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La faim, problème politique

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Famines en question

              Les famines qui menacent régulièrement de par le monde ne sont pas une fatalité. Il n'est pas besoin d'être ingénieur agronome pour le constater. Cela tombe sous le sens, même quand ce ne sont pas des guerres qui en sont à l'origine, comme au Yemen et aujourd'hui dans une partie de l'Afrique du Nord, dépendant pour son blé de l'Ukraine et de la Russie. Les émeutes de la faim, récurrentes, n'ont pas que des causes naturelles, quand il y en a. La nature a bon dos. Les causes climatiques sont rarement les seules en question. La finance dérégulée peut y jouer un rôle majeur, comme on l'a vu assez souvent, comme la spéculation sur les matières de première nécessité. Les causes structurelles de la faim ne sont plus guère évoquées. Même à l'intérieur des pays développés.   


                                                                                      "... Sur une planète  qui produit assez pour nourrir toute sa population , 690 millions de personnes ne mangent pas à leur faim chaque jour . Après des décennies de baisse, l’insécurité alimentaire s’est aggravée depuis 2014, sous l’effet de la multiplication des conflits armés, des phénomènes climatiques extrêmes et des crises économiques à répétition. Elle résulte également de la défaillance structurelle d’un système agricole et alimentaire mondial profondément inégalitaire.   Si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de personnes sous-alimentées dépassera les 840 millions en 2030  entraînant plusieurs pays dans la famine. Il est urgent de changer de cap et de repenser en profondeur nos modes de production agricole et de distribution alimentaire, dans le respect de la nature et de l’humain. La FAO estime actuellement que 690 millions de personnes souffrent sévèrement de la faim et sont en situation de sous-alimentation chronique, c’est-à-dire dans l’incapacité d’accéder de façon régulière à de la nourriture en quantité suffisante et couvrant leurs besoins essentiels  Toutefois, si l’on évalue l’insécurité alimentaire dans son acception la plus vaste, à savoir les difficultés d’accéder à une alimentation saine et équilibrée, ce sont en réalité 2 milliards de personnes , soit environ le quart de la population mondiale, qui n’ont pas les moyens de se procurer une nourriture de qualité et suffisamment nutritive  L’insécurité alimentaire se traduisant par une détérioration de la qualité du régime alimentaire, elle accroît le risque de malnutrition, ce qui peut entraîner dénutrition ou à l’inverse, surpoids et obésité, en augmentation dans toutes les régions du monde..."                                                                                                                                                         L'OMS fait un rapport accablant, dans l'indifférence des nantis. La question des prix et de la terre est au coeur de nombreuses crises alimentaires. Comme la question, cruciale , de la souveraineté alimentaire et de la marchandisation des matières premières. _________

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Il était une fois l'Amazonie

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Nouvelles perspectives.

       Cette immense contrée forestière, en voie de re-déforestation, nous apparaît comme une zône quasiment inhabitée, à la population rare et dispersée. Or l'arbre cache la forêt. Des études sur le terrain récentes nous obligent à revoir nos conceptions sur le sujet.                                                              C'en est fini de certains fantasmes concernant cette immense forêt, qui ne fut pas toujours si vierge. Ce ne fut pas toujours l'enfer vert. 

 

              Les déforestations ont parfois un côté inattendu, en permettant des découvertes improbables..
  L'Amazonie est en train de perdre son aura de mystère et de devenir un terrain de recherches infini, ouvrant la porte à l'exploration de nouvelles civilisations passées.
   La photographie aérienne a fait beaucoup évoluer les découvertes archéologiques.
      Le poumon de la planète n'a pas fini de nous étonner.
   Plusieurs millions de personnes vivaient dans cette contrée, avant l'arrivée des conquérants européens, depuis 10000 ans sans doute, le plus souvent sédentarisées, à la culture élaborée.
Levi-Strauss ne pouvait s'en douter.
 Les microbes européens ont eu raison des populations qui vivaient dans cette vaste contrée, de manière très organisée.                                                                                                                                                                                      ...Et il reste tant à découvrir!  ... Une région que l'on pensait vierge...    
                                                                                                                                                                      ______________________

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Réindustrialisation

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Réindustrialiser, disent-ils...

                                          La réindustrialisation est (re)devenue un objet de débat central dans l'horizon économique français. Après des années où la France a laissé disparaître ou filer sous d'autres cieux des fleurons de son activité économique. La volonté de relative dé-mondialisation actuelle, surtout suite à la prise de conscience de nos fragilités à la suite du l'épisode de la covid, qui a servi de révélateur, pousse les responsables économico-politiques à revenir à une souveraineté largement perdue.                                                                                                               Il fut un temps pas si lointain où Alain Minc s'imposait comme le grand gourou de la "mondialisation heureuse", de l'ouverture au grand large, transocéanique, où iraient s'exercer à bas coût des tâches et des productions qui ne nous reviendraient plus, le développement des services étant devenu le nouveau graal de l'activité économique, l'Etat abandonnant des pans de sa fonction régulatrice, conformément à la doctrine anglo-saxonne en vogue de la dérégulation généralisée. Les délocalisations à tout va passèrent par là, dans un nouvel "ordre mondial".  Aujourd'hui, le roi est nu, du fait des dogmes néolibéraux qui inspirèrent des décisions au niveau le plus élevé.


