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Europe: un saut hamiltonien?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 

Ambiguïtés.
                      Après les négociations ardues de ces deniers jours à Bruxelles, certains ont qualifié le compromis, obtenus pour aider à surmonter les effets de la crise européenne, comme une sorte de saut hamiltonien, en référence à l'homme politique qui contribua à l'édification de la nation américaine sur la base d'un fédéralisme, qui allait amener à une nouvelle configuration des pouvoirs et à un partage des dettes.
       Ce qui s'est passé à Bruxelles n'est pas rien , à condition que ce soit ratifié par l'assemblée, mais ce n'est pas un saut qualitatif. C'est un compromis temporaire et encore bien vague, insuffisant sur de nombreux points, interprété diversement par chacune des parties.  Le quotidien régional de centre-gauche Berliner Zeitung salue un compromis "historique" malgré une réglementation trop "vague" . "Au départ, un droit de veto pour chaque pays membre a été discuté. Le compromis actuel ne le prévoit plus. Selon le nouveau règlement, une majorité de 55 pour cent des pays de l'UE (17 sur 27 pays) avec 65 pour cent de la population totale serait nécessaire pour déposer une plainte. En pratique, cela semble peu probable", critique le quotidien à propos du contrôle de versement des aides.
   Les zônes d'ombre ne manquent pas et il y a des gagnants.
On est encore bien loin d'un premier moment fédéral. La prudence s'impose.  Pour The Guardian, les pays de l'Union européenne auraient bien tort de se réjouir après un sommet "amer" qui "révèle un déficit de confiance entre les dirigeants". Une vrai bataille au milieu des Vingt-Sept selon le site internet du quotidien, pour qui "la confrontation entre les 'frugaux' et les pays qui doutent de l’état de droit met en évidence l’acrimonie au cœur de l’union".
      La "conversion" de l'Allemagne est certes spectaculaire, mais elle semble bien s'expliquer par le contexte difficile qui s'impose à elle et à son industrie exportatrice en péril.
                       "... Pour mesurer les zones d’ombre de cet accord, il suffisait d’écouter les différents camps au sortir de leur interminable réunion mardi matin : chacun avait gagné la partie ! « Nous l’avons fait. L’Europe est au rendez-vous, l’Europe est rassemblée », s’est félicité Charles Michel, président du Conseil européen. « Nous avons apporté une réponse à la plus grande crise de l’histoire européenne », a renchéri Angela Merkel, tandis qu’Emmanuel Macron insistait sur le caractère « historique » de ce plan.
         Au même moment, Mark Rutte, le premier ministre néerlandais qui a mené la fronde des pays dits « frugaux », hostiles à toute mutualisation des dettes au niveau européen, insistait sur le fait que le plan de relance ne transformerait pas l’Europe en une union de transferts de richesses, parce que les Pays-Bas et ses alliés avaient veillé à ce que ce soit un programme ponctuel et limité dans le temps, juste pour faire face à la crise sanitaire.

 
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen, après l'accord sur le plan de relance, le 21 juillet. © Stéphanie Lecocq/ AFPUrsula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen, après l'accord sur le plan de relance, le 21 juillet. © Stéphanie Lecocq/ AFP          Alors que l’Europe affronte sa troisième grave crise économique en l’espace de dix ans, les dirigeants européens savaient qu’ils ne pouvaient se quitter sur un échec : il en allait de la survie de la zone euro. Durement touchée par la pandémie, l’Italie risquait de sombrer dans des niveaux d’endettement insoutenables si aucune aide ne lui était apportée, au risque de provoquer une nouvelle crise de la dette en Europe. Et, cette fois, la Banque centrale européenne, qui tient la zone euro à bout de bras depuis une décennie, risquait de se trouver sans munitions monétaires suffisantes, si les États européens ne prenaient pas le relais avec des dispositifs budgétaires.        C’est cette menace qui a conduit Angela Merkel à faire volte-face et à abandonner la position dure de refus de soutien aux autres pays européens qu’elle avait adoptée au cours des dix dernières années. Alors que la crise sanitaire met à mal toute l’économie mondiale, que la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump fait peser un risque sur ses exportations, que les produits chinois sont désormais en concurrence directe des productions allemandes, que l’industrie automobile, pièce centrale de l’économie allemande, connaît une crise existentielle, Berlin ne pouvait se payer le luxe en plus de voir s’effondrer la zone euro, devenue son marché intérieur. « Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Union européenne ne s’effondre pas », reconnaissait sans ambages Angela Merkel en juin.      Mais cette conversion de la chancelière allemande, applaudie par la France et les responsables européens, n’a pas convaincu tout le monde. Les dirigeants européens pensaient s’être débarrassés de toute opposition forte avec le départ de la Grande-Bretagne, après le Brexit. Ils ont trouvé face à eux un opposant tout aussi embarrassant : les Pays-Bas. Ceux-ci ont réussi à fédérer autour de leur cause le Danemark, la Suède, l’Autriche et la Finlande. Dès que le premier ministre néerlandais a entendu la proposition de la Commission européenne de lever de la dette sous la signature de l’Union afin de faire profiter les pays européens les plus exposés de taux plus bas ou, pire encore, de leur donner de l’argent sans exiger de remboursement, il s’est opposé de toutes les manières possibles au projet. Avec un succès certain.      Car quoi qu’en disent les communicants de l’Élysée, le couple franco-allemand, sur lequel Emmanuel Macron fait reposer toute sa stratégie européenne, a été sérieusement à la peine pendant ce sommet. Loin de donner le la, il lui a fallu aller de concessions en renoncements pour faire approuver son plan de relance. Tous s’attendaient à des révisions à la baisse par rapport au projet de 500 milliards d’euros de dons aux pays les plus en difficulté, présenté en mai. Mais pas dans de telles proportions.        Pendant le week-end, l’Allemagne et la France annonçaient encore que la somme de 450 milliards d’euros était leur dernière limite, la « ligne rouge » qu’ils se refusaient à franchir. Ils ont finalement transigé à 390 milliards d’euros. Tout le reste (360 milliards d’euros) sera versé sous forme d’emprunts auprès des différents pays demandeurs. Et encore : il faudra que ceux-ci montrent patte blanche.      Même si les pays dits frugaux ont en apparence échoué à imposer des conditionnalités sur le versement des crédits dispensés par l’Union – c’est-à-dire à placer les pays sous la direction de la Commission – et à obtenir un droit de veto – les plans seront adoptés à la majorité qualifiée –, ils ont arraché cependant une possibilité de faire appel dans un délai de trois mois, s’ils considèrent que les pays bénéficiaires ne respectent pas les règles. Surtout, ils ont réussi à imposer un contrôle étroit de la Commission européenne sur tous les projets financés par l’Union. Ce ne sera pas la troïka, qui a laissé un souvenir traumatisant dans toute l’Europe, mais cela ira bien au-delà du nécessaire contrôle pour lutter contre la corruption et le détournement des fonds publics.             Le ralliement de l’ensemble des pays européens aux positions néerlandaises sur ce sujet met en lumière la permanence des schémas macro-économiques dans lesquels s’inscrit le plan de relance. Officiellement, celui-ci est censé marquer une rupture avec l’austérité expansionniste, imposée à toute l’Europe depuis 2008, et qui a valu à la zone euro la croissance la plus faible de tous les pays occidentaux. Mais cet abandon n’est que provisoire, une parenthèse pour faire face à la crise économique provoquée par la pandémie : les critères fixés par les traités existants demeurent.                Surtout, cette mise à l’écart n’est que partielle : les réformes structurelles (retraites, marché du travail, Sécurité sociale, santé) sont toujours de mise. Les mises en demeure de Mark Rutte, qui a insisté sur la nécessité de mener à bien ces fameuses réformes structurelles, n’ont suscité aucun désaccord dans les rangs des autres dirigeants européens. Les financements dégagés par l’Europe doivent servir à des projets à même de mettre en œuvre ces réformes, censées soutenir une croissance durable – ce qui n’a jamais été prouvé, les expériences passées démontrant même le contraire. Mais cela vaut aussi pour les projets destinés à soutenir la transition écologique, le développement numérique.      Tout s’inscrit dans la même idéologie ordolibérale, promouvant les mêmes schémas de croissance que par le passé, la même stratégie de l’offre. À cette aune, le grand plan de relance risque vite de se transformer en un programme de soutien au secteur privé, en excluant toute politique publique, la Commission européenne censurant tous ceux qui seraient tentés de s’écarter du « droit chemin "....                                                          ______________________
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Vers une médecine 3.0...

