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Vide politique sidéral

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 C'est fou, le flou

          Les futures élections donnent le vertige, de par les incertitudes quelles engendrent et les craintes qu'elles suscitent: le glissement vers une extrême-droitisation de votes de plus en plus nombreux. Mais il n'y a là rien de mystérieux, même si on le déplore...trop tard. C'est largement l'aboutissement d'un phénomène sociologique et politique qui se déroule depuis une vingtaine d'années. Une modification dans le monde du travail et le glissement vers la précarisation des classes moyennes, sous l'effet d'un néolibéralisme financier qui s'est appuyé sur un déclin de l'Etat, résigné à l'abandon progressif de la chose publique, ont amené un vide politique et une défiance progressive vis à vis de la représentation nationale, dont on voit aujourd'hui les effets.


     

 

        Un phénomène de dépolitisation s'est installé peu à peu. Et comme la nature a horreur du vide...les votes protestataires se sont peu à peu rapprochés, comme souvent dans l'histoire, de ceux qui brandissent un nationalisme et un protectionnisme étriqué, comme on l'a observé Outre-Atlantique. Les frustrations et les colères sont largement le résultat de la gestion étatique sans vision et affairiste. Les forces de gauche ont cédé sous la puissance de la déferlante néolibérale, par fatalisme ou adhésion, comme à Terra Nova. Le phénomène est complexe et s'est installé à bas bruit depuis une vingtaine d'années.  Le macronisme et son ambiguïté entretenue est comme le point d'aboutissement de ce processus. Le techno-pouvoir a fait le reste. La presse a suivi, devenue hyper-concentrée autour de quelques pôles financiers de plus en plus réduits.                               ____Les dérives d'une gauche qui a perdu ses repères et ses engagements, en état de coma dépassé, n'a plus rien de proposer à part quelques options sociétales. Les aveux ont été clairs, les dérives certaines, comme le reconnaissait déjà JP Chevenement à une époque. Le hollandisme a donné le coup de grâce.   "... la France va vivre dans trois mois une élection présidentielle, le sentiment que la gauche va la perdre l’emporte assez largement. Il est d’autant plus puissant que, même dans l’hypothèse improbable où elles se retrouveraient unies le temps d’un scrutin, les diverses tendances qui composent cette « famille » n’ont plus grand-chose en partage. Comment gouverneraient-elles ensemble, alors qu’elles s’opposent sur des questions aussi essentielles que la fiscalité, l’âge du départ à la retraite, l’Union européenne, la poursuite ou l’arrêt du nucléaire, la politique de défense, les relations avec Washington, Moscou et Pékin ? Seule la peur commune de l’extrême droite les réunit encore. Mais, depuis quatre décennies, l’ascension de celle-ci s’est poursuivie alors que la gauche a exercé le pouvoir pendant vingt ans (1981-1986, 1988-1993, 1997-2002, 2012-2017). Autant dire que les stratégies déployées pour enrayer ce danger ont spectaculairement échoué. Ailleurs qu’en France, le tableau n’est pas plus reluisant. « Ce n’est pas la peine de tourner le couteau dans la plaie. Nous sommes submergés ! La gauche est détruite dans toute une série de pays », admet M. Jean-Luc Mélenchon. qui paraît faire la course en tête à gauche, mais derrière plusieurs candidats de droite et d’extrême droite. En 2002, les sociaux-démocrates dirigeaient treize des quinze gouvernements de l’Union européenne ; vingt ans plus tard, il n’y en a plus que sept sur vingt-sept (Allemagne, Finlande, Suède, Danemark, Espagne, Portugal et Malte). Un effondrement qui n’est pas sans rapport avec un paradoxe cruel que relève M. Jean-Pierre Chevènement : « La mondialisation néolibérale, à travers la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes, se trouve mise en cause non pas par la gauche, largement ralliée au social-libéralisme, mais par la droite dite “populiste”. ....»                                                Le "tournant socialiste" socialisme de 1983 aura été décisif. La "reconstruction" sera longue et ne se fera pas sans heurts. Mais une inversion des priorités du capitalisme, sous l'effet des crises qui nous attendent, pourraient constituer le début d'une réappropriation des valeurs démocratiques...________________________

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Psychiatrie en France

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Etat de délabrement

                            La psychiatrie est devenue le parent pauvre du secteur médical français depuis surtout deux décennies. Une lente mais inéluctable dégradation au niveau des moyens comme des formations et des personnels. Les témoignages ne manquent pas sur les conditions d'exercice d'une activité médicale reléguée à la dernière place, comme si les "fous" faisaient encore peur, comme cela ne nous concernait pas. La psychiatrie est en crise et cela se sait depuis longtemps. Un rapport sénatorial avait naguère souligné l'urgence de réformes profondes. En vain... Des faits divers récents nous rappellent l'urgence d'une mutation sur le secteur. 


                                                                                                                                                  "... Les politiques évitent soigneusement le cœur du sujet : ces violences ne sont pas déconnectées des politiques publiques menées. En psychiatrie, en quarante ans, le nombre de lits a été divisé par deux, conséquence d’une politique souhaitable de « désinstitutionalisation », mais aussi de mesures d’économies. En parallèle, l’offre de soins ambulatoires, en dehors de l’hôpital, au plus près de la vie quotidienne des patient·es, n’a jamais été suffisante : les centres médico-psychologiques croulent sous la demande et imposent des mois d’attente à leurs nouveaux patients et patientes.   « Dans les centres médico-psychologiques, pour répondre aux nouvelles demandes, on est obligés d’espaceles rendez-vous, précise Delphine Glachant, psychiatre au centre hospitalier Les Murets (Val-d’Oise) et présidente de l’Union syndicale de la psychiatrie. Quand les gens décompensent, on le repère moins vite, et ils décompensent plusNotre seule réponse est l’isolement, qui génère de la violence, de plus en plus de violence. C’est mon sentiment. »...Les contrôleuses générales des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan puis Dominique Simonnot, n’ont cessé de dénoncer ces « formes les plus graves de privation de liberté, parfois prises dans un contexte de grande violence et exécutées dans des conditions indignes », comme l’a encore rappelé Dominique Simonnot dans son rapport annuel 2021....En octobre 2022, la contrôleuse a rendu publiques de nouvelles recommandations en urgence, à la suite de sa visite de l’établissement public de santé mentale de La-Roche-sur-Yon (Vendée). Ses services y ont constaté des portes fermées dans la plupart des services, même ceux des patient·es en hospitalisation libre. Les décisions d’isolement et de contention, des mineur·es comme des majeur·es, y sont nombreuses et souvent illégales. L’accès aux droits des malades est largement entravé.   Ces mesures sécuritaires n’ont eu aucun effet : les services de psychiatrie restent, année après année, les plus touchés par les violences. 22 % des signalements à l’Observatoire des violences en milieu de soins émanent de services de psychiatrie, loin devant les urgences et la gériatrie...."                                                                       Dans des institutions maltraitantes, les risques de passage à l'acte ont toutes les chances d'augmenter.  La dégradations du système ont été maintes fois signalées.                                  On peut même parler d' effondrement

 

                          _____Si l' institution hospitalière est malade, le secteur psychiatrique l'est plus encore. Mais qui s'en soucie? Ça en devient dramatique. La souffrance mentale n'est plus prise au sérieux. Ce n'est hélas pas nouveau, le problème se pose depuis longtemps, surtout depuis que les molécules chimiques sont venues se substituer trop souvent aux soins individualisés et à la présence et à la parole humaines.                                                                Ce n'est pas la première fois que des rapports, parfois très officiels, font état de la lente dégradation de notre système de soins psychiatriques. Depuis plusieurs dizaines d'années.   Si l'hôpital général est malade, l'institution psychiatrique est en situation critique et on ne s'en préoccupe guère. Surtout en cette période de crise profonde où la santé mentale pose de nouveaux problèmes.    Le déni de l'Etat continue sur une situation concernant plusieurs millions de personnes, malgré quelques aveux passagers, et la spécificité de la formation disparaît peu à peu. Comme si elle était une branche de la médecine générale.

