Traité de Versailles

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 

Il y a cent ans.
                      Un traité mal géré, certes.
    Qui n'a pas fini de faire sentir ses ondes de choc lointaines, en Europe comme au Moyen-Orient.
  Longtemps soumis à une gangue interprétative simpliste et unilatérale, la recherche et la confrontation historienne continuent à en préciser, à en élargir et en nuancer le sens.


      Ce événement de grande ampleur, qu'on appela justement le traité de toutes les insatisfactions, qui fit office de traumatisme durable, mérite toujours d'être réinterprété
      Une conférence de paix, qui engendra de nouvelles frustrations et  qui prépara des germes de nouveaux désastres et affrontements. Qui vit aussi s'opposer le points de vue et les intérêts, notamment entre Wilson et la France.
   Les objections de l'économiste Keynes furent le plus souvent mal interprétées.

       ___     "...À la différence des conférences antérieures, seules les délégations des Alliés et Associés sont présentes dans un premier temps. Elles se réunissent en un Conseil des Dix rassemblant les chefs de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères des cinq "puissances à intérêts généraux" (France, Royaume-Uni, États-Unis, Italie et, avec des ambassadeurs, le Japon). Ce conseil se révèle ampoulé dans son organisation et ne permet pas aux "Grands" de faire aboutir les discussions en janvier-mars 1919.
        Certes, Wilson, premier président américain à se rendre en Europe et y jouissant d’une popularité extraordinaire, réussit à impulser la discussion du pacte de la Société des Nations (SDN) et à l’intégrer dans les futurs traités. Néanmoins, les discussions du Conseil des Dix sont marquées par l’absence de prise de décision et par les longues auditions des desiderata des représentants des États aspirant à la reconnaissance internationale. Ces derniers sont renvoyés à des commissions territoriales au sein desquelles différents types d’experts (géographes, militaires, économistes, historiens, etc.) proposent des lignes frontalières à insérer dans les traités.
     À la fin du mois de mars, seules les clauses militaires de la future paix ont été décidées : interdiction du service militaire en Allemagne, armée limitée à 100 000 hommes, interdiction de reconstituer l’armée blindée et l’aviation, démilitarisation de la rive gauche du Rhin. L’impatience des opinions publiques et la précarité de la situation en Europe centrale (arrivée de Béla Kun au pouvoir en Hongrie) imposent aux dirigeants alliés et associés de changer de méthode.
       À la fin mars, Lloyd George rédige avec ses conseillers le fameux mémorandum de Fontainebleau destiné à mettre en garde ses homologues contre les dangers d’une paix trop dure à l’égard de l’Allemagne. Il enjoint également à ses collègues de se réunir en petit comité, pour plus de discrétion et plus d’efficacité. Le Conseil des Quatre rassemblant Wilson, Clemenceau, Lloyd George et Orlando se réunit quasiment sans discontinuer du 24 mars au 28 juin 1919, deux fois par jour.
       C’est cet organe directeur qui décide de l’essentiel des clauses du futur traité avec l’Allemagne tandis que les questions autrichiennes ou bulgares sont davantage laissées à la discussion du Conseil des Cinq, réunissant les ministres alliés des Affaires étrangères et le représentant japonais. C’est également au sein de ce Conseil des Quatre que les divisions interalliés explosent : à la fin mars, Wilson s’oppose fermement aux prétentions françaises sur la Sarre exprimées par Clemenceau. De même, il tente de bloquer la définition extensive des réparations que lui présente Lloyd George qui, curieusement, exclut ce domaine du champ d’application de ses idées de modération envers Berlin.
      Début avril 1919, au cours d’une semaine décisive, la rupture entre Européens et Américains menace à plusieurs reprises la conférence elle-même ; le président américain ayant même préparé son navire, le George Washington, pour un éventuel retour précipité aux États-Unis. Néanmoins, à la mi-avril, l’essentiel du compromis rhénan et de l’accord sur le statut de la Sarre est scellé : Clemenceau obtient une occupation de la rive gauche du Rhin de quinze années en échange de la promesse d’un retrait anticipé en cas de bonne application du traité par l’Allemagne. La mauvaise volonté allemande peut à l’inverse être sanctionnée par l’allongement de la durée de l’occupation. Clemenceau remporte également un traité de garantie des puissances anglo-saxonnes en cas d’attaque allemande et la propriété des mines de la Sarre sous un régime international du territoire pour quinze ans.
      C’est au moment où la France obtient satisfaction dans ses prétentions que la crise italienne menace une nouvelle fois la conférence. Attachés à la lettre du pacte de Londres de 1915 et désireux d’annexer Fiume, les représentants italiens Orlando et Sonnino sont contraints de quitter la conférence devant l’intransigeance américaine. À ce moment précis, les ennemis allemands arrivent à Versailles.
       Après un échange de notes entre Américains et Allemands, le 5 novembre 1918, les Alliés acceptent, selon une logique contractuelle avec les Allemands, de faire reposer la future paix sur la base des quatorze points de Wilson et de ses discours de l’année 1918 à deux réserves près (le point sur la liberté des mers est refusé et le principe des réparations mieux affirmé).
         La délégation allemande menée par Brockdorff-Rantzau voit dans les clauses du traité présentées le 7 mai 1919 une liste de violations de cet "accord pré-armistice" et des mesures humiliantes. Outre la perte de territoires (Alsace-Lorraine, Schleswig, Poznanie et corridor de Dantzig, colonies), la signature du "chèque en blanc" des réparations, les Allemands critiquent les Schmachparagraphen ("articles infamants") qui prononcent la mise en jugement de Guillaume II pour "offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités" (en particulier la violation de la neutralité de la Belgique en 1914 pourtant garantie par un accord international). Ils s’indignent encore de l’article 231 du traité de Versailles qui énonce le fondement juridique des réparations que l’Allemagne a accepté de payer et qui est perçu à Berlin (contrairement à sa signification réelle et à sa finalité) comme une condamnation morale et un verdict de culpabilité à endosser pour la guerre. L’interdiction de l’Anschluss est, elle, ressentie comme une violation du droit des peuples.
     L’absence de négociations orales avec les Alliés, de liberté de mouvement pour la délégation allemande et la signature du traité le 28 juin 1919 dans la galerie des Glaces achèvent de faire du traité un Diktat pour l’opinion allemande...."
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