Publié le par Jean-Etienne ZEN

        Révolution ambiguë                          

                          Pour pallier au déficit de médecins qui pose problème et qui risque de durer encore longtemps, certains envisagent le recours de plus en plus large à la télé-médecine: de la consultation à distance, déjà partiellement existante et surtout au recours plus important à l'intelligence artificielle, notamment en matière d'imagerie médicale. _Une petite révolution médicale se prépare, qui va peut-être faire faire un pas de géant à la médecine préventive et au suivi des patients, en réduisant le coût des lourds examens traditionnels.    C'est notamment un tout petit objet, permettant de surveiller sans déranger, qui pourra avoir d'autres applications qu'on n'imagine pas encore. C'est du sérieux"Une équipe de chercheurs américains a mis au point un minuscule patch épidermique capable de surveiller les signes vitaux d'un patient grâce à des capteurs électroniques._Le nouveau système électronique épidermique (Epidermal Electronics System ou EES) est une véritable révolution. Doté d’une souplesse, élasticité et densité équivalente à celle de la peau, il adhère à l’épiderme comme un tatouage temporaire et assure un suivi rigoureux de la condition physique d’un patient en dehors de l’hôpital. Composé de capteurs, diodes lumineuses et microtransmetteurs, l’ESS est capable de capter les signes vitaux d’un sujet sans lui procurer la moindre gêne. Les mesures du rythme cardiaque ou encore de l'activité cérébrale et musculaire sont transmises à un ordinateur sous la forme d’un algorithme informatique..." 

 

                   Mais les réticences des praticiens sont nombreuses, car l'interprétation humaine des données sera toujours nécessaire et des problèmes éthiques apparaissent vite au sujet du secret médical.    De plus le diagnostic individualisé, physique et interprétatif ne remplacera jamais la technicité froide des données numériques ou de la voix à distance                                                                                                Le risque le plus notable est celui d'une  médecine asservie au Big data.  La recherche de pointe privée aux USA côtoie les fantasmes les plus naïfs et (parfois) les plus inquiétants.  Voilà que les géants du web, après la voiture intelligente et autres Google watch,  s'intéressent au génome hmain. De façon parfaitement désintéressée....   Non pas que ce soit inutile, mais c'est fait hors de tout contrôle public, uniquement régi par les lois du marché, comme si le domaine de la santé était surtout un vaste business destiné à croître indéfiniment... Parfois dans le plus pur esprit de l'idéologie transhumaniste.

 
       Notre futur intéresse les boys de la Silicon Valley.
 Google vise-t-il le bien de l'humanité ou le portefeuille des assureurs?
       Une guerre commerciale est engagée.
               ...La médecine est sur le point de devenir une science de l'information au sein d'un marché évalué à 10 800 milliards de dollars par an en 2017, selon Freedonia Group. Les médecins et les chercheurs sont désormais capables de récolter et d'analyser de gigantesques quantités de données auprès de leurs patients. Et Google est très, très bon avec les grandes bases de données. Le big data pour combattre la maladie donc...
        Vaste marché en perspective concernant la médecine prédictive (sur laquelle on se fait beaucoup d'illusions encore, dans un esprit étroitement scientiste et médicalement obtu: le tout génétique a montré ses limites...)
                   D’après Jay Flatley, patron d’Illumina, leader californien du séquençage et de la fabrication de matériel, ce marché émergent pourrait atteindre 20 milliards de dollars ces prochaines années. Un marché qui intéresse au plus haut point Google, Apple, Facebook ou Amazon (Gafa), qui ont fait de l’exploitation des données le cœur de leur activité. Comme Anne Wojcicki, dont il est partenaire, Jay Flatley milite pour la libéralisation des données génétiques. Il participe au financement de Helix, une sorte d’AppStore du séquençage low-cost, où l’exome (une partie du génome) de chaque client, séquencé par Illumina, sera «monétisé» auprès de ses partenaires : des développeurs d’applications liées au sport et au bien-être, comme les laboratoires américains Lab Corp ou la célèbre clinique Mayo, un réseau hospitalo-universitaire basé à Rochester dans le Minnesota et classé en 2015 meilleur établissement de santé américain par le magazine US News & World Report.
                   Le projet Baseline Study vise "modestement" à euthanasier la mort et d’accéder à l’immortalité ».          Grâce au programme «Baseline Study», le géant d’Internet qui rêve de «tuer la mort» ou du moins de la faire reculer dans des proportions jamais vues dessine le profil génétique de l’humain en bonne santé grâce à des milliers de cobayes bénévoles connectés à un tracker médical, tandis que la société partenaire Ancestry DNA trace de tentaculaires arbres généalogiques à partir des gènes d’un million de clients.... 
      Patrick Gaudray, directeur de recherche au CNRS et membre du Comité consultatif national d’éthique : «Nous commençons à peine à comprendre le rôle des gènes dans les pathologies. La prédiction médicale est à mi-chemin entre le sérieux et la boule de cristal ! Si on nous découvre une prédisposition aux maladies cardio-vasculaires, va-t-on espionner le compartiment beurre de notre frigo connecté pour calculer notre prime d’assurance ?» De fait, les assureurs français Malakoff Médéric et Axa se renseignent déjà en temps réel sur l’état de santé et l’activité physique de leurs assurés volontaires au moyen d’objets connectés de quantified self («mesure de soi»).
      C'est donc vers une chasse aux ADN  à laquelle on risque d'assister.
         Pour notre bien? Les spécialistes en éthique médicale n'en sont pas convaincus:
                 «Pour prévenir les maladies, jusqu’où ira-t-on ? Voudra-t-on fabriquer des génomes exempts de tout problème ? Faudra-t-il répondre à un standard génétique ? Moi, ça me terrorise !»dit Patrick Gaudray. Alors que penser des technologies de réécriture de l’ADN pour gommer les causes d’une maladie génétique, développées par une équipe d’éminents scientifiques américains, à l’origine d’Editas Medicine ? Un programme financé par des fonds privés, dont ceux de l’omniprésent Google, le plus «transhumaniste» des Gafa au cœur d’une Silicon Valley.
       Les investissements qui se font implicitement au nom de la nouvelle doctrine de " l'homme augmenté"   n'ont vraiment rien pour rassurer...
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Pauvres Libanais!