   On a oublié qu'un malade mental n'est pas un malade comme un autre et que sa guérison éventuelle ne relève pas de la pratique médicamenteuse seulement, sinon comme appoint occasionnel.
   La psychiatrie est devenue le parent pauvre des systèmes de soin, où dominent les pressions de l'industrie pharmaceutique.
Or c'est l'état d'urgence qui est proclamé par plusieurs spécialistes et institutions, après bien d'autres avertissements, pour certains déjà anciens.
  La situation n'a cessé de se dégrader, dans un secteur qui concerne plus de personnes qu'on imagine, marqué par le déni, le silence, la honte parfois.

 

   Un secteur de plus en plus à l'abandon, condamné à fonctionner avec des bouts de ficelle.
     Il manque une volonté politique pour redresser et améliorer un système qui se dégrade à bas bruit depuis des décennies, alors que les divers désordres d'ordre mental de toutes natures n'ont cessé de croître.
   Un rapport parlementaire vient de confirmer l'état de délabrement de ce secteur trop longtemps négligé. Cela après un plus ancien rapport du Sénat, préconisant d'urgence de nouvelles voies.
     Le constat est accablant (*)
  Dans le silence institutionnel, cela ne tourne pas rond. La relation personnelle, si essentielle en ce domaine, est négligée. La chimie, si commode, ne suffit pas et peut parfois aggraver la situation. Les techniques de soins doivent être diversifiées.
   Le système est sous contention un peu partout.
       Ce ne seront pas quelques millions de plus, distribués sans discernement, qui amélioreront les choses en profondeur.
  Repenser la psychiatrie, ses présupposés et ses pratiques est une exigence impérieuse et urgente.


_________
                  (*)      «... Il faut redonner des moyens supplémentaires à la psychiatrie, je crois que c’est évident pour tout le monde, insiste (d’ailleurs) Martine Wonner, députée et médecin psychiatre de profession, interrogée par Mediapart. Mais je crois aussi très fermement que cela ne suffit pas. Moi, je ne veux plus, à quelques exceptions près, financer un seul lit supplémentaire dans les hôpitaux. Il faut totalement transformer l’offre de soin. » Là encore, même si Caroline Fiat, aide-soignante de profession, diverge sur la rigueur d’un tel moratoire, les deux députées se rejoignent et plaident pour un virage ambulatoire sévère, en réorientant à moyen terme 80 % des professionnels sur l’ambulatoire d'ici 2030.       Le rapport va encore plus loin et propose d’en finir avec l’organisation historique de la psychiatrie depuis les années 1960. À cette époque, pour sortir de la logique asilaire et ouvrir les malades vers la cité, l’institution psychiatrique se divise en « secteur », crée des équipes d’infirmiers extra-hospitalières, des structures d’accueil pluridisciplinaires en ville (comme les CMP, centres médico-psychologiques), le tout tournant autour de l’axe central que reste l’hôpital psychiatrique public. Chaque secteur correspond à un bassin de population.    Les deux rapporteuses, constatant l’échec d’un tel modèle, plaident pour réduire le « mille-feuille » des structures, et pour une offre de soin tissée « autour du patient », où il aurait « le libre choix ». Pour y parvenir, Martine Wonner assure miser sur un changement du mode de financement (acté par la ministre de la santé pour janvier 2020) en dotant davantage le médico-social, tout en forçant un peu la main aux établissements lucratifs. « Sans parler de contraindre, parce que je n'aime pas ce mot, on peut, par le biais du financement par la sécurité sociale, demander aux cliniques psychiatriques privées de participer à un soin de proximité, ou aux médecins de prendre tout type de malades en charge, de faire du soin d’urgence », explique la députée LREM. L’État, en la matière, doit être régulateur, assume le rapport, pour faire participer tous les acteurs à la « permanence des soins »....
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Numérique et énergie

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Il n'y a pas de neutralité carbone numérique

                                         On le pense parfois; le développement du numérique serait une voie royale pour accéder à des économies d'énergie significatives. Il va falloir réviser nos jugements : si un clic coûte très peu, l'ensemble des activités de tous les ordinateurs du monde engendre une consommation non négligeable d'électricité, ce que l'on ne soupçonne guère en général.  Rien que pour la simple gestion (fonctionnement et refroidissement) des data center en France, la consommation moyenne d'électricité équivaut à celle d'un ville comme Bordeaux, dans l'état actuel des choses.                                                                 _____L' écosystème numérique, l'ensemble des activités des appareils qui gravitent autour de cette fonction ne sont pas impact sur la consommation générale de l'électricité, de l'énergie en général. Et nous ne sommes qu'au début d'un processus:    "...L’écosystème numérique mondial est à l’origine de 2 % à 4 % – selon les études – des émissions de gaz à effet de serre sur la planète, soit jusqu’à deux fois plus que le transport aérien. Rien qu’en France, un rapport du Sénat donne 15 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (CO2) par an, soit 2% du total des émissions dans l’Hexagone en 2019. Après le sentiment d’« avihonte » d’origine suédoise, le scrupule à « liker » naîtra-t-il en France, où pas moins de trois lois « anticarbone » ciblant le numérique sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022 ?    Ce nouvel arsenal réglementaire permet de demander des comptes aux entreprises du numérique sur leur empreinte carbone. « Pour un courriel lesté d’une pièce jointe lourde, ce sont 20 grammes de CO2 qui sont émis, soit autant que 150 mètres parcourus en voiture », indique Guillaume Pitron, auteur de L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Les liens qui libèrent, 2021). Avec 10 milliards de messages électroniques envoyés par heure dans le monde, cela équivaut à 50 gigawatts, soit la production électrique horaire de quinze centrales nucléaires ! La pollution numérique provient actuellement pour les trois quarts de la fabrication de terminaux tels que – dans l’ordre de leur empreinte carbone – les téléviseurs, les ordinateurs portables, les smartphones, les box Internet, les écrans et les consoles de jeux. Contenant une cinquantaine de métaux, un smartphone ne pèse pas 150 grammes, mais 150 kilos – ce que M. Pitron appelle « le sac à dos écologique ». ..."                                                                               Nous ne sommes qu'au début d'un processus massif et mondial: la généralisation de la numérisation des sociétés, dans des domaines de plus en plus variés et élargis: de la communication privée aux plus complexes, administratives ou industrielles. La formule papier régresse inexorablement pour communiquer avec son percepteur, voire son médecin. Nous allons à marche forcée vers un monde que l'on dit de plus en plus "dématérialisé". Et la 5 G laisse entrevoir des dimensions nouvelles. Il n'y aura pas de réversibilité, on s'en doute, malgré les défaillances parfois problématiques: on le voit quand un hôpital est paralysé par un piratage inattendu, quand un service ne répond plus suite à une panne massive de réseau. S'est mis en place un système certes performant mais fragile et énergétivore, quelles que soient les précautions et les rustines.

 

 

      Mise à part cette fragilité, il y a un aspect ignoré que l'on peut appeler la "pollution numérique", car ce que nous considérons comme "'immatériel" est tout à fait matériel, avec des impacts non négligeables sur l'environnement. Le bilan carbone n'est pas neutre, loin de là, que ce soit dans l'extraction des matières nécessaires ou dans l'énergie croissante que nécessite son fonctionnement. Certains l'avaient déjà noté depuis un moment;   G. Pitron étudie le problème sous toutes ses facettes, après un travail minutieux de recherche, comme il l'avait déjà fait avec la question du "tout électrique" dans le domaine automobile, jugé déraisonnable si l'on y regarde de près. Nous allons à grands pas vers une "obésité numérique", dont nous ne sommes guère conscients, une fuite en avant inscrite dans le processus en cours, qui connaîtra, certes, des mutations, mais qui ne changera pas de nature. De ce point de vue, l'avenir peut paraître hallucinant. Le problème est que nous pourrons de moins en moins envisager un retour en arrière, ni même des inflexions significatives. Du moins avec les perspectives d'aujourd'hui. "Pour un selfie de plus..." comme note l'auteur, un like envoyé, multiplié des milliards de fois, des masses de messages et des photos envoyés à la vitesse de la lumière, nous contribuons à renforcer l'impact écologique que nous souhaitons réduire par ailleurs. Notre ignorance sur la question est savamment entretenue surtout par ceux qui vivent de ces flux numériques toujours plus importants.  ...Autant de questions que les utilisateurs d’outils connectés en tout genre ne se posent pas.                                            _____Et     Pourtant, la légèreté du net pourrait bien s’avérer insoutenable. Trois ans après sa formidable enquête sur les dessous des énergies vertes, "La guerre des métaux rares" (plus de 70.000 exemplaires toutes éditions confondues, traduit en plus de 10 langues) , Guillaume Pitron nous propose une enquête fascinante qui interroge le coût matériel du virtuel...."                                                         _ Sommes-nous au bord d'une prise de conscience sur les véritables coûts du développement incontrôlé des géants du net auquel nous participons allégrement, aveugles à la face cachée du système? Il y a beaucoup à apprendre sur les toujours croissantes consommations électriques de data center, etc...Plus de 10 % de la consommation mondiale électrique serait actuellement affecté à leur fonctionnement.