                                                                                    Point de vue: Pour Nicolas Dufourcq, qui en reste plus au niveau des symptômes que des causes profondes:    "... Entre 1995 et 2015, la France s'est vidée de près de la moitié de ses usines, et du tiers de ses emplois industriels. "En 1994-1995, on est dans un moment idéologique très particulier, à Londres, à Paris et aux Etats-Unis, où la croyance dans le libre-échange est totale. Tout le monde conçoit qu'il ne fera aucun perdant, sauf que ça ne va pas se passer comme ça", commence Nicolas Dufourcq, Directeur général de BPI France depuis sa création en 2013.                  "Un long courant est monté pendant les années 1970 sur la question de savoir si l'industrie c'était Zola ou pas. L'industrie c'était sale mais aussi extraordinairement autoritaire. A cette époque, commence à émerger une nouvelle génération de jeunes français qui ne veulent plus de ça", poursuit-il.     La politique sociale de la France est-elle une des causes de la désindustrialisation ? Oui, selon Nicolas Dufourcq, même si "ce n'est pas la seule". "Il y a eu un moment d'accélération radicale, entre 1995 et 2003, où on aurait dû prendre conscience du fait que l'industrie française pouvait être détruite, comme on a pris consciente au début des années 1960 que la paysannerie française pourrait être détruite par le traité de Rome. Au début des années 1960, on a fait ce qu'il fallait : on a créé la politique agricole commune (PAC). Mais [pour l'industrie], on a pensé que ça irait, sauf que non. On a même mis en œuvre des réformes qui étaient absolument orthogonales aux besoins de l'industrie : l'augmentation des cotisations sociales, sans parler des 35h qui ont totalement déstabilisé l'industrie française", estime Nicolas Dufourcq.   Ce débat se résume-t-il à un clivage gauche-droite ? "Non, ce qui est très intéressant dans cette affaire, c'est qu'à peu près tout le monde est coupable : l'éducation nationale, les médias, les banques, les industriels eux-mêmes qui ne s'étaient pas bien préparés." Il ajoute : "Il y a une différence incroyable entre les lièvres et les tortues : l'écart-type entre ceux qui se préparent réellement à l'avenir, par une fuite en avant dans l'innovation, et ceux qui pensent qu'on peut persévérer dans l'être. Le rôle de la BPI que je dirige est d'emmener tout le monde dans l'innovation."   Pourquoi la France est d'un des pays européens qui a vécu la plus forte désindustrialisation ? "La deuxième désindustrialisation, celle qui commence en 1995 en Europe continentale, ne touche pratiquement que la France. Il y a une spécificité française : il y a eu un contrat social contre l'industrie. Le chômage de masse créé lui-même une fuite en avant dans l'imaginaire, consistant à penser que la solution au chômage ce sont les services, que ça ne sera jamais l'industrie."    Nicolas Dufourcq estime aussi qu'il y a eu un soucis dans la formation des jeunes, avec la généralisation de l'accès au baccalauréat général, au détriment des lycées professionnels. "Tout le monde a choisi de faire partie de la bourgeoisie des villes, or l'industrie c'est la campagne. Rapidement, les familles ont compris que les lycées professionnels, ça n'était pas le lieu où on allait pouvoir capter les éloges de la société française. On a un énorme sujet aujourd'hui sur l'enseignement professionnel", poursuit-il. "La conviction de la BPI est claire : c'est que ce sont les entrepreneurs qui vont régler le problème."      "Fallait-il sacrifier l'environnement sur l'autel de l'industrie ?", l'interroge-t-on. "Il faut savoir ce qu'on veut. On est dans une explosion d'innovation technologique dans l'industrie. C'est tout à fait compatible avec l'environnement, mais il faut faire vite. Il y a une compétition à la réindustrialisation. Nous sommes beaucoup trop lents. On ne peut plus se payer le luxe d'attendre six, sept, huit ans pour avoir des autorisations pour des motifs environnementaux quand on réouvre une usine dans un village." Nicolas Dufourcq cite en conclusion de "belles histoires de réindustrialisation dans les régions françaises". "Le textile tout le monde pense que c'est mort mais pas du tout. On est en train de réinventer le textile français". "L'industrie, c'est l'amour de la machine. J'ai voulu faire ce livre car au moment où on rebascule vers un possible, le possible d'une industrie magnifique, il faut qu'on soit tous d'accord sur la désindustrialisation des années 2000"..."  ___________

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En deux mots

Publié le par Jean-Etienne ZEN

__ Amalgames

__ Dérapages

__ La honte

__ Perplexité

__ Inquiétant

__ Paradoxe

__ Eux aussi

 

__ Les aidants

 

__ C'est possible                

__Les femmes en tête

__ Durcissement monétaire

__ Planche à billets

_ Un trou au château

__ Mexique et armes US      _____________________

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De l'isoloir

Publié le par Jean-Etienne ZEN

  L'isoloir, objet incontournable

                                                 C'est le moment de le ressortir des greniers, cet objet d'une grande banalité.
      Trois fois rien: une petite armature de bois ou de métal soutenant un rideau, à une ou plusieurs places. 
Un bout de tissu qui fait toute la différence.
   Il est censé être le lieu où le secret du vote peut s'exercer, où un citoyen peut décider de son choix ultime à l'abri du regard d'autrui, loin de l'intimité familiale, de l'espace social, face à sa conscience et à l'intérêt général.  Seul.
   Il nous apparait aujourd'hui comme la normalité, s'imposant comme un objet indispensable, dont l'absence choquerait même un citoyen peu motivé.
      Mais il n'a pas toujours existé. Il a fallu du temps pour l'imposer.
  C'est une invention récente.