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Plongée dans l'abîme.
                               Qui viendra sauver le Liban dans sa descente aux enfers?
       On le pressentait depuis des mois, voire des années, rien ne va plus au Pays du Cèdre.
   Le pire s'installe, même la famine menace, dans l'impuissance générale, résultat d'années d'incurie et de malversations.
                         Point de vue et analyse pour comprendre un peu mieux les mécanismes d'une catastrophe autant politique qu'économique:
                            "...Le gouvernement libanais est à court de ressources face à cette crise. Il a demandé une ligne de crédit de 10 milliards de dollars au FMI qui, pour le moment, n’a rien débloqué. Les négociations butent sur les « réformes » qu’exige le Fonds et qui sont celles du consensus de Washington : baisse des dépenses publiques, licenciement des fonctionnaires, privatisations… Jean-Yves Le Drian viendra à Beyrouth comme le défenseur de cette ligne néolibérale assumée. Le 8 juillet, il lançait devant les sénateurs un appel à ses « amis libanais » : « Vraiment, nous sommes prêts à vous aider, mais aidez-nous à vous aider, bon sang ! » Autrement dit, « faites des réformes et vous aurez l’argent ». Tout cela fleure bon les aides « à la grecque » et une conditionnalité qui va plonger le pays dans un nouvel appauvrissement général, 30 ans après la fin de la guerre civile. L’effondrement du pays est l’occasion d’approfondir sa « néolibéralisation ».