 

 

       "Les chiffres sont édifiants....« Lorsque j’ai découvert les chiffres de cette pollution, je me suis dit : “Comment est-ce possible ?” », se rappelle Françoise Berthoud, ingénieure de recherche en informatique. Les dommages causés à l’environnement découlent d’abord des milliards d’interfaces (tablettes, ordinateurs, smartphones) qui nous ouvrent la porte d’Internet. Ils proviennent également des données que nous produisons à chaque instant : transportées, stockées, traitées dans de vastes infrastructures consommatrices de ressources et d’énergie, ces informations permettront de créer de nouveaux contenus digitaux pour lesquels il faudra… toujours plus d’interfaces.  Pour réaliser des actions aussi impalpables qu’envoyer un courriel sur Gmail, un message sur WhatsApp, une émoticône sur Facebook, une vidéo sur TikTok ou des photos de chatons sur Snapchat, nous avons donc édifié, selon Greenpeace, une infrastructure qui, bientôt, « sera probablement la chose la plus vaste construite par l’espèce humaine  ».    Les chiffres sont édifiants : l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte représente trois fois celle d’un pays comme la France ou le Royaume-Uni. Les technologies digitales mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de dioxyde de carbone (CO2), soit un peu moins du double du secteur civil aérien mondial. « Si les entreprises du numérique se révèlent plus puissantes que les pouvoirs de régulation qui s’exercent sur elles, le risque existe que nous ne soyons plus en mesure de contrôler leur impact écologique », avertit M. Jaan Tallinn, le fondateur de Skype et du Future of Life Institute, qui travaille sur l’éthique des technologies ...."   _____[Souligné par moi]__________

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Economie libidinale

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Le désir et le marché

                   Avec le développement de l'économie de marché de plus en plus avancée, les secteurs de la vie, même la plus privée, parfois la plus intime, deviennent objets d'investissements lucratifs. Il est dans la logique  marchande  de  s'immiscer dans tous les secteurs de la vie, même la plus personnelle. Au nom de la "liberté" d'entreprendre et de consommer sans frein, jusqu'à la démesure, L'individualisme devint une référence, un terreau à exploiter, à exacerber même, pour vendre des produits de plus en plus nombreux, pour insuffler des valeurs de plus en plus axées sur la jouissance personnelle, dans le cadre d'une société véhiculant des valeurs les plus narcissiques. Il ne s'agissait pas de faire naître le désir , mais de le stimuler et de l'orienter. La vie affective fut une cible de choix, pour stimuler par la publicité, l'intérêt redoublé pour le sexualité notamment, jusqu'à la pornographie, devenue une quasi industrie. C'est ce qu'ont bien montré certains sociologues et des philosophes, faisant état de ce virage marchand, surtout à partir des années 1970. Aucune sphère ne doit échapper à la sphère marchande, au profit, qui ne doit rien avoir à faire avec la morale, mais doit relever d'une action sur les désirs: 

 

 

                Dans le sillage de ce qu’on a pu appeler le freudo-marxisme (dont l’un des principaux représentants, Herbert Marcuse, a beaucoup inspiré des philosophes comme Gilles Deleuze ou Michel Foucault), un certain nombre de penseurs se sont emparés du concept d’« économie libidinale ». Le terme en tant que tel donne son titre à un essai de Jean-François Lyotard. Son idée : l’économie capitaliste investit dans la consommation de marchandises un certain nombre de pulsions d’ordre libidinal ou sexuel. L’analyse a été reprise et radicalisée par des auteurs comme Michel Clouscard, auteur d’un Capitalisme de la séduction (1981) ou Dany Robert-Dufour, qui parle quant à lui d’un « capitalisme libidinal » pour signifier, plus encore, que le capitalisme s’est peu à peu mis à investir la sphère érotique elle-même, jusqu’à la rééduquer et la diriger complètement. Robert-Dufour expose notamment ses vues dans un ouvrage incisif intitulé Le Délire occidental et ses effets actuels dans la vie quotidienne : travail, loisir, amour (Les Liens qui libèrent, 2014).À ses yeux, le tournant libidinal du capitalisme aurait débuté à partir de la crise de 1929, au moment où s’observait une crise de la production qui devait se résoudre par une relance de la consommation : « Ce tournant, écrit le philosophe, peut être analysé comme une rétrocession de jouissance. Pour sortir de la crise, le capitaliste rationnel, soucieux de son intérêt, a été amené à envisager de partager une partie de la jouissance qu’auparavant il confisquait en s’appropriant presque tous les fruits du travail des prolétaires. »   Dany Robert-Dufour explique qu’à cet instant-là, l’économie capitaliste ne s’est plus concentrée seulement sur le temps de travail des individus, mais aussi sur leur temps de loisir : « Et le loisir, explique-t-il, s’est trouvé saturé de marchandises, c’est-à-dire, pour l’essentiel, de leurres qu’il s’est agi de présenter comme répondant à des besoins impérieux, autrement dit à des pulsions qu’il n’y eut plus besoin de réprimer, mais au contraire d’exalter. Le capitalisme, de répressif qu’il était, devenait libidinal. Il passait du commandement “Travaille bêtement et pour le désir, tu repasseras !” à une intimation incitative : “Pour peu que tu veuilles bien continuer à travailler bêtement, tu auras des récompenses, c’est-à-dire quelques chatouilles !” »    Il fallait que les ouvriers des usines Ford puissent eux-mêmes consommer les voitures qu’ils avaient produites et que la plupart des personnes aient accès à l’automobile, la télévision, le réfrigérateur, ce qui a été rendu possible par un certain nombre de mécanismes tel que le crédit à la consommation. Mais il aurait été dommage de ne pas aller vers un terrain particulièrement efficace, une récompense ou une chatouille particulièrement chatouilleuse – à savoir, le plaisir sexuel. Il ne suffisait pas de donner un tour libidinal à la consommation mais aussi de faire de la libido elle-même, de la sphère du désir et du plaisir sexuel, jusqu’alors relativement épargnée par le marché, un lieu qui n’échapperait pas à la sphère de la consommation capitaliste...C’est là que les publicités comme celle de Lelo, mais aussi celles de Flink, la plateforme de livraison rapide qui promet de livrer en dix minutes aussi bien des préservatifs que des glaces en vertu du mot d’ordre « Chacun ses pulsions », prennent tout leur sens. La consommation doit être pulsionnelle, irréfléchie, immédiate. À un désir, une satisfaction rapide et efficace.    La puissance du désir sexuel à cet égard fait qu’il ne pouvait logiquement pas être épargné et c’est ainsi, explique Robert-Dufour, que le capital a changé « l’érotisme » en « pornographie », c’est-à-dire en un endroit où la sexualité n’est plus délestée d’un horizon de domination par l’argent et les affects et mots d’ordre qui ont cours dans le capitalisme (efficacité, intensité, compétition, humiliation…), et à faire de la masturbation une activité rentable..."      _______________

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Le retour de la brutalité

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Le retour de la brutalité   [Notes de lectures]

                                Sidération et résistance à Kiev

             Etat des lieux.   La surprise aura été totale. L'intervention musclée des armées du nouveau tsar laisse sans voix. Contre toute attente, mais aussi contre toute logique (même de guerre), mais aussi contre les intérêts à terme de Moscou. Avec les risques toujours possibles d'emballement. Une guerre, on sait toujours comment ça commence, mais....Le Rubicon est franchi; quels scénarii pour demain?   Alea jacta est...  La propagande fonctionne à fond, sans surprise.               __ Une histoire compliquée après une longue aventure commune. Une Ukraine écartelée. Des "alliés" sans voix. Un jeu dangereux qui a mal tourné.