 

          " Il aura fallu attendre la loi de 1913, en France, pour son adoption qui alla de paire avec l'utilisation de l'enveloppe pour y glisser le bulletin de vote. Au préalable, l'électeur pliait en deux le bulletin de son choix et le donnait au scrutateur qui l'introduisait dans l'urne ce qui n'assurait pas réellement le secret du vote.."
    Il a d'abord provoqué la risée des députés.
On prêtait même "avec une « douce hilarité », des caractéristiques bien mystérieuses à ce que Charles Ferry désignait comme une « chinoiserie ». Après l’avoir qualifié de « cabanon », « cabinet », « cellule » et « confessionnal laïque et obligatoire », ils l’assimilaient par dérision à « l’alcôve », symbole des ébats amoureux : « Un adversaire ira même jusqu’à anticiper le temps où les femmes seraient électrices pour s’inquiéter des rencontres furtives des deux sexes dans l’obscurité… » D’autres, moins libertins, comparaient l’isoloir à un « couloir d’écoulement » servant à évacuer « des mauvaises odeurs qu’il est facile d’imaginer ». Aux égouts, quoi..."
    En Allemagne, il fut introduit plus tôt, en 1903
Il représente la  garantie du secret du vote, loin du regard d'autrui, mais fut d'abord considéré avec méfiance par les notables.
      Dans l'histoire du vote, il met fin aux pressions sur l'opinion, aux marchandages en tous genres
 Comme le souligne Garrigou, "En réalité, l’ironie des députés cachait surtout leur réticence à l’égard de la capacité universelle à voter. Ils doutaient d’autant plus de l’aptitude du peuple à faire le bon choix que le suffrage devenait incontrôlable : « L’ancienne procédure électorale du vote secret en public accomplissait en effet une fonction de contrôle censitaire du vote. Les électeurs restaient toujours sous les regards des membres du bureau de vote. En disparaissant derrière un rideau, l’électeur échappait provisoirement à tout contrôle ». Autrement dit, la « cabine » mettait en danger les hommes de pouvoir qui, pour être élu, avaient pris la fâcheuse habitude d’exercer des pressions sur les masses... Finis les votes à mains levées ou par acclamations, pendant lesquels l’unanimité était souvent la règle ! « Ainsi les débats […] dressèrent-ils un rideau de fumée d’où percent des logiques de classes sociales et des désaccords profonds, mais peu avouables, sur un principe : l’égalité des capacités politiques »
    Les manipulations en tous genres étaient monnaie courante auparavant, à la mairie comme au travail, à la ville comme à la campagne, lorsque le vote était institué.
  Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'autres formes de pression qui savent s'exercer en dehors de l'espace du vote...
       L'isoloir fut donc une conquête populaire, même s'il ne garantissait pas par lui-même, comme par magie, les choix éclairés, ce qui a fait dire à JP Sartre:
 « L’isoloir, planté dans une salle d’école ou de mairie, est le symbole de toutes les trahisons que l’individu peut commettre envers les groupes dont il fait partie. Il dit à chacun : “Personne ne te voit, tu ne dépends que de toi-même ; tu vas décider dans l’isolement et, par la suite, tu pourras cacher ta décision ou mentir”. »
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Autocensure à l'école

Publié le par Jean-Etienne ZEN

        Risques présents et à venir

                                La censure peut s'exercer dans bien des domaines et de bien des manières, dans le celui de l'expression des idées, individuelles ou collectives. On songe évidemment au silence imposé à toutes formes d'opposition, orale ou écrite, dans des régimes dictatoriaux ou dans ceux qui en sont proches. Dans ce cas, l'autocensure s'exerce au niveau de la diffusion des idées, chacun se résignant à ne s'en tenir qu'à ce qui est admis par un régime qui exerce le monopole du contrôle des esprits.          S'autocensurer, c'est contrôler, par discipline ou par peur, l'expression de ses propres idées alors qu'elles sont fondées et légitimes. L'autocensure qui commence à s'exercer dans le cadre de l'enseignement, dans certaines disciplines dites "sensibles" et signalée depuis un moment par un certains nombres d'acteurs du terrain, ne manque pas d'inquiéter. Surtout quand elle n'est pas condamnée vigoureusement par ceux qui sont en charge de l'enseignement.                        Certes, ce n'est pas comme dans des écoles de certains états américains où on est tenu, sous la pression de parents ou de l'institution, à ne pas faire mention de l'évolution dans le cadre des sciences naturelles, de renoncer par idéologie, à ne pas aborder certains points d'histoire du pays peu glorieux pour son image passée, ou d'éviter en philosophie d'aborder toute réflexion critique sur certains sujets comme ceux qui portent sur certains domaines sociaux ou politique, jugés inappropriés pour la bien-pensance du moment. On ne ne parlera donc pas de Darwin ou de Freud, pas plus que l'on évoquera la notion de justice, dans le cadre d'une formation citoyenne.   


                                                                                                                                                         En France, aujourd'hui,  surtout après la tragique affaire Paty, des enseignants subissent, sans toujours le dire, des pressions, venues du milieu extérieur, d'ordre moral, religieux ou politique, qui compromettent ou réduisent leur liberté d'enseigner en toute autonomie.  "...  Pour Jean-Pierre Obin, à l’origine d’un rapport publié en 2004 sur "Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires", les atteintes à la laïcité ont bel et bien évolué depuis 20 ans. "Les incidents sont répartis sur l’ensemble du territoire national. Il y en a certes davantage dans les Zones d’Éducation Prioritaire mais aujourd’hui tout enseignant qui arrive dans l’Éducation nationale sait qu’il aura à affronter une telle situation un jour ou l’autre", révèle l’ancien inspecteur général de l’Éducation nationale, avant de constater une deuxième évolution. "Le premier degré, qui n’apparaissait pas en 2004, est aujourd’hui concerné au même titre que le collège ou le lycée", raconte Jean-Pierre Obin. Si c’est moins les élèves qui portent atteinte au principe de laïcité à l’école élémentaire, ce sont bien les parents qui remettent en question certaines valeurs de la République. C’est d’ailleurs la troisième évolution constatée par Jean-Pierre Obin au micro de RCF. "En 2004, on ne parlait quasiment que des élèves. Aujourd’hui, parents ou personnels de l’Éducation nationale eux-mêmes peuvent contester telle ou telle règle ou être complaisant vis-à-vis d’élèves qui transgressent les règles de vie scolaire", détaille-t-il...."                                                                                                                         Les institutions, quand elles interviennent, pour rappeler le principe d'indépendance de la parole enseignante, sont à la traine. L'inquiétude monte. Pas de vague! tel semble être le mode le mot d'ordre...                                                                                               La pression, directe ou indirecte, des idées d'extrêmes droite se fait de plus en plus sentir dans certains milieux, par l'intermédiaire de parents dits "vigilants":  "..."Chaque semaine, partout en France, des enseignant·e·s sont ciblé ··s pour avoir simplement fait leur travail, peut-on lire dans leur appel consulté par francenfo. Ils et elles se retrouvent taxé·e·s de propagande, jeté·e·s à la vindicte des réseaux sociaux, menacé·e·s jusque dans leur vie personnelle et leur vie tout court. Enseigner la réalité des faits (...) devient une prise de risques, et l’enseignement, un métier dangereux."...                                                                                                                       Il est temps de prendre la mesure du problème et on attend toujours de l'institution scolaires une réaction d'ensemble à la hauteur d'un danger qui peut devenir croissant...        ___________  