       Pourtant, la crise actuelle du Liban n’est pas le fruit de la malchance, du virus ou des manifestations, ni même de la crise syrienne, qui a poussé un million de réfugiés dans ce pays. C’est le fruit d’un modèle de développement profondément néolibéral, engagé après la guerre civile sous la houlette des anciens premiers ministres Rafiq Hariri, assassiné en 2011, et Saad Hariri, son fils, chassé du pouvoir en janvier dernier par les manifestations. Pour le comprendre, il faut revenir au lendemain de la guerre, en 1990-1991.
        À cette époque, le Liban, qui avait été dans les années 1950 et 1960 la « Suisse du Moyen-Orient », est exsangue. Trente ans de guerre civile, la quasi-disparition de l’État, son dépeçage par les intérêts des factions et des pays voisins rendent l’économie ingérable. Naturellement, le pays manque de tout et doit donc tout importer. Comme il lui manque des devises, ses importations sont très coûteuses. L’hyperinflation menace, la livre s’effondre. Dans ces conditions, l’idée défendue par un certain nombre d’hommes d’affaires, à commencer par Rafiq Hariri, est de tout miser sur deux secteurs : l’immobilier de luxe et la finance. Grâce à leurs réseaux dans les pays du Golfe, ils espèrent financer la reconstruction par les pétrodollars en leur faisant miroiter de généreux profits. C’est l’adaptation du modèle des années 1950, mais en remplaçant son aspect commercial, où les négociants libanais étaient les intermédiaires entre le monde arabe et l’Occident, par une économie plus financiarisée. C’est un modèle adapté au néolibéralisme.
      De fait, le Liban peut devenir une forme de cas d’école du genre. On se souvient que la particularité du néolibéralisme réside dans un État mis au service du capital, principalement financier. L’État libanais va être utilisé à cet effet comme peu d’autres. D’abord, dès 1991, le Parlement vote le transfert de la propriété de dizaines de milliers de petits propriétaires du centre de Beyrouth à un promoteur immobilier, Solidere, détenu par des investisseurs du monde arabe et des Libanais, dont Hariri. Ce type de transfert va se multiplier. Comme le souligne l’historien spécialiste du Liban à l’université néerlandaise de Liverpool Hannes Baumann, dans un texte de janvier 2019, le Conseil de développement et reconstruction, créé dans les années 1960 pour favoriser le rôle de l’État, est alors mis au service de ce développement immobilier. Progressivement, le centre historique de Beyrouth est rasé pour laisser place à de grands ensembles d’immobilier de luxe.
       Mais une telle stratégie ne pouvait fonctionner qu’avec une monnaie forte et stable. Les investisseurs étrangers ne viendraient pas placer leur fortune au Liban pour la perdre ensuite en dévaluations. Il fallait donc stabiliser la monnaie. À l’automne 1992, le gouvernement décide de donner à la banque centrale, la Banque du Liban (BdL), la charge unique de la stabilisation de la livre libanaise, avec pour ambition de l’ancrer à un taux de change stable par rapport au dollar. C’est chose faite en décembre 1997, où la valeur de la livre est fixée à 1 500 par dollar. Avec cet ancrage, les dirigeants libanais espèrent faire d’une pierre plusieurs coups : favoriser non seulement l’immobilier, mais aussi le secteur financier, et mettre fin à la vie chère en réduisant les prix à l’importation.
      Bref, c’est la stratégie classique du « ruissellement » qui est mise en œuvre au Liban. On espère que les investissements étrangers vont se traduire par des emplois et un développement plus large. Pour être bien sûr de ne pas effrayer les riches, on fait reposer la fiscalité sur la TVA, plus que sur un impôt progressif. En cela, le Liban ne fait pas exception à cette époque. C’est le choix de plusieurs pays émergents alors, tels que la Bulgarie, la Croatie, l’Albanie ou l’Équateur, par exemple. Autant de pays où le ruissellement se fait toujours attendre…
     Ce sera aussi le cas au Liban. Pendant une grosse dizaine d’années, le système tient tant bien que mal. Mais, comme le souligne Hannes Baumann, le capitalisme libanais prend de plus en plus une forme rentière qui est assez spécifique du néolibéralisme, mais a été poussée à des niveaux très élevés dans ce pays. Alors que le Libanais moyen n’avait guère les moyens ni d’investir, ni d’habiter dans les résidences luxueuses construites par centaines à Beyrouth, les plus riches, eux, profitaient pleinement des effets de la politique de la Banque du Liban.
      En effet, pour maintenir la parité de la livre libanaise, la BdL a cherché à attirer les réserves en devises de la diaspora libanaise, des plus riches et des investisseurs du Golfe avec de très généreux taux d’intérêts. Concrètement, la BdL empruntait effectivement les devises aux banques commerciales libanaises qui, elles, les récoltaient auprès des investisseurs avides de taux élevés. Cela permettait à la BdL de disposer de réserves pour financer le déficit courant du pays et, le cas échéant, défendre la monnaie. Mais ce système ne fonctionne que si le pays utilise effectivement sa stabilité monétaire pour financer son développement, réduire son déficit commercial et, in fine, pouvoir réduire les taux. Ce n’est pas du tout ce qui s’est produit au Liban.
      L’économiste Toufic Gaspard, de l’université du Sussex, a étudié de près, dans un article de 2017, cette politique monétaire de la BdL et en a montré la nocivité. Sur la période allant de 2011 à 2016, le taux payé pour les dépôts en dollars par la banque centrale était en moyenne supérieur de 5 points de pourcentage au taux interbancaire de référence, le Libor. « À tous points de vue, le taux d’intérêt de la BdL est très généreux », conclut-il. Selon lui, un taux allant de 2 à 2,5 % aurait permis d’attirer les dollars dans les caisses de la BdL.
       Or cette générosité a de nombreuses conséquences négatives. D’abord, les banques commerciales préfèrent évidemment prêter leurs fonds à la généreuse BdL plutôt qu’à l’économie libanaise. Près des trois quarts des bilans des banques libanaises sont ainsi constitués de créances sur la BdL ou l’État. À l’inverse, il est donc très difficile de financer des investissements productifs au Liban. Dès lors, seuls les projets très rentables comme l’immobilier de luxe sont financés ; l’outil productif, lui, est resté inexistant.
    À quoi bon, au reste ? La stabilité de la livre offrait effectivement un pouvoir d’achat supérieur en importations aux Libanais par rapport à la plupart de leurs voisins. Pourquoi se lancer dans la construction d’une usine lorsqu’il est meilleur marché d’importer les biens que de les produire ? Pourquoi investir dans l’outil productif en devant s’endetter à des taux prohibitifs lorsque la BdL offre des taux fabuleux pour l’emploi de son argent ?
     Le pays a alors connu un effet d’éviction de sa structure productive vers la finance. Globalement, le Liban pouvait, avec cette monnaie forte, avoir l’illusion de vivre sur les importations. La balance des paiements affiche donc un déficit de près d’un quart du PIB, ce qui suppose un afflux de devises important et, partant, un maintien du système de monnaie forte et de taux élevés.
    Une petite classe moyenne a certes pu voir le jour dans les années 2000 dans ce système, formée de négociants d’import-export, de responsables du secteur du tourisme ou d’employés du secteur financier. Mais, globalement, la croissance libanaise a été profondément inégalitaire. Ce sont les détenteurs de la richesse financière qui ont profité de ces politiques.
     Les chiffres du World Inequality Database (WID) sur le pays sont sans appel. Entre 1990 et 2016, la part de la richesse nationale détenue par les 10 % les plus riches est passée de 52 % à 57,1 %, tandis que celle détenue par les 50 % les plus pauvres est passée de 12,9 % à 10,7 %. Désormais, la moitié de la population détient moins de richesse que les 0,1 % les plus riches, qui captent 11,1 % du revenu national. Le ruissellement a échoué, au Liban comme ailleurs.
    Dans ces conditions, l’État libanais, en bon État néolibéral, est venu colmater, tant bien que mal, les brèches. L’emploi public est parvenu à assurer une certaine stabilité de la demande intérieure. Mais le Liban étant ce qu’il est, cet emplois public a, bien sûr, été souvent détourné à des fins communautaires pour « récompenser » des services politiques. Cela a sans doute gonflé la dépense publique et réduit l’efficacité de l’État. Cette corruption a aussi conduit à une préférence pour la dépense courante plutôt que pour l’investissement.
    Ainsi, Électricité du Liban (EdL), l’entreprise d’État qui gère le réseau électrique, est souvent présentée comme la preuve de la mauvaise gestion étatique. C’est indéniable. La corruption a gonflé les effectifs au détriment des investissements de maintenance. Mais le point essentiel est que l’État n’avait guère d’intérêt à développer les centres de production libanais et leur productivité puisque les importations étaient bon marché grâce à la monnaie forte.
   En réalité, ne voir dans la crise libanaise que le résultat d’un État trop présent et corrompu est un raccourci qui manque l’essentiel. L’État néolibéral est, par nature, au service des intérêts du capital, et sa fonction est souvent de pourvoir aux conséquences néfastes de cette politique par d’importants déficits publics. En l’espèce, l’immense déficit de l’État libanais de 9,6 % du PIB l’an passé, qui a conduit la dette publique à atteindre 155 % du PIB, s’explique non pas par une générosité immense de l’État providence libanais, mais par le modèle économique néolibéral.
     D’un côté, pour ne pas effrayer les capitaux étrangers, on a limité les recettes fiscales en renonçant à tout impôt sur les revenus du capital et en frappant d’abord les petits revenus et la consommation. De l’autre, pour assurer la stabilité monétaire, on a dû consentir des taux d’intérêts très élevés pour financer le déficit. L’effet « boule de neige » de ces taux, qui veut que lorsque l’on emprunte à des taux trop élevés on doive emprunter plus au fil du temps, a été redoutable pour le Liban. Le service de la dette compte alors pour 9,5 % du PIB en 2019…
     À partir de 2011, l’économie libanaise ralentit fortement. La crise syrienne inquiète les investisseurs, qui redoutent une contagion à ce petit pays qui est toujours au cœur des différends géopolitiques de la région, et notamment du conflit irano-saoudien. Le tourisme marque le pas, l’argent arrive moins aisément et l’afflux des réfugiés syriens pèse sur les salaires locaux et les dépenses de l’État.
     Pour faire face à cette situation qui creuse le déficit commercial, la BdL se lance dans une fuite en avant en offrant, comme on l’a vu, des taux très élevés pour assurer ses ressources en devises. Sauf qu’elle aussi est soumise à l’effet « boule de neige » : elle voit ses besoins de devises croître sans cesse pour pouvoir rembourser les banques commerciales. Entre 2015 et 2019, le passif en dollars de la BdL est passé de 39 à 100 milliards.
     Or, en parallèle, la situation économique n’incite guère aux placements dans les banques commerciales libanaises. La croissance moyenne du PIB libanais entre 2011 et 2019 est de 1,9 % et l’économie est en stagnation à partir de 2017. Faute d’investissements, le chômage explose et atteint 37 % de la population active. « Le coût de la stabilité financière a été et reste immense », déclarait en 2017 Toufic Gaspard.
     La machine infernale se met alors en route, progressivement. Les réserves nettes de change fondent comme neige au soleil, passant en septembre 2019 à − 49 milliards de dollars, contre un quasi-équilibre en 2015, ce qui incite à des hausses de taux qui ne sont plus perçues comme des gages de profits par les investisseurs mais comme le signe d’une perte de contrôle de l’ancrage au dollar par la BdL. Dès lors, les fuites de capitaux s’accélèrent. Même la diaspora libanaise, première source de devises pour le pays désormais, hésite à placer ses fonds dans les banques libanaises.
     La BdL et son gouverneur Riad Salamé, qui est à la tête de l’institution depuis 27 ans, en ont été réduits à tous les expédients pour dissimuler le problème. En août 2016, Toufic Gaspard rappelle que la banque centrale avait dû renflouer indirectement en livres libanaises deux banques qui avaient perdu un milliard d’euros dans des investissements malheureux en Égypte et en Turquie pour s’assurer qu’elles continuent de lui apporter leurs devises. Récemment, Riad Salamé a été accusé d’avoir maquillé les comptes de la BdL de 6 milliards d’euros en 2018 pour dissimuler la situation réelle.
     Mais en septembre 2019, le vernis craque. Le taux réel de la livre commence à se déprécier sur le marché non officiel, faute de dollars disponibles. La BdL perd complètement le contrôle de la situation. Le gouvernement de Saad Hariri est contraint à trouver de nouvelles ressources et à réduire ses dépenses. Sur une population déjà frappée par la pauvreté et les inégalités, et justement révoltée par la mainmise sur l’État des oligarques et des groupes religieux et communautaires, l’effet va être dévastateur. L’annonce de la « taxe WhatsApp » sur les appels passés par cette application est l’étincelle qui met le feu aux poudres en octobre 2019.
     Dès lors, les fuites de capitaux se font encore plus rapides, la livre libanaise s’effondre. Le pays, fortement dépendant de l’extérieur, manque de ressources pour satisfaire ses besoins. La crise du coronavirus, en réduisant la richesse de la diaspora et en ruinant la saison touristique, achève de détruire l’économie libanaise. La livre ne vaut plus rien et la misère se répand dans le pays. Les salaires en livres libanaises ne peuvent plus rien acheter. C’est la route vers le chaos...."
     (F.Godin)
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Ils jettent l'éponge

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Redresser la barre.

                                   Ce n'est pas encore une hémorragie, comme à l'hôpital. Mais beaucoup sont épuisés ou sont démoralisés après les réformes qui se succèdent sans fin depuis des années sans grande cohérence.. Les job dating pratiqués à la hâte ne changeront rien à l'affaire....Un faisceau de causes ont produit une situation souvent critique. A-t-on voulu, conformément aux recommandations déjà anciennes de l'OCDE, laisser filer le système pour mieux le privatiser? C'est dans l'air....Le projet du FN ne manque pas d'inquiéter et penche nettement vers une conception libérale et régressive du système. 