                                         " ...La sensation de vives un dangereux moment de bascule se fonde sur plusieurs éléments objectifs. Tous vont dans le sens de la concrétisation brutale d’une ère nouvelle dans les relations internationales.  Ce n’est pas la première fois que la guerre éclate sur le sol européen depuis la fin du second conflit mondial. Durant les années 1990, le Vieux Continent a été ensanglanté par les guerres de l’ex-Yougoslavie. Mais il s’agissait d’une guerre civile qui s’est internationalisée, pas d’une invasion d’un État voisin par une grande puissance militaire et nucléaire, avec pour objectif affiché de renverser son gouvernement, sans que ce dernier l’ait provoqué militairement.    Certes encore, la Russie a déjà transgressé le principe d’intangibilité des frontières dans le Caucase et en Ukraine même, en soutenant les républiques séparatistes du Donbass et surtout en annexant la Crimée à son territoire en 2014. Mais l’ampleur de  l’offensive fait cette fois-ci la différence.     Olivier Schmitt, professeur à l’université du Danemark du Sud, l’explique à Mediapart : « Jusque-là nous avions affaire à des opérations limitées. Or l’opération actuelle combine des moyens terrestres, maritimes et aériens, d’une importance telle qu’on peut raisonnablement supposer que l’objectif est Kiev, la capitale. On assiste à la double volonté d’une modification des frontières et d’un changement de régime. »   Même à une échelle historique et spatiale plus large, indiquait récemment le journaliste du New York Times David Leonhardt, peu de cas sont similaires. Durant la guerre froide, l’URSS a bien envahi l’Afghanistan, la Tchécoslovaquie et la Hongrie ; et les États-Unis ont bien envahi le Panamá, renversé un gouvernement au Guatemala. Plus tard, ils ont lancé des guerres en Irak. Mais « les plus grandes puissances mondiales ont rarement utilisé la force pour étendre leurs frontières ou mettre en place des “États-clients” dans leur propre région », écrit David Leonhardt.      En plus du type d’attaque lancée par Vladimir Poutine, la manière dont elle a été décidée va dans le sens d’un effet de seuil inédit. Jusqu’à présent, le président russe habillait ses interventions d’un vernis de légitimité, en prétendant notamment protéger des citoyens russes et/ou des minorités russophones en danger. Cette fois, les objectifs de « démilitarisation » et de « dénazification » invoqués par Poutine s’inscrivent dans un recours à la force qui s’accommode de justifications délirantes.       C’est l’une des différences avec la guerre d’Irak lancée par les États-Unis en 2003, sur la base de mensonges et sans mandat des Nations unies. « Jusqu’au bout, confirme Olivier Schmitt, le régime de George W. Bush a tenté d’obtenir une légitimité par ce biais, en s’inscrivant dans un jeu multilatéral. Ayant échoué, il a ensuite accumulé les arguments spécieux pour arguer de cette légitimité, par exemple en expliquant que les États-Unis et les pays ayant suivi représentaient une grande part de la richesse mondiale. Cette fois, Poutine n’en a rien à f… »      De fait, le président russe prouve là son mépris pour le droit international, et n’essaie de l’habiller d’aucune manière. Au passage, plusieurs principes endossés par l’État russe sont bafoués. En 1994, la Russie avait signé le mémorandum de Budapest, un protocole diplomatique par lequel elle s’engageait à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en échange du renoncement de celle-ci aux armes nucléaires qui avaient été stationnées sur son territoire. La Russie avait également confirmé son adhésion aux accords d’Helsinki signés par l’URSS en 1975, incluant le droit des États à choisir librement leurs alliances.       La force de l’événement d’aujourd’hui se lit aussi dans la perturbation des routines intellectuelles qu’il produit. De fait, toutes celles et ceux qui estimaient improbable une invasion générale du pays ont été démenti·es par les faits. Au fur et à mesure de son déroulement, la crise ukrainienne a d’ailleurs suscité des analyses appelant à appréhender différemment que par le passé le comportement de Vladimir Poutine.      Dans un texte informé publié sur le site Le Rubicon, Céline Marangé, chargée de recherches au Service historique de la Défense, écrivait le 10 février dernier : « Jusqu’à présent, j’avais toujours souscrit à l’idée que les dirigeants russes étaient mus par un fort complexe de déclassement lié au traumatisme de l’effondrement de l’Union soviétique et qu’ils déployaient de ce fait une stratégie fondamentalement défensive se traduisant par des actions offensives. ».....                                                                        ____ Point de vue: Les grilles de lectures habituelles ont été pulvérisées.    La force de l’événement d’aujourd’hui se lit aussi dans la perturbation des routines intellectuelles qu’il produit. De fait, toutes celles et ceux qui estimaient improbable une invasion générale du pays ont été démenti·es par les faits. Au fur et à mesure de son déroulement, la crise ukrainienne a d’ailleurs suscité des analyses appelant à appréhender différemment que par le passé le comportement de Vladimir Poutine.       Dans un texte informé publié sur le site Le Rubicon, Céline Marangé, chargée de recherches au Service historique de la Défense, écrivait le 10 février dernier : « Jusqu’à présent, j’avais toujours souscrit à l’idée que les dirigeants russes étaient mus par un fort complexe de déclassement lié au traumatisme de l’effondrement de l’Union soviétique et qu’ils déployaient de ce fait une stratégie fondamentalement défensive se traduisant par des actions offensives. »      ________De nombreux éléments l’ont cependant conduite à formuler « une autre hypothèse qui […] consiste à penser qu’à ces enjeux de rang et de sécurité vient désormais s’ajouter – et non se substituer – une forte dimension identitaire. [Vladimir] Poutine pourrait en plus poursuivre un grand dessein : celui d’étendre les frontières du pays en rassemblant, par différents moyens directs et indirects, des “terres russes” considérées comme ancestrales ».     Une fois l’invasion déclenchée, des prises de conscience spectaculaires – quoiqu’un peu tardives – ont été exprimées par des responsables politiques, par exemple par l’ancienne ministre allemande de la défense, Annegret Kramp-Karrenbauer,  affirmant être « en colère contre nous-mêmes pour notre échec historique. […] Nous n’avons rien préparé qui aurait réellement dissuadé Poutine ».      « Il y a un effet de sidération, constate Olivier Schmitt. Beaucoup de gens, y compris parmi les élites, comprennent qu’il se passe quelque chose de différent de d’habitude. Ils découvrent surtout qu’après avoir passé des décennies à dire que les solutions étaient politiques et pas militaires, il faut faire l’effort intellectuel de ne pas séparer ainsi les deux aspects. Parfois, le militaire crée les conditions pour une solution politique. »       Un tel défi lancé aux États-Unis confirme, s’il en était besoin, que l’âge d’un monde unipolaire, organisé autour de leur hégémonie, est bien achevé. Pour les Occidentaux, y compris ceux qui étaient critiques de cette domination, s’habituer à une nouvelle ère de rivalité des grandes puissances va être coûteux. C’est tout l’enjeu du futur impossible à prédire, mais selon toute évidence moins confortable intellectuellement et matériellement qui nous attend.       Nous entrons donc dans une nouvelle ère. De quoi sera-t-elle faite ? Nul ne le sait exactement, même pas Vladimir Poutine lui-même. Une fois l’agression militaire de l’Ukraine posée, la suite ne dépend plus tant du président russe lui-même que du comportement de son entourage, de ses soldats, des Russes qui le soutiendront ou non dans sa décision… et, au-delà, de la réaction du reste du monde à cette attaque.      Le président russe a fait sans aucun doute chanceler l’histoire. Mais comment elle va retomber reste une question en partie ouverte. Quelques certitudes émergent toutefois.      D’abord, l’onde de choc sera mondiale. « Les effets déstabilisateurs du conflit pourraient bien se propager bien au-delà de l’Ukraine – en Europe centrale, dans les Balkans (où une paix fragile commençait à se fissurer, avant même cette nuit), jusqu’en Asie centrale et même dans le Pacifique », énumère le magazine britannique New Statesman – considéré comme l’une des voix de la gauche britannique.     En Asie, l’invasion risque de fait de « compliquer davantage les postures du Japon et des États-Unis face à la Chine » et les tensions militaires russo-américaines, déjà importantes, « risquent fort de s’aiguiser sur le théâtre de l’Extrême-Orient russe »analyse le site Asialyst.    Surtout, poursuit le New Statesman, les prochains jours vont fixer des précédents à propos de « ce qui est acceptable dans les relations internationales du début et milieu du XXIsiècle et ce qui ne l’est pas » – précédents qui dessineront les contours des décennies.        Certains observateurs craignent ainsi que les visées impérialistes russes en Ukraine – et l’incapacité européenne et étasunienne à les dissuader – n’influencent les prochaines décisions chinoises concernant Taïwan. Pékin s’en défend pour le moment formellement. « Si les puissances occidentales ne réussissent pas à répliquer à la Russie, elles renforcent la vision chinoise de ce qu’il faut faire avec Taïwan »avertissait pourtant début février Lai I-chung, un ancien cadre du Democratic Progressive Party taïwanais.       Deuxième certitude : le rapport à la violence, à la guerre et à la sécurité d’un grand nombre d’Européen·nes va changer. Pour beaucoup d’entre eux, français en particulier, la guerre cessera d’être une perspective lointaine et théorique. À long terme, ce conflit aux portes de l’Europe affectera leur portefeuille et leur niveau de vie, annonce Olivier Schmitt à Mediapart.        Il imposera aussi de changer nos manières de comprendre le monde, et en particulier nos cultures politiques et leur « aversion pour la radicalité » qui nous empêchent de comprendre la manière de fonctionner de l’exécutif russe, relève sur Twitter la chercheuse à l’université Paris Nanterre Anna Colin Lebedev.      « Nous ne croyons pas que le pire est possible. Sur un autre continent, peut-être, mais pas chez nous : “La Russie ne va quand même pas NOUS attaquer ?” Le pouvoir russe actuel ne raisonne pas en termes de coûts et d’avantages. Il raisonne en termes de mission majeure. […] Attaquer un pays de l’Otan serait suicidaire pour Poutine ? Ne l’excluons pas pour autant » développe-t-elle...."