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Qui sont les fraudeurs?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Qui sont les fraudeurs?

                         Les fraudeurs (les grands) ne sont pas toujours ceux que l'on croit, quel que soit le domaine. L'accent mis démagogiquement sur les mêmes est une vieille histoire..."...Dans la catégorie «stigmatisations et raccourcis rapides», ce rapport d'information parlementaire est une pépite. Le député UMP Dominique Tian estime ainsi que, toutes fraudes sociales confondues (à la Sécu, à la CAF mais aussi à l'Urssaf), les fraudes représentent «à peu près 20 milliards d'euros», soit environ 10% du budget de la Sécurité sociale et «44 fois plus que la fraude actuellement détectée». Depuis ce chiffre circule, repris à tout-va, sans que l'on puisse réellement le vérifier. La semaine dernière, la ministre du Budget, Valérie Pécresse, a admis «Je ne peux pas confirmer ce chiffre puisque c'est une extrapolation».__Le rapport met surtout l'accent sur les fraudes des particuliers alors que l'essentiel des abus (entre 8 et 15,8 milliards) relève des entreprises (cotisations patronales et salariales non versées).                   De plus, les fraudes mineures, celles des plus démunis, sont souvent montées en épingle. Les assistés ne sont là où on croit trop souvent.

 

                            Point de vue:        "...Au printemps 2022, le président candidat Emmanuel Macron créait la polémique en proposant de réformer les droits et devoirs des allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Le chef de l’État, réélu depuis, avait souhaité instaurer une « obligation de travailler quinze à vingt heures par semaine » afin de favoriser leur insertion professionnelle.  Pour les uns, il est indécent d’alourdir la culpabilité des victimes de la crise. Menacées par la pauvreté, elles doivent faire face plus que toute autre au recul de leur pouvoir d’achat et il faut les soutenir par des aides automatiques et inconditionnelles. Pour les autres, l’accès à l’emploi doit être prioritaire et il importe de réformer le volet non monétaire du RSA, de renforcer l’accompagnement et aussi les contrôles…Ce débat comporte incontestablement une dimension idéologique, voire même politicienne. Il s’agit pourtant d’un sujet important, à la fois du point de vue de la recherche et de celui des politiques publiques.                                        Comme l’a rappelé en début d’année le rapport de la Cour des comptes, le nombre d’allocataires progresse de façon irrésistible d’année en année depuis la mise en place du RSA en 2009, comme le faisait déjà celui des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) qu’il a remplacé (voir le graphique). La crise sanitaire a ajouté à la série temporelle une bosse, aujourd’hui en voie de résorption, mais la tendance est toujours là, parallèle à celle de la progression de la durée du chômage. Si cette tendance n’est pas soutenable, ce n’est principalement pas sur un plan budgétaire.             Le RSA constituait en 2020 un socle de revenus pour 2,1 millions de foyers, soit plus de 4 millions de personnes avec les conjoints et les enfants à charge, pour une dépense publique annuelle de 15 milliards d’euros en ajoutant la prime d’activité et l’accompagnement, soit moins de trois quarts de point de PIB. Son montant moyen avoisine les 7000 euros par an et par ménage bénéficiaire, ce qui en fait l’une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social.              En parallèle de la hausse du nombre de bénéficiaires, le regard de l’opinion publique a évolué vis-à-vis des minima sociaux. De multiples indices convergents confirment notamment la suspicion croissante envers les bénéficiaires des aides sociales.      Une enquête du Crédoc publiée en 2018 indiquait ainsi qu’une grande majorité de Français souscrit à l’idée selon laquelle les Caisse d’allocations familiales (Caf) ne contrôlent pas suffisamment les situations des allocataires. Ils étaient plus de 80 % en 2018 à partager ce sentiment, contre 64 % vingt ans plus tôt.                  Selon une enquête plus récente de l’Unédic, une majorité de Français estime que les demandeurs d’emploi ont des difficultés à trouver du travail car ils ne font pas de concession dans leur recherche d’emploi. De plus, pour 55 % des sondés, les chômeurs ne travaillent pas parce qu’ils risqueraient de perdre leur allocation chômage.                Enfin, les politistes Vincent Dubois et Marion Lieutaud ont étudié les occurrences sur la fraude sociale en exploitant un corpus de 1 108 questions parlementaires posées entre 1986 et 2017. De rares, voire inexistantes au début de la période, elles ont progressivement augmenté jusqu’à devenir une thématique à part entière du débat politique. Leur formulation révèle un durcissement progressif des prises de position, plus particulièrement à l’égard des fractions les plus démunies de l’espace social, et un affaiblissement concomitant des discours critiques à l’égard de telles tendances.                                                                                                     La fraude reste l'exception.   Le contraste apparaît donc très net entre ce sentiment montant et les résultats des actions de contrôle opérées par les institutions en charge du suivi des bénéficiaires. Ces derniers montrent que les fraudes sont concentrées sur une très petite minorité de bénéficiaires et qu’elles sont surtout le fait de certains réseaux organisés. Selon la Cour des comptes, le montant cumulé des aides indues représenterait 3,2 % des prestations sociales. Des cas existent et ils sont largement relayés par les médias, mais ils forment toujours l’exception. S’il importe de lutter contre ces délits, le rôle de la puissance publique n’est pas d’entretenir le climat de suspicion qui prévaut à l’encontre de la très grande majorité des allocataires respectant les règles.       