                                                                                                                                                       S'il n'était question que d'orthographe, même minimale parfois, le problème ne serait pas si alarmant pour un nombre toujours plus grand d'élèves, mais , plus inquiétant, c'est le niveau de raisonnement qui pèche et la culture générale qui fait défaut dans ce qu'elle a de plus basique parfois. Et il ne s'agit pas que des fameuses perles traditionnelles? Les causes sont multiples et déjà anciennes, culturelles comme institutionnelles. Le travail régulier et approfondi, comme le plaisir d'apprendre sont des valeurs en baisse. La langue française est parfois devenue comme une langue étrangère...Le constat, souvent fait, pas toujours pour de bonnes raisons, s'impose maintenant, même pour des professeurs d'université, qui s'arrachent les cheveux. Pour ce qui est de la politique générale de l'institution qui tend vers la privatisation et qui n'est plus une priorité nationale, l'OCDE, fidèle au modèle libéral, continue à inspirer à des degrés divers les orientations scolaires au niveau pas seulement français:                                                                                                                                                                     ...Les conceptions de l’OCDE dans le domaine de l’éducation vont dans le sens d’une forte libéralisation du système éducatif. Dans Repenser l’enseignement. Des scénarios pour agir (dernier volume de la série « l’école de demain »), l’OCDE donne la parole à Jay Ogilvy, « grand pionnier de la réflexion prospective au sein des entreprises ». Celui-ci préconise une « décentralisation » et « une autonomie accrue des établissements scolaires, avec une influence plus forte des parties prenantes »1. Il fait l’éloge du projet anglais FutureSight, qui a consisté à renforcer le pouvoir des chefs d’établissement2. Il « préconise l’application des principes du marché contre l’excès de bureaucratie, qui risque d’étouffer l’innovation dans l’enseignement »    _________Cet expert promeut l’idée d’un enseignement adapté à chaque élève. Il affirme : « À l’avenir nous disposerons d’outils d’apprentissage qui nous permettront de faire chez chaque élève un diagnostic personnalisé qui nous donnera la possibilité de mettre à sa disposition, à chaque heure de la journée, des outils d’enseignement et des préparations de leçons les mieux adaptés à ses besoins et à ses aptitudes »4. Il faut selon lui « traiter chaque école et chaque élève différemment et singulièrement en fonction de leurs besoins propres », et « individualiser [l’] enseignement. » « Pour atteindre l’équité devant l’éducation à l’ère de l’information, nous devons rompre avec le vieux modèle de production de masse d’élèves bien socialisés et identiques de l’ère industrielle. Nous devons recueillir des informations sur chaque circonscription, chaque école, chaque élève, et les utiliser pour moduler les quantités de “nutriments” – qu’il s’agisse de dollars, d’enseignants, de manuels ou d’ordinateurs – en fonction des besoins de chaque école et de chaque élève »5. Ces idées sont entièrement au diapason de celles de notre gouvernement de droite, qui veut en finir avec le collège unique, créer des collèges de haut niveau dans les centres-villes et des collèges où l’enseignement se réduirait au minimum, au « socle commun », dans les banlieues défavorisées. Les 7 piliers du socle commun de connaissances sont d’ailleurs inspirés par l’OCDE. Ce que prône l’OCDE, c’est de renoncer à l’objectif ambitieux d’une école, d’un collège et d’un lycée pour tous, et trier dès le plus jeune âge les élèves en fonction de leurs résultats ; ce qui revient en fait à les trier en fonction de leur niveau social, donc à accentuer les inégalités. Ces préconisations vont à l’encontre du caractère démocratique et universel du système éducatif.                                                    Dans ce long rapport pétri de langue de bois, l’OCDE préconise aussi que l’enseignement public soit désormais « concerné par les mécanismes du marché ». L’organisation déplore que « les conseils d’établissement et l’administration centrale de la circonscription fonctionnent comme des monopoles d’État. Parents et élèves n’ont pas le choix du fournisseur, comme ce serait le cas sur un marché libre ». Elle fait valoir que « dans la plupart des entreprises, un directeur peut opérer des changements pour répondre aux différents besoins d’une clientèle diverse », et conclut : « Nous devons commencer par dégripper ce mécanisme ». Elle propose en outre de « donner aux élèves et aux parents la possibilité de choisir l’école et les enseignants qui correspondent le mieux à leurs besoins. Le financement ira dans le sens du choix des élèves » ; ainsi « les forces du marché récompenseront les résultats »6. L’assouplissement de la carte scolaire, l’autonomie des établissements, l’idée de payer les enseignants « au mérite », le recrutement massif d’enseignants contractuels tandis que les places aux concours sont drastiquement réduites et que des milliers de postes d’enseignants titulaires sont supprimés chaque année, toutes ces initiatives du gouvernement trouvent leur source dans les préconisations de l’OCDE qui est aujourd’hui véritablement le fer de lance de la libéralisation des systèmes éducatifs. Il est temps de démystifier l’OCDE, de se démarquer de cette influence ultra-libérale, et d’entreprendre une politique éducative ambitieuse et démocratique, visant à la réussite de tous les élèves..."

 

____Et voilà pourquoi votre fille est malade..._____________________________

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Entre deux chaises

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 

Furieux.
           L'ayatollah de l'Europe intégrée n'est pas content.