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Varia

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Désemparés

__ Sarko rififi

__ Fuites belges

__ Jours de colère           

__ Modèle contesté

__ Services ou industrie?

__ Femmes islandaises

__ Italie: homme malade?

__ Psychiatrie en crise__ Immenses défits

__ L'écologie EST politique

__ Colonialisme des déchets

__ Bientôt dans la rue?

__ Banques: pour un changement

__ Les affaires...sont les affaires

__ Médecine grecque: sinistrée           ______________________

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Vers l'Etat digital?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

En route vers l'Etat plate-forme

                                   Des projets bien ficelés sont en place pour accélérer la digitalisation des services publics. L'accélération de la numération tous azimuts se met en place à la vitesse grand"V", au détriment des laissés pour compte.  Déjà des jeunes connaissent des difficultés. Ne parlons pas des anciens, de ceux qui sont le plus dans le besoin.   Le tout-numérique avance à grands pas, sous prétexte de simplification, de modernisation....                                                                

Dans la start up nation, l'Etat se dématérialise à grande vitesse.

      Tous les actes administratifs, à quelque niveau que ce soit, devront vite passer pas le numérique (*)
                    A vos ordis!


     Même les non et les faiblement connectés, ceux qui n'ont pas d'ordinateurs ou qui ne savent et ne sauront jamais s'en servir, les analphabètes du clavier, les nombreux anciens qui ne s'y mettront jamais...
      La plupart des services publics ne seront accessibles que pour les familiers du net, que pour une partie de la population, surtout aisée, cultivée, urbaine.
     Près de 60% des personnes se disent démunis face à l'utilisation de l'ordinateur pour des tâches un peu élaborées. Ne parlons pas des plus âgés.
     L'exclusion numérique n'est pas rare. L'inclusion numérique ne favorise que ceux qui sont déja outillés et formés.
    Le pass numérique ne suffira pas, surtout à l'horizon 2022. et certains technophobes ou e-résistants ne franchiront pas le pas de si tôt.
   La e-administration va vite montrer ses limites. La modernité, c'est bien beau, mais elle risque de laisser beaucoup de monde au bord de la route, pour des démarches qui ne sont pas anodines.
Et quelques clics ne suffiront pas dans des démarches complexes.
Et s'il s'agissait d'abord de faire des économies, sans autre considération que la rentabilité immédiate?
______

   (*)   "  .....Incomplets , mélangeant des types de démarches à exécuter très hétérogènes (consultation, télédéclaration, ouverture de compte, information), ces recensements laissent en particulier dans l’ombre deux éléments pourtant majeurs du processus de dématérialisation engagé.
    D’une part, ne sont pas précisés pas quels « services » ne sont aujourd’hui accessibles qu’en ligne : demandes de bourses étudiantes, Prime d’activité, demande de logement social, inscription à pôle emploi, la liste serait longue des démarches qui ont basculé dans le « tout numérique », n’offrant aucune autre alternative aux administrés. Selon la typologie d’Albert Hirschman (1970), il n’y a ici pas de possibilité d’exit  : le rapport à l’offre doit nécessairement se faire par l’intermédiaire d’une interface numérique. Le Défenseur des droits a formulé plusieurs avis [5](2016) enjoignant aux services publics et administrations de proposer une offre de contact alternative au numérique, restée à ce jour lettre morte.
      D’autre part, ces tableaux ne rendent pas compte de la dématérialisation de la relation administrative, au-delà des procédures de demande de droit ou d’accès à des formulaires administratifs. Une part grandissante des échanges se déroule aujourd’hui par voie électronique (mail, sms, boîte de dialogue/ chat box), et on assiste à une généralisation de la prise de rendez-vous physique par internet (préfecture [6]CAF, Pôle emploi, etc.) couplée à l’impossibilité d’avoir un contact physique avec un agent pour les premiers contacts, les inscriptions, les démarches d’entame des procédures. De plus en plus, les usagers se voient orientés vers une interface en ligne pour prendre attache avec les administrations, ou obtenir des informations ou explications. Incidemment, la relation administrative devient ainsi majoritairement numérique, le contact « humain » (téléphonique ou physique en face à face) constituant une voie seconde et complémentaire des démarches en ligne. Ce virage de la dématérialisation de la relation apparaît d’autant plus fort qu’il s’est fait concomitamment à une réduction des accueils physiques et des autres modes de contact, renforçant la perception d’une déshumanisation du contact avec les administrations....
 
    En l’état actuel, l’obligation administrative à se connecter demeure très inégale entre les individus : une personne bénéficiaire de droits sociaux soumis à déclaration de ressources trimestrialisées a mécaniquement davantage l’obligation de se connecter qu’une personne ne percevant pas de prestations sociales. La connectivité étant socialement distribuée, l’on assiste ainsi à une double peine (Credoc 2016) : les individus les plus précaires, aussi bien économiquement que sur le plan de l’isolement social (Défenseur des Droits 2017) sont moins connectés alors que, dépendants davantage de droits et prestations sociales, ils ont davantage l’obligation de le faire.
     Davantage que d’exclusion numérique, qui renverrait à un manque de compétences d’individus qui ne seraient pas à l’aise avec le numérique, cette inégale exposition à l’obligation de connexion conduit à parler d’exclusion par le numérique : ce sont prioritairement les normes implicites de la dématérialisation qui rendent ici les usagers incapables de demander leurs droits...."
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Economie: une science?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Un peu de modestie. Prédictions en question