En complet contre-pied, la recherche en sciences sociales sur le RSA montre au contraire que le fait dominant est celui de la permanence et de la généralité d’un non-recours massif aux prestations sociales destinées à soutenir les ménages à bas revenus. Ainsi, une part importante des ménages ayant droits aux aides sociales n’en bénéficient pas, en réalité. Cela provient principalement d’une absence de demande de leur part.                                 Les raisons sont multiples mais font intervenir des difficultés à effectuer les démarches administratives et la stigmatisation qu’entraîne la demande de l’aide : en 2018, un tiers des foyers éligibles au RSA sont ainsi en situation de non-recours chaque trimestre ; 1 foyer sur 5 est en situation de non-recours pérenne toute l’année. Le non-recours touche, par ailleurs, les populations les plus vulnérables du public ciblé comme les personnes sans domicile fixe.             La suspicion croissante envers les allocataires a cependant conduit à une intensification de leur surveillance et à l’encadrement de leurs démarches d’insertion professionnelle et sociale. En contrepartie de leurs droits, les allocataires ont des devoirs qui se matérialisent par différentes étapes, comme la signature d’un contrat d’engagement ou d’un projet personnalisé, puis la participation à des démarches d’insertion (sociale ou professionnelle). La participation à ces démarches reste cependant elle-même faible pour des raisons qui tiennent en partie aux difficultés rencontrées par les départements pour organiser l’accompagnement de façon satisfaisante.          Pour augmenter la participation, certains départements ont modifié leur politique d’action sociale. Une expérience contrôlée a ainsi été mise en œuvre en Seine-et-Marne. Celle-ci consistait à faire varier le contenu des courriers invitant les allocataires à s’inscrire dans l’accompagnement. La simplification des courriers et l’ajout d’éléments incitatifs n’a cependant pas permis d’augmenter substantiellement la participation aux démarches d’insertion.                                                         Un autre département a fait le choix d’une action plus coercitive consistant à contrôler la situation de l’ensemble des allocataires et à envoyer un message d’avertissement, suivi d’une sanction sous forme de réduction de l’allocation si la situation ne change pas. Ces courriers d’avertissement ont fortement augmenté la participation aux premières étapes du parcours d’insertion. Mais ces notifications ont également accru les sorties du RSA.                                                                                 L’étude ne permet pas d’identifier si les sorties vont vers l’emploi ou si elles correspondent à un arrêt de la perception de l’allocation par des individus toujours éligibles. Cependant, il apparaît vraisemblable que ces contrôles découragent les allocataires et accroissent leur non-recours. Une plus grande intensité de contrôle augmente les coûts supportés par les allocataires pour accéder à l’allocation, ce qui peut les conduire à renoncer à l’allocation et à leurs démarches d’insertion, soit l’exact inverse de l’objectif poursuivi.      L’épidémie de Covid-19 a rappelé avec force la résilience du modèle de protection sociale français, en capacité de faire face à une crise économique et sociale de très grande ampleur. La crise sanitaire a montré que les risques de perdre son emploi et de tomber dans la pauvreté concernent l’ensemble de la population et qu’il est nécessaire de disposer d’un mécanisme d’assurance et d’assistance collective. Dans le débat actuel, ce n’est pas seulement le volet monétaire qu’il faut réformer, mais plutôt la manière dont l’accompagnement se déploie et les moyens qui lui sont alloués pour mieux résorber les vulnérabilités sociales...."      ___________________________

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Varia

Publié le par Jean-Etienne ZEN

__ Europe en déclin

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__ Ecologie macronienne

__ Vincent et Emmanuel

__ La Fontaine revisité

__ Souveraineté en question

__ Déchets problématiques

__ Confusions de pouvoir                     ________________________

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Folie de Poutine?

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Vraiment?

                        Régulièrement la question se pose: la détermination du Kremlin, son obstination, voire contre ses propres intérêts, ses autojustifications permanentes dans une aventure qui peut sembler sans fin, dévastatrice, amènent certains à qualifier cette détermination autocrate comme l'effet d'une sorte de "folie" (*), une aventure irrationnelle qui ne peut donner prise à une analyse rationnelle. Les explications psychologiques, voire pathologiques, montrent vite leur limites, surtout si on se souvient des prétentions de l'autocrate, surtout depuis une dizaine d'années et ses efforts constants pour faire taire toute opposition et à se raccrocher aux vieux mythes de l'empire.                                                   Le système Poutine est spécifique, disait-on il y a déjà quelques années, sans doute de manière un peu un peu courte et naïve, avant que l'ours se réveille, à la stupéfaction de tous. Se manifestait déjà l'hypertrophie du pouvoir qui ne supportait pas les ombres. Le nouveau tour de l'affaire ukrainienne, qui risque de durer et peut-être d'engendrer des escalades dangereuses, oblige à durcir ses jugements; même si l'on s'efforce de d'abord comprendre plutôt que de diabolises, de percevoir un fil directeur dans le chaos des événements qui se précipitent.   