      Le voilà qui se fâche tout rouge contre ce que certains appellent pudiquement les "défauts" de l'Europe.
               En des termes qu'on attendait pas de lui.
                                                                Jean Quatremer, figure bien connue dans le monde du journalisme, spécialiste un peu atypique à Libération, suivant les question européennes de très près, laisse éclater une colère à première vue violente, mais légitime et salutaire à l'égard du système européen tel qu'il est devenu, de manière un peu provocatrice, pour susciter un réveil nécessaire des hommes et un changement radical des institutions. Il met les pieds résolument dans le plat. Ce n'est pas nouveau, mais de la part d'un auteur qualifié d'europhile, parfois d' eurocrate, cela amène quelques questions.
[On peut consulter les premières pages]
       Tout cela sur fond de croyance fédéraliste, lui qui n'a cessé, depuis ses premiers billets, de faire appel à plus d'unité politique et de dénoncer les dérives marchandes, les scandales et les élargissements aveugles. Sa critique est au début de son livre très véhémente, reprenant à son compte les plus sévères émanant de certains courants anti-européens.
     On pourrait le comparer à un nouveau Luther fustigeant avec force et parfois violence les excès et les déviations de l'Eglise de son temps et de sa hiérarchie souvent corrompue, détournées de leur mission essentielle, et centrant son message rénovateur sur le dépouillement, les textes fondamentaux et la foi, en deçà du désolant  virage maastrichtien.
    Quatremer veut encore croire à une reconstruction de l'Europe, à un certain retour des idéaux fondateurs d'après-guerre, à un projet fédérateur dont nous sommes éloignés par aveuglement et par égoïsme national. Retrouver le chemin d'une politique commune, qu nécessiterait d'autres institutions, une vraie révolution. Pour faire face aux défis économiques qui nous attendent.
     Retrouver le chemin de la foi. Mais la question est de savoir si la seule foi peut sauver et permettre d'opérer le virage salutaire qui nous sortirait des lois d'un simple marché libéral, voulu par les anglo-saxons, accepté par les élites pantouflardes de l'UE, de la suprématie de fait de l'Allemagne devenue la référence et la donneuse de leçon. L'auteur est silencieux ou vague sur les conditions qui permettraient à Bruxelles de sortir de la bureaucratie tatillonne et à courte vue qu'elle est devenue, de dépasser l'extrême financiarisation dans laquelle elle s'est elle-même piégée, après avoir joué un certain rôle redistributeur, mais sans solidarité durable.. Il est surtout bien allusif sur les influences néolibérales qui n'ont cessé de marquer de leur empreinte des institutions, que Delors lui-même ne reconnait plus sur ses vieux jours.
 _____________         Dans son livre Les salauds de l'Europe, l'auteur, désabusé, dit:
                  "« Longtemps, j'ai cru en l'Europe. Longtemps, j'ai souhaité l'émergence des États-Unis d'Europe. Longtemps, j'ai pensé qu'elle était notre Terre promise, celle qui nous permettrait de dépasser les États-nations, ces fauteurs de guerre. Aujourd'hui, c'est fini. Je n'y crois plus. Elle n'a pas été inutile, mais son rôle historique est derrière elle... »
     Comme dit Joseph Savès, "c'est par cette confession désabusée et sans équivoque que débute l'essai iconoclaste de Jean Quatremer. Le journaliste rappelle avec brio les origines de l’aventure européenne. Mais c’est pour mieux dénoncer ensuite les dérives qui, du talentueux Jacques Delors au piteux Jean-Claude Juncker, ont mené à l’impasse actuelle.
    Y a-t-il une lumière au bout du tunnel ? Jean Quatremer détaille en quelques pages une possible sortie par le haut. Mais lui-même n’y croit pas vraiment. Son essai s’adresse aux européistes convaincus : quand le clergé lui-même ne croit plus à son dieu, est-il encore raisonnable de le prier ? N’est-il pas temps de repenser l’avenir ? Ce qui reste de l’Union est plus néfaste qu’autre chose. Mais le projet communautaire demeure nécessaire. Il s’agit de le refonder....
     "..La Commission européenne a affirmé son autorité sous la présidence de Jacques Delors (1985-1995), lequel a pu convaincre les États d’adopter aussi bien Schengen que l’Acte Unique et la monnaie unique. Il a seulement échoué sur l’Europe sociale.
Mais ses successeurs, rivalisant d’incompétence, ont rapidement réduit la Commission à n’être plus que le secrétariat du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Jean Quatremer a des mots très durs pour Jacques Santer, dont il a provoqué la chute en 1999 pour cause de corruption, comme pour Romano Prodi (1999-2004) et son commissaire à la concurrence Mario Monti, qui ont bradé l’industrie européenne, Manuel Barroso (2004-2014), homme-lige de la banque Goldman Sachs, impliquée dans la crise de 2007, et bien sûr Jean-Claude Juncker, qui a érigé son grand-duché en paradis fiscal.
Le Conseil européen, organe suprême de l’Union, est donc revenu au cœur du jeu. Il se réunit désormais tous les mois ou tous les deux mois. Mais c’est seulement pour constater ses désaccords sur tous les sujets d’importance : Ukraine, Russie, énergie, libre-échange, travailleurs détachés, terrorisme, migrants etc. La faute en est à l’élargissement intempestif de l’Union de quinze membres en 1995 à 27 ou 28 aujourd’hui, avec des niveaux de développement très différents.
     Jean Quatremer exécute en passant le Parlement européen, caution démocratique de l’ensemble : ses députés n’ont d’européens que le nom car ils sont élus sur des logiques partisanes nationales. « Quand sur certains textes, on voit les députés allemands voter comme un seul homme pour ou contre, de l’extrême droite à l’extrême gauche, comment ne pas ressentir un malaise ? » (p. 23). Leur légitimité est contestable quand on songe qu’un député français représente douze fois plus d’électeurs qu’un maltais. Enfin, le Parlement n’a pas l’initiative des lois et dans le domaine législatif, « il a le même poids que le Conseil des ministres qui n’est, au mieux, qu’élu au suffrage indirect » (p. 24).
   Fait aggravant pour Jean Quatremer : la médiocrité des chefs qui y siègent aujourd’hui et notamment du couple franco-allemand. « Aucune personnalité d’envergure ne sort du lot, si ce n’est par défaut, celle d’Angela Merkel, la chancelière allemande » (p. 21). Les conséquences en sont dramatiques : « Il suffit de voir dans quel état de panique cet aréopage distingué a géré en dépit du bon sens la crise de la zone euro entre 2010 et 2012, entraînant les uns après les autres les pays dans le gouffre, dont la Grèce n’est toujours pas sortie sept ans après ! Et cela se paie par des centaines de milliers de vies brisées » (p. 22).
      Jean Quatremer s’alarme des conséquences de l’incurie européenne : « Le ‘doux monstre de Bruxelles’ qui impose le bien européen à coups de normes rigides et souvent idiotes, est devenu le principal destructeur, non seulement de l’idéal européen, mais aussi de la démocratie. Par une sorte de retournement historique, il en vient même, par son existence, à menacer la paix… » (p. 10).
      Le journaliste en voit la raison dans le dogmatisme étroit des agents européens :
« Engluée dans une idéologie libérale et libre-échangiste promue par la Commission, l’Union refuse par principe d’offrir une protection aux citoyens européens alors qu’elle a été fondée sur le principe de la préférence communautaire. L’Union est devenue l’idiot utile de la globalisation et le reste du monde en profite : la Chine par exemple… » (p. 31). « Pour l’Union, tout ce qui est une barrière, même si celle-ci obéit à une bonne raison, doit être abattu, quel qu’en soit le prix à payer. Le dogme avant tout et le dogme, c’est l’absence de frontière » (p. 30).
     Jean Quatremer constate aussi l’échec de la monnaie unique et ses effets délétères sur la solidarité européenne. Il rejoint le point de vue que développe depuis plusieurs années Joseph Savès sur notre site : « Lancée en fanfare en 1999, la monnaie unique, qui devait elle aussi doper la croissance et protéger les Européens contre les chocs extérieurs, n’a pas rempli son rôle, comme l’ont montré la crise financière et économique de 2007-2008, puis la crise de la zone euro de 2010-2012. (…) Depuis le lancement de l’euro, la France est en déficit commercial alors que l’Allemagne accumule les excédents dans des proportions sans précédent. L’euro, qui peut le contester, a appauvri la France et tous les pays du Sud, mais a bénéficié plus que de raison à l’Allemagne » (p.31).
      Et l’auteur d’en tirer la conclusion avec l’amertume que l’on devine chez un jeune sexagénaire qui découvre s’être illusionné toute sa vie : « Un triste bilan. Cet astre mort qu’est devenu l’Union n’a plus de raison d’être, il n’apporte plus aucune chaleur, bien au contraire. Elle est un problème en elle-même. Il est temps de redonner leur liberté aux nations européennes qui ont été la source de la grandeur du Vieux Continent. Il faut libérer les énergies au lieu de les entraver ! » (p. 38).
     Un exemple cité par l'auteur des nombreuses dérives d'une Europe bien lointaine: Le monolinguisme, l’un des traits les plus significatifs de la « Bulle européenne »:Par négligence et lâcheté, les dirigeants de l’Union et les fonctionnaires de Bruxelles ont laissé choir le multilinguisme et n’usent pratiquement plus que d’un seul idiome… L’anglais ? Que nenni. « À Bruxelles, c’est le globish qui règne en maître, une forme appauvrie à l’extrême de la langue de Shakespeare qui permet tout le monde de communiquer sans problème » (p. 155). Cet idiome est semé de néologismes propres à la Commission au point qu’il a fallu publier un dictionnaire des correspondances entre le mot anglais et sa traduction en globish bruxellois (comme for example au lieu de for instance).____Il ne s’agit pas d’un trait secondaire ! « La langue n’est pas neutre, rappelle Jean Quatremer. Elle véhicule des valeurs et des concepts et, surtout, seule la langue de naissance permet de communiquer au plus près de sa pensée : ce n’est pas un hasard si un Américain, un Chinois ou un Japonais ne négocie jamais dans une autre langue que la sienne » (p. 155).
_______________Un magazine eurocitoyen renchérit mollement. 
       Mais une grande interrogation surgit au sein de cette critique assez violente et inattendue, quoique justifiée pour beaucoup d'observateurs, même europhiles de la première heure: comment un retournement pourrait-il se faire dans les conditions actuelles, à moins d'une crise majeure? Aucune tendance forte ne se dessine, même au sein des courants progressistes qui siègent au parlement européen sans grand pouvoir. Pas d'homme d'exception à l'horizon susceptible de marquer d'un empreinte réformatrice forte le système berlino-bruxellois. Il semble bien que le ver soit dans le chou.
        Quatremer n'est-il pas condamné encore longtemps à la désillusion? On peut le craindre.
__________
- L'euro est-il viable à long terme?
- Nouvelle question allemande
- Où est passé le peuple européen?
Europe vassalisée
- Et pourtant elle ne tourne pas...
L'Europe fait fausse route
Revoir le chantier.
- L’euro n’est pas viable à long terme», selon l'Institut Jacques Delors
Aux origines de la construction européenne
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UE: élargissement encore?...