                  Le propre des sciences de la nature est son pouvoir prédictif, sur la base d'observations méthodiquement menées, à partir d'hypothèses toujours à confirmer. La "science" économique, si elle a sa nécessité et sa rigueur popres, ne peut répondre au même statut. Même quand elle use du calcul (statistique, le plus souvent), elle ne peut être qualifiée de "scientifique" au sens strict, même si elle s'en donne l'apparence. Sur les bases de données présentes à un moment donné, elle ne peut anticiper l'avenir. Tout juste peut-elle énoncer des tendances possibles. Les crises, par exemple, prennent le plus souvent, les économistes de court, comme celle de 2008, que seuls deux ou trois économistes  ont vu venir...        "...Depuis la pandémie de Covid-19, la boule de cristal des prévisionnistes s’est opacifiée jusqu’à la caricature. Trimestre après trimestre, les anticipations sont systématiquement démenties. Après avoir noirci le tableau postconfinement, ils ont clairement sous-estimé le risque inflationniste. Quant à cette récession qui devait frapper en 2023 une Europe fragilisée par la guerre à ses portes, elle n’aura été qu’un mirage. Comme avait un jour ironisé l’économiste américain Ezra Solomon, « la seule fonction des prévisions économiques est de donner à l’astrologie une apparence respectable »....                                                                        Faut-il dire: L'économie est une science trop sérieuse pour être laissée aux économistes?...Ou: l'économie est une science trop imparfaite, voire une connaissance trop problématique, pour que nous lui fassions  pleine confiance?..

    Cela dépend de son objet, de ses hypothèses, de ses parti-pris, de ses présupposés et de ses ambitions, secrètes ou masquées.
   Si elle a pour projet de donner une vaste synthèse sur les mécanismes de production et d'échanges à l'intérieur d'une société dans son rapport aux autres, de décrypter ses causes et ses effets en se projetant ambitieusement vers l'avenir, il est sûr qu'il faut se montrer particulièrement prudent, malgré l'intérêt que peut présenter l'éclairage particulier qu'elle présente.
    Car l'économie (micro ou macro) n'est pas une science dure, elle n'est qu'une connaissance humaine ou sujet et objet sont inextricablement liés, où l'objectivité pose des problèmes spécifiques et aigus.
   Beaucoup d'économistes le savent bien mais le disent trop peu.
Des débats, trop souvent feutrés ou méconnus, on lieu régulièrement entre eux, au sujet des méthodes et des limites de leur discipline.
    Comme dans le récent échange entre André Orléan et Jean Tirole,  dans le Manifeste pour une économie pluraliste publié cette semaine. Le premier réclame que J.Tirole, éminent représentant de l’économie dite “néoclassique”, qui prône la dérégulation, soit le porte-parole d’un courant parmi d’autres, et pas de toute l'économie. Il réclame un pluralisme opposé à une forme de pensée unique. Un pluralisme qui vient d’être refusé à l’Université
« Historiquement l'économie a toujours été un lieu de débat, ce n’est pas une science exacte et donc les débats ont toujours existé, jusqu'aux années 90, explique André Orléan à Mediapart. La France apportait beaucoup, elle était une terre d'accueil de ce pluralisme et ça s'est arrêté parce que le corpus dominant, celui des néoclassiques, a été de plus en plus dominant. La théorie néoclassique a pris des positions de pouvoir et elle a perdu une espèce d'esprit critique. Les néoclassiques se présentent tout le temps comme les seuls défenseurs de la seule vraie science. Il n'y a plus aucun débat... On ne peut pas faire vivre la recherche de cette manière. Toutes ses forces vont absolument dans le même sens, or la seule vraie force est de dire "méfiez-vous, ce n'est pas parce que vous êtes puissant que vous dites la vérité, ce n’est pas parce que vous avez le prix Nobel que vous dites forcément la vérité". La vérité, c'est l'esprit critique, et on ne peut pas faire un corps scientifique sans cet esprit critique et sans cette humilité. La crise financière a quand même montré au monde quels étaient les dangers d'une pensée unique qui ne s'autocritique pas. Or rien n'a changé ! Les capacités d'autorégulation de ce corps de néoclassiques sont nulles. »
    Ce qui est reproché ici, c'est la quasi exclusivité laissée aux voix néoclassiques, qui sont, ouvertement ou non, instrumentalisées par les gouvernements et les médias, qui, sans le dire, défendent la pensée libérale, instituée comme un dogme depuis les années Reagan, inspiré par l'école de Chicago, avec Hayek et Friedmaan.
   C'est aussi l'absence de débats sur les résultats et surtout les présupposés, les choix, qui président à la recherche dans ce domaine. Il y a une réelle demande de changement.
            Comme si on avait oublié l'état de désarroide déroute même, dans lequel s'étaient  trouvés des économistes bien pensants après le choc de la crise qu'il n'avaient pas vu venir, et qui retournent dans les mêmes ornières, les mêmes errements qu'avant, parfois au service d'un groupe bancaire comme conseillers financiers.

       L'hétérodoxie perd du terrain au profit de la doxa officielle, qu cède au dogmatisme, au conformisme ou à la pusillanimité.
      Comme disait l'économiste Maurice Allais, A toutes les époques de l’histoire, le succès des doctrines économiques a été assuré, non par leur valeur intrinsèque, mais par la puissance des intérêts et des sentiments auxquels elles paraissent favorables... La science économique, comme toutes les sciences, n’échappe pas au dogmatisme, mais le dogmatisme est ici considérablement renforcé par la puissance des intérêts et des idéologies ». [Maurice Allais_ 1968]
                -Krugman fustigeait naguère "la cécité de la profession sur la possibilité de défaillances catastrophiques dans une économie de marché". "Durant l’âge d’or, les économistes financiers en vinrent à croire que les marchés étaient fondamentalement stables - que les actions et autres actifs étaient toujours cotés à leur juste prix"---- M. Greenspan avouait qu’il était dans un état d’ « incrédulité choquée » car « l’ensemble de l’édifice intellectuel » s’était « effondré ». Cet effondrement de l’édifice intellectuel étant aussi un effondrement du monde réel de marchés, le résultat s’est traduit par une grave récession"( P.K.)_
    « Lorsque dans un pays le développement du capital devient un sous-produit de l’activité d’un casino, le travail est susceptible d’être bâclé», disait Keynes.
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Ukraine (suite)

Publié le par Jean-Etienne ZEN

En bref

         "....Aucune personne sensée n'imaginait le 23 février que le président russe lancerait la nuit suivante ses chars sur Kiev. On pouvait comprendre qu’il reconnaisse unilatéralement la sécession du Donbass (partie russophone de l’Ukraine). Cela lui eut suffi pour vassaliser l’Ukraine et humilier les États-Unis, déjà très abîmés par leur fiasco en Afghanistan. L'avenir seul nous dira pourquoi il a choisi d'envahir toute l'Ukraine au risque d'une quasi-guerre civile au coeur du « monde russe »...     Le 24 février 2022 s’inscrira en lettres de sang dans les livres d’Histoire. Il clôt trois décennies d’illusions sur le triomphe de la Démocratie et des Droits humains et annonce le retour en force des peuples de chair. Revenons sur les origines de cet effroyable coup de théâtre et ses possibles conséquences.      Dans la décennie qui a suivi la chute du Mur de Berlin dans la nuit euphorique du 9 novembre 1989, la Russie a manqué sombrer corps et biens à l’image de son chef, Boris Eltsine. Elle s’est redressée quasi-miraculeusement à partir de 1999 sous la férule autoritaire et brutale de Vladimir Poutine. Mais l’horizon s’est à nouveau assombri à partir de 2014 et de la première crise ukrainienne, jusqu’à conduire au drame actuel. De celui-ci, ni les Russes ni les autres Européens ne sortiront indemnes. L’issue dépendra de la détermination et de la lucidité des jeunes générations.