__Empire russe 1914 __


                                   « Tout potentat qui n’a que la puissance terrestre n’a qu’un bras,  Mais qu’il y ajoute la puissance maritime, il a les deux. » (Pierre le Grand)                                               ________ Voulant se mettre dans les pas de Pierre Le Grand, mais aussi de la Grande Catherine, le nouveau tsar du Kremlin prétend ne pas vouloir couper l'immense Russie de l'accès aux mers chaudes, pour désenclaver la Grande Russie et lui offrir de nouveaux horizons commerciaux et militaires. C'est du moins l'intention principale que d'aucuns lui prêtent dans l'"opération" en cours. Poutine vit de ses mythes historiques et de ses ambitions personnelles. Une nouvelle géopolitique tente de se mette en place, après les échecs et les humiliation de l'ère post-gorbatchevienne et surtout eltsinienne. Une nouvelle ambition, mais sans les mêmes moyens et avec d'autres méthodes, sur un échiquier international qui a radicalement changé. Avec comme effet non attendu le réveil d'un Otan déclaré moribond.   _______

 

        (*)   "...Poutine se voit en Pierre le Grand «reprenant» Saint-Petersbourg à la SuèdeLe président russe a comparé sa politique à celle du tsar Pierre le Grand lorsque ce dernier avait combattu la Suède, envahissant une partie de son territoire, ainsi que la Finlande, une partie de l’Estonie et de la Lettonie. «Nous venons de visiter une exposition consacrée au 350e anniversaire de Pierre le Grand. C’est étonnant, mais presque rien n’a changé. […] Pierre le Grand a mené la guerre du Nord pendant 21 ans. On a l’impression qu’en combattant la Suède, il s’emparait de quelque chose. Il ne s’emparait de rien, il reprenait», a affirmé Poutine, lors d’une rencontre avec des jeunes entrepreneurs à Moscou. «Lorsqu’il a fondé une nouvelle capitale [Saint-Pétersbourg - ndlr], aucun des pays d’Europe ne reconnaissait ce territoire comme appartenant à la Russie. Tout le monde le considérait comme faisant partie de la Suède. Mais depuis des temps immémoriaux, des Slaves vivaient là-bas aux côtés des peuples finno-ougriens. […] Il reprenait et renforçait», a-t-il dit. Avant de conclure : «Apparemment, il nous incombe aussi de reprendre et de renforcer».          ______________

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Electricité: usine à gaz

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Ou cacophonie.     [notes de lecture]

              Que celui qui a tout compris lève le doigt...

                              Un système aberrant.  C'est la loi du marché.

 Du rififi entre Paris et Berlin. __On a marché sur la tête

                          "... L   a concurrence, répétaient experts et éditorialistes, comprimera les prix du gaz et de l’électricité : depuis quinze ans ils explosent en Europe. Elle garantira la continuité du service : en 2022, le gouvernement français programme des délestages et implore les particuliers d’écourter leur douche pour éviter l’effondrement du réseau. Elle affaiblira les cartels par la multiplication des contrats de gré à gré basés sur les prix en temps réel : l’Organisation des pays exportateurs de pétrole prospère et table sur l’épuisement prochain des gaz de schiste américains (1). Cette sainte concurrence brisera enfin la « rente » des opérateurs publics  : Électricité de France (EDF) fut obligé de vendre à perte du courant à ses concurrents privés, lesquels empochèrent les bénéfices avant, pour certains, de se déclarer en faillite. Simultanément, TotalEnergies annonçait des profits records payés par le consommateur et subventionnés par le « bouclier énergétique », c’est-à-dire par le contribuable. Fruits d’un hasard malheureux Au sein de l’Union européenne, la Commission a organisé l’irrationalité énergétique au nom de la raison libérale (lire « Prix de l’énergie, une folie organisée »). Le résultat confine au génie  : les prix de gros de l’électricité française d’origine nucléaire dépendent du coût de mise en service de la dernière centrale à charbon allemande requise pour éviter la surcharge du réseau.  Soumettre à la mécanique erratique et myope des marchés un secteur aussi souverain que l’énergie a entraîné une conséquence cruciale  : l’impossibilité de planifier rationnellement la transition vers les énergies renouvelables sans que les intérêts des industriels n’interfèrent avec l’objectif climatique. Après la délocalisation de la production et donc de la pollution vers l’Asie, un nouveau dogme prévaut à Washington comme à Bruxelles : faire ruisseler l’argent public sur les groupes privés afin de les encourager à se verdir, plutôt que de financer un secteur public de l’énergie verte. Mais du vert, les industriels ne retiennent que la couleur du dollar, comme l’indique ce titre du quotidien d’affaires britannique Financial Times (10 mars 2023)  : « Les géants du pétrole s’efforcent d’obtenir des milliards de subventions vertes alloués par la loi américaine sur le climat ». Pendant ce temps, la Chine, moins soumise au marché, a planifié l’édification de filières solaires, éoliennes, hydroélectriques, au point que la part des renouvelables dans sa consommation énergétique totale en 2021 dépasse déjà celle des États-Unis. Et elle s’installe au premier rang mondial des constructeurs de véhicules électriques (lire « Voiture électrique, une aubaine pour la Chine »)...."

 

 

 