Publié le par Jean-Etienne ZEN

La question ne cesse de rebondir

                Les promesses faites envers l'Ukraine ravive la question de l'élargissement de l'Europe, qui n'a jamais cessé de faire périodiquement problème. A l'époque du "Bénélux", cela ne faisait pas problème, les échanges entre petits pays voisins furent envisagés comme une solution logique, surtout dans le suite d'un guerre dont il fallait se relever en commun. PH Spaak en fut un ardent défenseur. Mais l'idée des pionniers étaient d'aller beaucoup plus loin, sous l'instigation de J. Monnet, avec l'impulsion de Schuman, de de De Gasperi, encouragés par le grand frère d'Outre-Atlantique, dans le contexte de la Guerre froide. Toute une histoire assez tortueuse, un évolution que contestait au début De Gaulle, qui y voyait une possible dilution de souveraineté, l'intégration  trop marquée aux désiderata de Washington, le risque d'un simple marché sans entraves où la finance deviendrait la norme. Il caressait le rêve d'une autre Europe, "de l'Atlantique à l'Oural"  L'histoire a parlé et nous vivons au coeur d'une autre logique, dans une histoire assez chaotique. Une Europe à plusieurs vitesses, qui se redéfinit en se faisant, dans un processus dont on ne voit pas la fin, dans un affaiblissement politique régulièrement contesté. Nous sommes loin d'en avoir fini avec ce stop and go parfois un peu aveugle où la cohérence est défaillante et où les promesses à géométrie variable sont liées à des capitales qui ont en arrière-plan des objectifs différents t où la question de l'Otan vient embrouiller les débats. Les nouveaux arrivants ne sont parfois pas dans les clous, comme la Pologne et la Hongrie, qui jouent leur jeu propre. Qu'en sera-t-il du Kosovo, et, mieux, de la Turquie, toujours théoriquement candidate. On se prend légitimement à douter d'une possible conduite commune dans l'avenir, vu que c'est déjà une cacophonie périodique sur divers sujets et chaque pays tire la couverture à lui en matière de solidarité, de fiscalité, etc...Le cas récent de la gestion de la crise grecque a été un exemple  révélateur des défaut d'une élargissement qui s'est fait sans analyse sérieuse des situations concrètes 

 

 

     D'élargissements en élargissements, on peut se demander combien de décennies un terme (et lequel?) sera atteint et de quelle nature il sera. La question se pose régulièrement, avec ses crises, ses échecs, son Brexit, ses relances et ses incohérences. Il y a dix ans déjà, on se posait des questions qui restent toujours en suspens: Les illusions d'une Europe sans limites géographiques claires sont tenaces.___Est-ce vraiment une bonne nouvelle pour la Croatie?  Certains Croates ne sont pas enthousiastes, c'est un euphémisme. Le pays risque de déchanter, si on la mène à marche forcée selon le catéchisme bruxellois, vers l'ordre néolibéral en vigueur.__ "...La Serbie espère ouvrir des négociations d'adhésion en janvier ou encore le Kosovo obtenir un accord de stabilisation et d'association, première étape vers l'adhésion. La Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro sont aussi dans les starting-blocks, comme l'Albanie. Au-delà, l'Islande a entamé des négociations pour son adhésion et la Géorgie, l'Ukraine ou encore l'Arménie rêvent un jour de faire partie de l'Union. Sans parler de la Turquie. Or pour l'Union européenne, ces élargissements risquent de devenir de véritables pièges. A 27, l'Europe est déjà largement ingouvernable. Toute décision, comme en témoignent celle sur le budget de l'Europe ou celle sur le mandat du commissaire européen pour négocier - enfin - un accord de libre échange avec les Etats-Unis, donne lieu à de longues palabres, des querelles sans fin entre Etats membres. L'Union européenne n'a toujours pas non plus été capable d'adopter une position commune face à la guerre civile en Syrie. Comment, à plus de 30, demain, parviendra-t-elle à faire entendre une seule voix face à l'Amérique, à la Chine, à la Russie, voire à l'Inde ? Certes, en termes comptables, l'intégration de tous les pays de l'ex-fédération de Yougoslavie ne coûtera au budget européen qu'à peine 10 milliards d'euros. Mais il reste encore d'immenses écarts de niveau de vie entre ces pays et le reste de l'Union. Pour beaucoup de nouveaux membres et de candidats, l'adhésion à l'Union européenne est perçue avant tout comme une prolongation de leur engagement vers l'Alliance atlantique, et non pas comme la reconnaissance d'une véritable identité européenne. On s'achemine donc de plus en plus vers une Europe à géométrie variable, avec des pays censés être intégrés comme les 17 dans l'euro - cette intégration étant elle-même source de très grandes difficultés -, les 22 de l'espace Schengen - espace au fonctionnement imparfait lui aussi - et les autres. L'Union européenne doit se décider, enfin, à fixer ses frontières et à redéfinir sa raison d'être. Même si aujourd'hui, avec l'arrivée de la Croatie, elle peut se vanter d'atteindre à nouveau l'objectif de ses pères fondateurs : « faire régner la paix en Europe ».Ce processus arrange tout à fait les partisans d'une Europe simple zône de libre échange, telle que le Royaume-Uni qui  a réussi à l'imposer, rendant maintenant impossible la création d'une future entité politique cohérente et indépendante ou  même une éventuelle et problématique structure fédéraliste...    The Economist avance que l'élargissement a été une des réalisations les plus réussies de l'UE et qu'il faut continuer à intégrer de nouveaux pays...la puissance des USA a besoin d'un grand marché européen mais certainement pas d'une puissance européenne concurrente...    _Les négociations pour un grand marché transatlantique  sont la dernière manifestation de cette volonté d'hégémonie économique, dictée par les multinationales. On peut aller jusqu'à dire qul'entrée de la Croatie va permettre de rendre l'Union européenne encore plus ingérable. Et donc à Washington de mieux diriger l'ensemble.    ___   Objectif bientôt atteint?...______Quant au fédéralisme?...       __________________

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Sino-dépendance

Publié le par Jean-Etienne ZEN

En sortir.
                 Le covid 19 a mis cruellement en évidence l'extrême dépendance de l'économie de notre pays par rapport à la Chine, passée rapidement de l'atelier du monde à celle de deuxième puissance économique mondiale.