 

 

Acte 1 : le calvaire (1991-1999)

En quelques mois donc, la redoutable Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) s’est effondrée comme un château de cartes pour laisser place à une improbable Communauté des États Indépendants (CEI), avec en son cœur la Fédération de Russie, réduite à ses limites administratives de l’époque soviétique, avec 89 « sujets » aux statuts très variables : républiques, territoires autonomes, etc.      Le président Eltsine, auréolé par sa victoire du 22 août 1991 sur les putschistes du Kremlin, s’applique à sauver ce qui peut l’être de l’héritage soviétique, en particulier le siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et l’armement nucléaire.      En contrepartie, il ouvre la Russie aux affairistes et aux économistes néolibéraux qui entourent le président américain Bill Clinton. Alliés aux anciens hiérarques du Parti communiste, ils pillent tant et plus le pays sous prétexte de le libéraliser. Déjà très bas, les indicateurs économiques et sociaux s’effondrent (espérance de vie, mortalité infantile, fécondité…). Les Russes, abasourdis, voient sur leurs écrans leur président, titubant d’ivresse, se faire moquer par le président Clinton.         De leur côté, le chancelier Kohl et le président Mitterrand lancent la monnaie unique pour donner un nouveau souffle à l’Union européenne. Le traité de Maastricht de 1992 signe l’adhésion des Européens au néolibéralisme. L’année suivante se traduit en Europe par la première récession économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.      1992, c’est aussi la sortie d’un essai à succès, La Fin de l’Histoire et le Dernier Homme. L’auteur, l’Américain Francis Fukuyama, annonce le triomphe définitif de la Démocratie. L’Union européenne partage son optimisme et entreprend de réduire ses budgets et ses effectifs militaires ; la France elle-même abolit la conscription en 1997.   1992 encore. La même année se font entendre des bruits de bottes.    Dans le Caucase, la petite Tchétchénie refuse de devenir l’un des « sujets » de la fédération de Russie et se proclame indépendante. Le président Eltsine tarde à réagir. C’est seulement le 9 décembre 1994 qu’il envoie ses troupes réprimer la sécession. Cette première guerre de Tchétchénie se solde par une humiliation du Kremlin. Le 31 août 1996, celui-ci reconnaît l’indépendance de facto de la Tchétchénie, prélude à l’éclatement final de la fédération !     À l’autre extrémité du Vieux Continent, tandis que les gouvernants s’affairent autour du projet de monnaie unique, la Yougoslavie implose. Le 15 janvier 1992, l’Allemagne reconnaît l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. Le 6 avril 1992, Sarajevo est bombardée par l’armée serbe. Les guerres de Yougoslavie vont perdurer jusqu’en 1999.     Cette année-là, l’OTAN bombarde Belgrade et envahit le Kossovo sans attendre l’aval de l’ONU. Il s’agit de la première violation du droit international, dix ans après la fin de la « guerre froide ». Il s’agit aussi de la première intervention militaire de l’OTAN depuis la création de l’alliance cinquante ans plus tôt, pour prévenir toute attaque soviétique contre l’un de ses membres.     Considérant que les Occidentaux n’avaient plus rien à craindre de Moscou, les Russes avaient demandé qu’à défaut de supprimer l’OTAN, désormais sans objet, ils s’abstiennent pour le moins de l’étendre au-delà de l’Elbe ().     Mais les guerres de Yougoslavie ouvrent de nouvelles opportunités à l’OTAN. Qui plus est, les anciens pays satellites de l’URSS, avides de s’occidentaliser au plus vite et de prendre une revanche sur leur grand voisin, demandent à entrer dans l’OTAN. C’est chose faite en mars 1999 pour la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Les autres pays ainsi que les trois États baltes ne tarderont pas à suivre.     De son côté, la Russie voit ressurgir en août 1999 le spectre de la guerre : les Tchétchènes, non contents de leur quasi-indépendance, envahissent le Daghestan voisin. Le Premier ministre Vladimir Poutine (47 ans) conduit la contre-offensive. Il n’y va pas de main morte : « J’irai buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes », lance-t-il à Astana (Kazakhstan). De fait, la capitale de la Tchétchénie, Grozny, tombe le 6 février 2000 après avoir été rasée…

Acte 2 : résurrection (2000-2014)

Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine, usé par l’alcool, cède le pouvoir à Poutine. Fort de sa victoire dans la deuxième guerre de Tchétchénie, le nouveau président est élu confortablement le 26 mars 2000.    Le 21 septembre 2001, Vladimir Poutine exprime sa vision de l’avenir à Berlin, devant le Bundestag, en allemand : « Nul ne remet en question l'importance des relations partagées entre l'Europe et les États-Unis. Toutefois, je pense que l'Europe peut assurer à long terme sa réputation de centre puissant et politiquement indépendant si elle parvient à associer ses ressources avec celles de la Russie... avec les ressources naturelles, humaines et territoriales... avec le potentiel économique, culturel et de défense de la Russie ». On ne saurait mieux dire. En gage de bonne volonté, le président russe apporte un soutien militaire aux Américains engagés en Afghanistan dans la lutte contre Daesh et les talibans.     Mais en attendant mieux, il lui faut sortir la Russie de l’abîme. Il bénéficie pour cela de grosses rentrées financières occasionnées par la flambée des prix des matières premières et des hydrocarbures sur les marchés mondiaux, cette flambée étant due à la très forte demande chinoise. De la sorte, les indicateurs sociaux et démographiques connaissent un redressement spectaculaire qui étonne même l’anthropologue Emmanuel Todd. La crainte d’une disparition physique du pays est pour l’heure écartée.    L’État relance la recherche scientifique, les industries d’armement et aussi l’industrie nucléaire. Il réaffirme son autorité sur les gouvernements régionaux et les grandes entreprises du pays, ce qui conduit Poutine à mettre au pas les oligarques.       En 2003, le président fait incarcérer pour malversations financières le patron de Ioukos, première compagnie pétrolière russe, qui projetait de vendre son groupe à Exxon Mobil pour 25 milliards de dollars ! L’affaire déplaît aux Américains qui, ne disposant pas encore du pétrole de schiste, lorgnaient avec avidité sur les gisements russes de pétrole et de gaz. Washington va dès lors entreprendre de déstabiliser la Russie, aidé en cela par le milliardaire d’origine hongroise George Soros, qui s’est donné pour objectif de promouvoir des « sociétés ouvertes », libérales ou ultralibérales, en Europe centrale et orientale.    Sur CNN, Soros confessera avoir soutenu la « révolution orange » du 21 novembre 2004 à Kiev.  Elle a abouti le 23 janvier 2005 à l’élection à la présidence du candidat pro-occidental Viktor Iouchtchenko, malgré que celui-ci ait souffert d’une tentative d’empoisonnement, sans doute à l’initiative des services russes.

