Cour suprême américaine. La décision risque, en effet, de faire jurisprudence : les créanciers privés peuvent refuser toute restructuration future des pays trop endettés, comme cela a été le cas au Mexique par exemple ou en Grèce dernièrement. Les pays submergés par les dettes n’auraient plus alors d’autre recours que de faire faillite de façon plus ou moins organisée. L’Argentine pourrait en être le premier exemple..."
__ (2) Voilà ce que disait à ce sujet (dans le cas de la Grèce) l’ancien banquier Rainer Voss, dans un documentaire diffusé  sur Arte: “En Grèce, il fallait empêcher à tout prix, à tout prix, une faillite de l’état, c’était la priorité, les emprunts grecs peuvent être régis selon deux systèmes bien distincts : le droit international, en général en anglais, ou le droit grec. La différence est la suivante : selon la législation grecque, l’état peut décréter que sur les 10 000 euros que vous avez prêté, vous n’en récupérerez que 4 000, c’est déjà arrivé. Selon le droit anglais, les créanciers doivent se réunir en assemblée pour décider si une transaction est autorisée ou pas. Autrement dit, si je suis un fonds d’investissement et que sur un emprunt de 100 millions j’en rachète 75 millions, je dispose d’une majorité qualifiée, je peux dire aux grecs, où vous nous donner l’argent, où on vous laisse couler et automatiquement vous serez en faillite. C’est comme ça qu’ils opèrent, ils essayent vraiment de vous pousser à bout, ils tentent par tous les moyens de vous imposer leur droit, jusqu’à ce que vous disiez, se trimbaler une sangsue à cause de ces 20 millions de merde. Alors vous payez et ils ont gagné. C’est la méthode qui a été employée pour les emprunts grecs, Il y a eu des rachats d’emprunts selon le droit international, il suffit de consulter une liste (…). Maintenant le droit grec vous oubliez, il y a peut être 50-70-100% des contrats conclus en droit anglais, ensuite vous regardez combien d’argent vous avez et comment les autres sont positionnés. Admettons que la proportion soit de 30% et pas de 100, et que sur un emprunt de 100 millions, vous vouliez en racheter 75 millions pour obtenir 75% des droits de vote, vous n’avez qu’à racheter 75% des 30 millions, autrement dit vous payez vos droits de vote 23 millions sur un emprunt de 100 millions, vous êtes gagnant, vous payez 23 millions pour obliger l’état à rembourser 100 millions, ça vaut le coup. (…) Voilà comment on procède, c’était une entreprise tout à fait courante, il n’y a pas qu’une entreprise qui l’a fait..."
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- Le scandale des fonds vautours face à l’Argentine…
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