      Nous avons progressivement délégué nombre de nos activités dites secondaires à un pays qui a su habilement attirer pas ses coûts de production des pans entier de notre économie, des plus basiques jusqu'au plus stratégiques, comme le domaine du médicament.
     Nous avons été naïfs dans notre vision à court terme.   L'interconnection des économies a parfois pris des formes extrêmes pour faire baisser les coûts de production et par conséquent les salaires. Le profit étant la loi et les prophètes.
         La dépendance de la production française "à l’égard de l’offre chinoise a pratiquement été multipliée par 10 entre 1995 et 2014 selon une récente étude du CEPII. Avec la pandémie, cette dépendance, qui révèle les failles d'un modèle libre-échangiste, est sous le feu des critiques.    
       La pandémie a fait disjoncter les chaînes de valeur mondiale. Les mesures drastiques de confinement décidées par les grandes puissances industrielles ont provoqué un brutal coup d'arrêt des échanges de biens à l'échelle de la planète. En Chine, plusieurs grands ports ont arrêté leurs activités et des méga-usines ont réduit fortement leurs productions pendant les périodes de confinement. Du côté de la France, la mise sous cloche de l'économie pour tenter de réguler la propagation du virus a entraîné des pertes colossales dans de nombreux secteurs économiques. Si l'industrie n'a pas été la plus touchée, beaucoup de grands groupes ont dû faire face à de vastes difficultés d'approvisionnement. C'est notamment le résultat de décennies de désindustrialisation, d'une division internationale du travail accrue..."

 

    Il aura fallu un grain de sable pour mettre en évidence l'extrême fragilité de secteurs parfois importants de nos activités économiques, pour prendre conscience d'une évolution qui semblait devoir durer sans fin.
    C'est une aspect de la nouvelle mondialisation qui est aujourd'hui en question et que nos responsables veulent voir cesser ou du moins ralentir. Mais la relocalisation sera longue, difficile pour maints produits et parfois impossible même à moyen terme.
     C'est la question de la souveraineté qui est en question, qui sera toujours relative.
  La réindustrialisation est une exigence qui demandera du temps et de nouvelles alliances.
       La sino-dépendance n'est pas prête de se réduire à un niveau plus raisonnable, surtout tant que l'Europe restera un nain politique.
                                                      ________________________
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Education nationale: un naufrage?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Qui reprendra la barre?

                     Assistons-nous à une faillite du système scolaire? Certains le redoutent, qui sont le plus souvent placés aux avant-postes, avec un peu d'expérience, de recul et d'esprit critique. On en parle. On évoque le manque d'enseignants qui pose problème, pas seulement en mathématiques, leurs constats, leur désarroi, leur difficultés à assurer le minimum de contenu, pas seulement de maintenir un espace civique de travail dans et hors des classes, la dérive des performances, pas seulement dans les matières scientifiques, mais d'abord dans la maîtrise de la langue, qui conditionne toutes les autres. Il n'est pas prioritairement question de salaires insuffisants, même si ce facteur joue un rôle dans la désaffection actuelle, mais de la qualité de l'encadrement et de la gestion, qui s'est encore dégradée sous un ministre qui a du quitter ses fonctions pour ses objectifs technocratiques et autoritaires qui a compromis la "confiance" promise, tout en voulant stimuler la "bienveillance" . Une dérive qui vient de loin, lorsque l'EN ne fut plus déclarée priorité nationale, lorsque la culture générale fut peu à peu appauvrie, les horaires de français drastiquement diminués, quand le système fut aligné sur l'ordre marchand.            __C'est l'unité et la laïcité de l'école qui est aujourd'hui en question, dans les projets qui tentent de se mettre en place. Comme si la privatisation était un remède, dans ce domaine comme dans d'autres, d'intérêt général. "Sauver la langue" est d'abord l'objectif prioritaire. Quand on apprend qu'il faut réintroduire des cours d'expression écrite en première année de fac et même d'orthographe en cours de droit à Paris, que des ingénieurs peinent à rédiger un rapport écrit, on reste songeur. Il faut s'adapter, répète-t-on...Mais le terme est ambigü: jusqu'où, quand l'école n'est plus maître chez elle? Quand le minimum d'autorité ne fait plus le poids, quand la relativisation du savoir gagne toujours du terrain, quand la parole est toujours contestée, quand les réseaux sociaux font la loi, comme lors de la dernière épreuve de français en Première? Peut-on encore descendre plus bas que certaines copies, toujours plus nombreuses, de la dernière épreuve du Bac philo?

 

          Comment ne pas partager ce avis de bon sens d'un acteur sur le terrain?:         

"La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien. Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions. Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe. L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants. Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté".______________

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Mauvaise nouvelle pour les cardiologues

Publié le par Jean-Etienne ZEN

La ruée durera-t-elle?
                     C'est presque la pénurie chez les vélocistes, du moins dans les villes.
  Presque plus de biclou en stock. C'est fou!
La vélorution s'est emparée des foules comme un retour aux années 30.


    Cette furie vélocipédique tiendra-t-elle dans la durée? Rendez-vous dans un an...Ce sont les cardiologues qui vont perdre des clients...
   Même les patrons s'y mettent, comme un élément fédérateur. Mieux que le Golf! Très tendance!
 Des écrivains vantent les mérites de la petite reine
    Les véloroutes se développent vitesse "grand V" à travers toute l'Europe, de Riga à Malaga, de Brest à Brestlitovsk.
  Gain de temps, gain d'argent, c'est tout bon...Même les pros s'organisent.
       En tous cas, la petite reine s'envole.
             Mouvement de circonstance ou tendance durable?
   C'est le grand retour, après les années fastes du tout-automobile, de la conquête de l'asphalte  par les quatre roues, des congestions qu'elles provoquaient de plus en plus souvent, jusqu'à la paralysie parfois. Sans compter la pollution provoquée, aux effets souvent sévères sur les organismes des urbains. Mais pas seulement.

 


        Les effets de la crise sanitaire ont mis en évidence les conséquences bénéfiques d'une circulation réduite à son minimum. On redoute le retour à la "vie normale", déconfinée, et le retour accentué des files de voitures, plus longues qu'avant, étant donné le trafic réduit des transports collectifs et le caractère rassurant de  l'isolement dans l'espace de l'habitat automobile. 
       D'où le nouvel et exceptionnel intérêt des particuliers et des édiles pour une circulation vélocipédique renforcée. On voit dans les villes importantes des installations rapides  de nouvelles pistes autonomes réservées pour les seuls pédaleurs, des rushs chez les vélocistes, une production exceptionnelle dans le domaine du VAE, qui améliore sans cesse ses modèles, des primes accordées à ceux qui veulent faire réparer le biclou oublié, relégué au fond de la cave.
   Et puis un besoin de mouvement autonome se manifeste, après ces semaines de relative claustration et de frustrations certaines. Vive le vélo donc!
      Le mouvement sera-t-il durable? On en jugera plus tard, mais il en restera sûrement quelque chose. Sans atteindre sans doute les sommets de Copenhague, d'Amsterdam ou même de Berlin. Mais Strasbourg a déjà ouvert la voie. Montpellier se prépare. Hidalgo bichonne ses vélos.
    Une certaine effervescence règne autour de la petite reine
        Avec la reprise progressive des activités, on peut s'attendre à un surcroît de circulation dans les grandes villes, les transports en commun étant considérés comme à risque sanitaire.
  Ce n'est pas la santé qui va en pâtir
      A la reconquête du pavé, la bicyclette a de l'avenir
                                                                                  Le vélo ira loin....
___________

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Petit billet du dimanche

Publié le par Jean-Etienne ZEN

__ Pantouflage

__ Cher pipi

__ Chambre introuvable

 

__ Dédiabolisation?

 

__ Comme en 1877?              

__ Manquait plus qu'ça!

__ Manger son chapeau

__"Bienveillance" comme norme?

__ Renouvelables en question

__ Jamais sans mon arme

__ Semaine de 4 jours

__ Nouvelles fragmentations?

__ Il faut sauver le soldat EDF

                        ___ * Revue de presse.                                                 

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