Retraites à l'allemande
Les déconvenues de Frida
Dans son village de Rhénanie, un land tranquille et prospère s'il en est, contrairement aux régions de l'est, Frida était une grande admiratrice, à une certaine époque, de Mr Schröder et de ses mesures drastiques menée par son ministre Hartz, sensées mener le pays vers une prospérité plus grande encore, à coups d'industrialisation forcée. Ce qui eut un effet certain. Mais à quel prix?
La production, dopée par des exportations exceptionnelles, une réduction des dépenses de l'Etat, une stabilité des salaires bridant la consommation,,une dure réduction de ceux des services, introduisant une précarité inconnue jusque là, devait propulser le pays au premier rang européen, avec une monnaie forte qui fait la loi et des excédents commerciaux exceptionnels. Ce qui fut fait. Ce fut sa force et sa fragilité.
Mais Frida avec ses revenus modestes, a fini par déchanter sur ses vieux jours, comme Kart-Heinz. Elle est même en colère et songe, à 70 ans, à reprendre un petit travail, comme beaucoup au Royaume-Uni... Les retraites sont toujours confortables pour les plus privilégiés, qui peuvent toujours capitaliser, mais se réduisent de façon drastiques pour les catégories les plus mal rémunérées. Un peu selon la même logique que celle qui fut appliquée en Suède.
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Selon Frédéric Godin, au tournant de l’année 2020 a (également) été marqué en Allemagne par un vif débat autour de la question des retraites. Mais la nature de ce débat est sensiblement différente de celui qui agite la France. L’enjeu est en effet de combattre un des phénomènes qui inquiète le plus la population allemande : la pauvreté des personnes âgées.
Après d’intenses discussions, les membres de la grande coalition qui regroupe la CDU chrétienne-démocrate, les Bavarois de la CSU et le parti social-démocrate (SPD) sont parvenus à se mettre d’accord à la mi-décembre sur une « retraite de base » (« Grundrente ») destinée à réduire le risque de pauvreté des seniors et qui sera financée par un impôt sur les transactions financières. Ce compromis est loin d’être idéal et les nouvelles mesures, prévues pour 2021, ne sont pas finalisées. Mais cet intense débat, qui a duré toute l’année 2019, et l’insistance sur le sujet d’un SPD aux abois électoralement devraient amener à bien des réflexions sur les conséquences de la réforme envisagée de ce côté-ci du Rhin…
En Allemagne, le système de retraite obligatoire (GRV) concerne tous ceux qui ont cotisé au moins cinq années. C’est un système à points fondé sur un référentiel qui est le salaire moyen : un point est attribué pour une année de travail payé au salaire moyen. Si l’on est payé davantage, on gagne plus de points, si l’on est payé en dessous, on gagne une fraction de point. Des points sont attribués par enfant élevé par un des membres du couple. Comme dans le système proposé par le gouvernement français, la « valeur du point » est donc là aussi fondée sur la croissance moyenne des salaires. Mais on verra comment l’exemple allemand montre les limites de cette garantie.