La dérégulation du marché de l'électricitévoulue par la Commission européenne se traduit par un envol des factures pour les consommateurs. Si M. Emmanuel Macron promet que l’État français va « reprendre le contrôle » des prix dans le cadre de son projet de planification écologique, Bruxelles entend poursuivre une politique qui fait des particuliers les dindons de la libéralisation du secteur. . Depuis l’envol des prix de l’énergie au cours de l’année 2021, la presse rapporte des histoires de ce genre : « Sa facture d’électricité va augmenter de 400 %, elle doit fermer son restaurant le midi », lit-on dans Ouest-France (27 décembre 2022) à propos de la gérante d’un hôtel-restaurant en Lozère. Le Télégramme dépeint des communes finistériennes confrontées à des « hausses vertigineuses de plus de 200 % » (1er octobre 2022). Plus récemment, plusieurs médias relaient le désespoir de clients de fournisseurs privés : « J’ai 2 700 euros de régularisation de facture d’électricité à payer et pourtant ma consommation a diminué » (LaMontagne.fr, 31 août 2023).                                                                                                                L’explication avancée s’éloigne peu de celle donnée par les gouvernements et l’Union européenne : la guerre russe en Ukraine et, dans une moindre mesure, la sécheresse, les problèmes de corrosion touchant les centrales nucléaires françaises. Mais quelles sont les causes structurelles de cette augmentation ? Et comment se fixent concrètement les prix ? Depuis la libéralisation de la production et de la fourniture opérée par Bruxelles à partir de la fin des années 1980, les tarifs nationaux basés sur les coûts moyens de production ont laissé place à la « loi » de l’offre et de la demande.                                  L’Union rêve d’un marché unique de l’électricité où tous les électrons, qu’ils proviennent du nucléaire français, du gaz italien ou d’éoliennes danoises, d’opérateurs publics ou privés, se négocieraient au même prix sur une même Bourse. Mais le réseau électrique impose une contrainte technique : il faut en permanence équilibrer la production et la consommation, laquelle varie tout au long de l’année et de la journée. Il incombe non plus à l’État mais au marché de donner le bon « signal prix » pour réaliser cet équilibre. Or, contrairement à un monopole public, qui ajuste l’offre sur la demande quel que soit le coût de production à l’instant t, un producteur privé ne démarrera sa centrale que si le marché lui garantit un prix suffisant pour couvrir (...)           L’Union rêve d’un marché unique de l’électricité où tous les électrons, qu’ils proviennent du nucléaire français, du gaz italien ou d’éoliennes danoises, d’opérateurs publics ou privés, se négocieraient au même prix sur une même Bourse. Mais le réseau électrique impose une contrainte technique : il faut en permanence équilibrer la production et la consommation, laquelle varie tout au long de l’année et de la journée. Il incombe non plus à l’État mais au marché de donner le bon « signal prix » pour réaliser cet équilibre. Or, contrairement à un monopole public, qui ajuste l’offre sur la demande quel que soit le coût de production à l’instant t, un producteur privé ne démarrera sa centrale que si le marché lui garantit un prix suffisant pour couvrir ses coûts.  Si le marché unique de l’électricité reste inachevé faute d’interconnexions suffisantes aux frontières, les Bourses européennes fonctionnent d’ores et déjà dans cette perspective. Sur les marchés au comptant (dits spot), des enchères sont organisées pour chaque zone tarifaire (en attendant l’unification ultime, on compte le plus souvent une zone par État membre) et chaque créneau horaire du jour suivant. Les producteurs proposent des mégawattheures à un certain prix de vente, les acheteurs demandent des volumes et offrent des prix d’achat. Puis un logiciel classe les propositions d’achat et de vente : il établit un « programme d’appel » qui sollicite en priorité les centrales de production au fonctionnement le moins coûteux.   L’algorithme détermine ensuite le prix de marché. Pour s’assurer que la dernière centrale nécessaire à l’équilibre du réseau sera bien démarrée par son propriétaire, le prix du courant correspondra au coût le plus élevé parmi toutes les centrales utilisées : c’est le principe de la tarification dite « au coût marginal ». Pour la France, en période de faible consommation, l’éolien, le solaire, l’hydraulique et le nucléaire peuvent couvrir les besoins. Mais, en période de pointe, il faut démarrer des centrales au gaz, au fioul ou au charbon peu performantes et coûteuses, ou bien importer des pays voisins.                           Dès lors se déroule la logique aberrante du marché : une filière de production (nucléaire, gaz…) déterminera le prix du courant non pas en proportion de sa part dans le mix électrique, mais en fonction du nombre d’heures durant lesquelles elle assure l’équilibre du réseau. Il en va de même pour les importations. En tenant compte de ces dernières, ce sont les centrales à charbon, à gaz ou au fioul qui, le plus souvent, apportent les mégawattheures qui éviteront l’effondrement du réseau. Résultat : en France, où près des trois quarts du courant proviennent de l’atome et de l’hydraulique, les prix dépendent davantage de ceux des énergies fossiles que des coûts réels de production. Ainsi, lorsque les tarifs du gaz s’envolent, comme en 2021, ceux de l’électricité explosent sur le marché spot, lequel sert de référence aux autres transactions (2). Mieux : ces prix fluctuent chaque heure, en fonction de la filière qui s’impose en Bourse. Par exemple, le prix de gros de l’électricité française peut passer entre 13 heures et 19 heures de 160 euros à plus de 600 euros par mégawattheure, comme ce fut le cas le mardi 4 octobre 2022.                                       Malgré sa violence, la crise des prix de l’énergie n’a pas dissuadé l’Union européenne de poursuivre la dérégulation. Le plan REPowerEU (3) communiqué par Bruxelles au Parlement et au Conseil le 18 mai 2022 adapte la stratégie énergétique des Vingt-Sept à la nouvelle situation internationale créée par la guerre russo-ukrainienne. Pour tenter de limiter leur exposition à la hausse des prix, le document incite les entreprises, les États, les collectivités locales et les ménages à réduire leurs consommations. Le geste ne manque pas d’ironie : vouant un culte à la croissance, la Commission et les gouvernements nationaux méprisent d’ordinaire les politiques de sobriété et célèbrent les technologies « vertes » comme le véhicule électrique, les sources de courant renouvelables privées ou, plus récemment, l’hydrogène. Dans ces conditions, les rares leviers disponibles pour agir à court terme sur la demande consistent à baisser la température de chauffage des bâtiments ou à réduire l’activité économique. Par chance, l’hiver 2022-2023 fut clément. Mais les prochains ?                                  