Début 2007, Vladimir Poutine s’alarme de ce que les Américains installent un « bouclier » anti-missiles en Pologne et en République tchèque sous le prétexte de prévenir d’éventuelles attaques… iraniennes ! Le 10 février, lors d’un forum sur la sécurité qui se tient à Munich, il déclare : « Un pays, les États-Unis, sort de ses frontières nationales dans tous les domaines. C'est très dangereux : plus personne ne se sent en sécurité, parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international ». Il ne croit pas si bien dire. L’année suivante, le 17 février 2008, le Kossovo devient indépendant alors que le Conseil de sécurité de l’ONU, à la demande de la Russie, avait promis qu’il demeurerait une province autonome au sein de la Serbie.          Poutine n’en poursuit pas moins sa coopération avec l’Occident. Invité au sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, il autorise le transit par la Russie de matériel destiné à l’Afghanistan. Mais il dénonce aussi la promesse faite le 3 avril par l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie de pouvoir entrer un jour dans l’alliance. Il y voit « une très grande erreur stratégique ». À quoi le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a répondu : « L'Ukraine n'est pas un produit de la Guerre froide. C'est un État indépendant et souverain qui a parfaitement le droit de forger sa politique en matière de sécurité ».         Les événements s’accélèrent à l’été 2008. La Géorgie, petit État enclavé et très pauvre du Caucase, souffre de la sécession depuis plusieurs années déjà de deux territoires périphériques, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Le 10 juillet 2008, le président Mikheïl Saakachvili reçoit la visite de la Secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice. Sans doute s’entretiennent-ils de l’OTAN. Dans le même temps, le gouvernement russe concentre des troupes à la frontière géorgienne tout en désapprouvant les agressions abkhazes et ossètes.        Le président géorgien, se croyant couvert tant du côté russe que du côté américain, lance ses troupes vers l’Ossétie le 7 août 2008. Dès le lendemain, alors que le monde entier n’a d’yeux que pour les Jeux Olympiques de Pékin, l’armée russe pénètre à son tour en Géorgie. Le 12 août, Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’Union européenne, adresse aux Russes une demande de cessez-le-feu. Au Kremlin, il fait cette déclaration stupéfiante, propre à légitimer toutes les agressions ultérieures : « Il est parfaitement normal que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l'extérieur de la Russie ». Le propos ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Par une violation du droit international qui est cette fois de son fait, Poutine reconnaît l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud et se garde d’évacuer la Géorgie, désormais sous tutelle.       Mais 2008, c’est aussi l’année où culmine la crise des subprimes, avec le 15 septembre, la faillite de Lehman Brothers, le fleuron de Wall Street. L’Europe est frappée de plein fouet par la récession. L’économie russe est aussi affectée. Autant dire que la crise géorgienne quitte vite la Une des journaux.           Lors de l’invasion de la Géorgie, Poutine a pris la mesure de l’impréparation de son armée, pas encore remise des années Eltsine. Il va dès lors redoubler d’efforts pour la moderniser et développer le secteur militaro-industriel. Peu soucieux d’être un jour désavoué par les électeurs, il renforce aussi son autorité sur les médias. Désormais convaincu qu’il n’a rien à attendre de l’Amérique, encore moins de l’Union européenne, il relance l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui réunit depuis 2001 la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan (elle s'élargira à l'Inde et au Pakistan en 2016, puis à l'Iran en 2021).    Quand éclatent les révolutions arabes en 2011, le président russe se présente comme un acteur désormais incontournable sur la scène mondiale. Usant de la base militaire de Lattaquié, héritée de l’Union soviétique, il va soutenir sans faillir le dictateur syrien Bachar el-Assad, façon de montrer que « right or wrong, he is my ally ». Ainsi se démarque-t-il des Américains, accoutumés à lâcher leurs alliés au milieu du gué.   Vladimir Poutine croit pouvoir savourer ses succès lors des Jeux Olympiques d’hiver organisés à grands frais à Sotchi, entre mer Noire et Caucase, du 7 au 23 février 2014. Se doute-t-il qu’il a alors mangé son pain blanc ?...

Acte 3 : la rupture (2014-2022)

Des manifestations pro-occidentales éclatent à Kiev, sur la place de l’Indépendance (Maidan en ukrainien). Le Parlement destitue le président pro-russe Viktor Ianoukovitch le 23 février 2014 et, en gage de renouveau, enlève à la langue russe, parlée par un quart de la population, son statut de deuxième langue officielle. L’Est russophone se rebelle aussitôt, avec le soutien de Vladimir Poutine qui en profite aussi pour récupérer la Crimée, une péninsule traditionnellement russe. Consultés par le Parlement de Kiev dès le 12 janvier 1991, ses habitants s’étaient prononcés à une écrasante majorité pour une séparation d’avec l’Ukraine.            La Crimée, c’est aussi le port militaire de Sébastopol, indispensable à la marine russe pour accéder à la mer Noire et à la Méditerranée. Poutine ne peut admettre que les Américains mettent la main sur ce port en cas d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. L’armée russe entre donc en Crimée, sans qu’une goutte de sang soit versée, et la péninsule est annexée officiellement le 18 mars 2014.     À cette nouvelle violation du droit international, Washington réagit bruyamment - sans plus - en édictant des sanctions économiques contre l’entourage du président russe. Les Européens, qui ont besoin du gaz russe, s’en tiennent pour l’essentiel à des protestations verbales. Mais désormais, les ponts sont coupés entre la Russie et l’Occident.    Poutine en prend acte et se cherche d’autres soutiens. Le 29 mai 2014 est fondée une vaste zone de libre-échange, l’Union économique eurasiatique. Elle réunit la Biélorussie, la Russie et le Kazakhstan. Le grand bénéficiaire en est le nouvel ami du président russe, son homologue chinois Xi Jinping qui peut lancer ses « Nouvelles Routes de la soie » dans un espace libéré de toute entrave. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) est quant à elle étendue à l’Inde et à l’Iran et en vient à rassembler près de la moitié de l’humanité. Tous ces pays se garderont de condamner la Russie quand elle envahira l’Ukraine quelques années plus tard.       Renouant avec les pratiques d’Ancien Régime, le président russe intervient partout où le portent ses intérêts, en affichant le plus total mépris pour la pusillanimité de l’Europe et la lâcheté de l’Amérique. Avec l’Iran et la Turquie, il remplit au Moyen-Orient le vide laissé par le départ des Occidentaux. Il joue les arbitres entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Payant d’audace, il intervient même dans le pré-carré africain de la France, par le biais de la société Wagner. Les mercenaires de cette société placent les dirigeants africains sous leur protection sans s’embarrasser de scrupules. C’est ainsi que le Mali ou encore la Centrafrique ont pu s’émanciper de la tutelle française.      Enfin, Poutine se prépare à toutes les éventualités en développant une économie de guerre : autosuffisance alimentaire, cybersécurité, système bancaire et internet autonomes, etc. Mais tous ces efforts ont un prix très lourd. Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, les indicateurs sociaux de la Russie tendent à nouveau à se dégrader, qu’il s’agisse de l’indice de fécondité, des revenus ou des prix.     La suite ne relève pas encore de l’Histoire mais tout donne à craindre une nouvelle période sombre pour la Russie comme pour l’Europe, dans une crise gravissime qui laisse le reste du monde pour l'essentiel indifférent…" [Merci à Hérodote.net]   __Etat des lieux.  ________

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Un mal étrange...

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Vous n'avez rien à déclarer?

                       Comme chaque année, le rituel bien rodé de la déclaration des revenus est arrivé.  Les feuilles tombent avant l'automne. Même si le système fiscal comporte bien des anomalies, des dysfonctionnements, et des injustices, il a le mérite d'exister. Depuis une époque récente d'ailleurs. Nul ne peut échapper (théoriquement)  à l'obligation fiscale, ce devoir national, auquel bien des superprivilégiés trouvent des moyens et des aides pour s'évader, au moins partiellement, ou de passer sous les radars. "légalement" ou pas...  Il y a ceux que protège le "bouclier fiscal", en toute "légalité" pour ne pas mettre à mal leur fortune conséquente, d'autres, héroïques,  qui réclament un surcroît d'efforts, se considérant comme trop favorisés par rapport au vulgum pecus. Mais c'est plus rare et cela ne dure pas....   


                                                                                                                 __   En tout cas, c'est une période jugée un peu désagréable, où l'on tend souvent à repousser au lendemain ce que l'on pourrait faire le jour même. C'est souvent le moment où l'on se retrouve en flagrant délit de procrastination, où l'on attend parfois la veille fatidique pour penser faire enfin son devoir.  Beaucoup se trouvent d'un coup atteint d'un mal étrange, que certains appellent "phobie administrative", stratégique ou réelle. Ça peut se soigner, disent certains experts. En tous cas, les alibis ne manquent pas.  ...                                                                                                                        Je fais partie du lot.  Tous les ans, c'est la même épreuve.

 

                          Qui confine à la névrose. Ça peut donner des boutons!
      Je n'arrête pas d'attendre le tout dernier moment pour remplir la rituelle feuille chère à Bercy.
          Je m'arrange pour différer au maximum l'envoi de ce précieux document à mon percepteur local.
   Je suis atteint, m'a dit mon psychologue, d'un mal étrange:
       Un mal que l'on nomme phobie administrative.
   Heureusement je ne suis pas le seul à être affecté par cette pathologie difficilement guérissable.
    Pourtant, je ne suis pas un grand délinquant financier, Cahuzac n'est pas mon ami et je n'ai pas de compte aux Îles Caïmans.  J'ai même conscience (héroïsme suprême!) de la nécessité civique de l'impôt, même si sa répartition me pose plus d'un problème.
    Mais je suis incurable. C'est pas trop logique et c'est pathologique.
         Que ceux qui sont dans le même cas que moi lèvent le doigt.
            Nous pourrions mettre en place un groupe d'anonymes administrativo-phobiques. Juste pour partager et adoucir nos tourments périodiques...😉

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