Sans surprise, la Commission refuse de modifier la tarification au coût marginal, indispensable à la réalisation du marché unique. Mais elle tend également l’oreille aux grands industriels qui, échaudés, réclament davantage de stabilité des prix. Pour les satisfaire, Bruxelles compte sur deux dispositifs : les « accords d’achat d’énergie » (power purchase agreements ou PPA) et les « contrats pour différence » (contracts for difference, CFD). Grâce aux premiers, un propriétaire de centrale électrique et un consommateur s’engagent directement sur une longue période — généralement dix à vingt ans : les conditions de fourniture et la formule de calcul des prix offrent une certaine prévisibilité. Les CFD visent le même objectif, mais ils font intervenir les pouvoirs publics pour amortir les embardées du marché : le producteur vend son électricité en Bourse, mais l’État fixe un prix de référence qui agit à la fois comme plancher et comme plafond. Si le cours de Bourse est inférieur au prix de référence, l’État verse la différence au producteur ; si le prix de marché est supérieur, le producteur reverse le surplus aux pouvoirs publics. En stabilisant ainsi le prix de gros, la Commission espère lisser les prix de détail payés par le consommateur final.   Apparus dans les années 2010 pour sécuriser les grands projets d’énergies renouvelables, ces mécanismes complexes, avant tout destinés aux gros producteurs et consommateurs aux garanties financières importantes, vont s’étendre à davantage d’activités et de productions « bas carbone ». La France réclame qu’ils s’appliquent au nucléaire existant, ce que refuse l’Allemagne. Quelle que soit l’issue des négociations, ces contrats ne remplaceront pas la Bourse de l’électricité mais coexisteront avec elle. Se profile un marché à deux vitesses : un périmètre relativement sécurisé pour les grandes entreprises ; un marché dérégulé et très volatil pour tous les autres consommateurs.                                                                             Ces derniers seront d’autant plus exposés aux fluctuations du marché que la Commission européenne souhaite aligner les prix de détail sur les prix de gros. En application de ce principe censé inciter aux économies d’énergie, la directive 2019/944 impose aux principaux fournisseurs de proposer au moins une offre en « tarification dynamique » : l’abonné paie, heure par heure, le courant qu’il consomme au prix du marché spot. Début 2021, les premiers abonnements de ce type apparaissent en France, mais aucun n’a résisté à la flambée des prix des mois suivants. Pionnière en la matière, l’entreprise finlandaise Barry a vite déguerpi du marché français. E.Leclerc énergies, qui s’apprêtait à commercialiser une offre en tarification dynamique, a également suspendu son activité. Cette déroute peu évoquée par les pouvoirs publics et les médias sanctionne non pas un fiasco commercial mais la débâcle d’un système d’approvisionnement et de tarification fondé sur la concurrence et la prétendue « loi » de l’offre et de la demande : il ne fonctionne pas, les consommateurs le rejettent, mais Bruxelles l’impose par sectarisme libéral.        La convergence des prix de gros et de détail s’opère également par d’autres moyens. En 2014, le gouvernement espagnol mettait en place une offre régulée baptisée « prix volontaire pour le petit consommateur ». L’abonné voit les tarifs du kilowattheure recalculés tous les jours, avec trois types de plage horaire, correspondant à trois montants différents : périodes creuses, intermédiaires et de pointe. Chaque jour de la semaine, le prix de l’électricité change six fois ! De leur côté, les fournisseurs privés développent des offres révisables en les proposant souvent moins cher que les contrats à prix fixes. En Belgique, depuis la crise de 2021, la formule à prix fixe a tout bonnement disparu. Lorsqu’il signe son contrat, le consommateur ne connaît que le prix du mois suivant. En France, les tarifs régulés de vente (TRV) proposés par Électricité de France (EDF) n’évoluent que deux fois par an, en février et en août. Pour les concurrencer, les fournisseurs privés ont dû conserver des offres aux caractéristiques similaires. Mais cela devrait changer : le 13 juillet 2022, le journal économique La Tribune révélait que la ministre de la transition énergétique, Mme Agnès Pannier-Runacher, exigeait des fournisseurs une révision de leurs propositions tarifaires. Objectif : facturer plus cher en période de pointe (4).               On comprend mieux la frénésie de Bruxelles et des pouvoirs publics nationaux à remplacer les anciens compteurs mécaniques par des appareils numériques qualifiés de « communicants » ou d’« intelligents ». L’« intelligence » permet en effet de basculer plusieurs fois par jour d’un créneau de pointe à une période d’heures creuses ou intermédiaires, ou encore d’appliquer en temps réel les cours de Bourse aux consommations du client. De plus, les fournisseurs entendent limiter leurs impayés grâce à une fonctionnalité peu médiatisée de ces nouveaux compteurs électriques : ils permettent de couper l’alimentation à distance. Cette option facilite la mise en place du prépaiement. Plutôt que de régler l’énergie déjà consommée, l’utilisateur paie d’avance ; si son compte n’est plus crédité, l’alimentation cesse.                    En Wallonie, la loi oblige à installer un compteur numérique à prépaiement appelé « compteur à budget » dès lors qu’un ménage se trouve en défaut de paiement pour une dette d’au moins 100 euros. Au Royaume-Uni, environ quatre millions de foyers doivent payer l’électricité à l’avance. Depuis le début de la crise, des fournisseurs ont automatiquement basculé des centaines de milliers de consommateurs en mode prépaiement : leurs compteurs « intelligents » se convertissent à distance… En France, le cahier des charges du compteur Linky n’intègre pas directement l’option de prépaiement, mais une procédure permet la coupure à distance par le gestionnaire de réseau sur demande du fournisseur. Lequel pourrait imposer à ses abonnés de payer à l’avance et réclamer la coupure si le compte client n’est plus approvisionné pour instaurer, de fait, un système de prépaiement. Au moment précis où l’électrification générale s’impose face au réchauffement climatique, les opérateurs privés et leur tuteur bruxellois auront réalisé un tour de force : dégrader le service, augmenter les prix, reporter l’essentiel du risque sur les plus fragiles — tout en récoltant de plantureux bénéfices. [Merci à Aurélien Bernier - souligné par moi_] _________

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