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Chômage d'aujourd'hui

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Vers un mieux?

               Sujet polémique s'il en est, la question du chômage revient régulièrement dans le discours politique.   Les chiffres présentés régulièrement sont périodiquement scrutés, analysés, débattus, souvent contestés, parfois objets d'âpres débats. Depuis les années 70, ils sont devenus des marqueurs politiques. On comprend qu'on puisse les édulcorer et même parfois les tordre  pour mettre en valeur telle ou tel choix économique, telle politique sociale.                                       Il est probable que les chiffres annoncés par le gouvernement soient fondés, étant donné le rebond inattendu de l'après Covid et les quelques mesures favorisant l'apprentissage des jeunes. Mais n'est-ce pas seulement conjoncturel ou en trompe l'oeil? Le phénomène n'est pas simple à analyser et par certains côtés paradoxal, mais pour l'essentiel ce sont tout de même des emplois courts, semblant servir de variables d'ajustement, dans une période faste qui peut ne pas durer. Pour certains, ces progrès seraient à nuancer et même à minimiser fortement. Aussi bien au niveau des données chiffrées que des modes de rémunération.                                                                                                                                                           Les vrais chiffres du chômage sont toujours à discuter, car ils sont le produit de modes de calcul qui souvent  échappent au commun des mortels. Il importe de relativiser.  L'utilisation des mathématiques, notamment statistiques, dans les sciences humaines, est souvent sujette à caution.     Surtout dans le domaine de l'économie, où les données ne sont pas neutres, les paramètres sont souvent partiels ou biaisés , et parfois les intentions frôlent la distorsion, quand l'objet d'étude est particulièrement sensible, mettant en question des choix politico-économiques..  C'est ainsi que la notion de taux de chômage est régulièrement débattue, ne faisant pas l'unanimité, loin de là, n'étant pas forcément un indicateur pertinent de la bonne santé de l'économie.


          Quand on parle de l'emploi et des variations du taux de chômage, on se trouve sur un terrain sensible, parfois miné, où domine la langue de bois, les parti-pris et parfois les manipulations. Pour des raisons souvent évidentes d'auto-justification. Les données officielles, à un moment donné, sont rarement fiables. Quand on évoque le petit nombre de chômeurs aux USA ou en Allemagne, on omet souvent de dire quel type d'emploi il s'agit.
            _______________L'économiste R.Godin nous invite à la prudence dans le maniement des données statistiques concernant le chômage:
      " D'après la publication par l’Insee la semaine passée du taux du chômage pour le deuxième trimestre 2019, le gouvernement et ses partisans se sont accordé un satisfecit appuyé. L’institut de Montrouge a annoncé le 14 août un taux de chômage moyen de 8,5 % entre avril et juin, soit 0,4 point de moins qu’il y a un an pour le même trimestre de 2018. En France métropolitaine, le taux atteint 8,2 %, soit 0,2 point de moins qu’au premier trimestre et 66 000 chômeurs de moins. Les défenseurs de la politique gouvernementale de flexibilisation du marché du travail et de baisse de son coût ont alors crié à la preuve du succès de ces mesures. La ministre de l’emploi, Muriel Pénicaud, s’est même fendue en pleins congés du gouvernement d’un communiqué pour se féliciter des résultats de « l’action résolue et cohérente du gouvernement, et notamment des transformations du code du travail, de l’apprentissage et de la formation professionnelle ». L’économiste-conseiller d’Emmanuel Macron Gilbert Cette a proclamé que désormais la France pouvait voir son taux de chômage baisser avec une croissance assez faible et qu’il fallait y voir un effet des réformes.
    Pourtant, les choses pourraient être beaucoup moins simples qu’il n’y paraît. L’éditorialiste d’Alternatives économiques Guillaume Duval a ainsi souligné avec justesse que la baisse du deuxième trimestre était en réalité due à un recul du taux d’activité, qui est passé de 72,2 % à 72 % de l’ensemble de la population des 15-64 ans. Autrement dit, il y a moins de chômeurs parce que de plus en plus de personnes renoncent à chercher un emploi et basculent dans l’inactivité. Voilà qui, effectivement, relativise le « succès ». Non sans raison, d’autres ont aussi mis en avant le fait qu’une baisse du chômage accompagnée d’une faible croissance est le signe inquiétant à moyen et long terme d’une dégradation de la productivité de l’économie. Certains, enfin, pouvaient pointer la progression du « halo du chômage », autrement dit du nombre de personnes qui ne sont pas intégrées dans les statistiques du chômage parce qu’officiellement inactives mais qui cherchent néanmoins un emploi : 63 000 de plus, soit autant que la baisse officielle du nombre de demandeurs d’emploi.
        Certes, on pourrait s’interroger sur une forme de mauvaise foi liée à ces contestations. Lorsque le thermomètre ne donne pas une mesure satisfaisante, on peut être tenté de le briser ou de le relativiser par d’autres types de mesures. Mais en réalité, ces contestations mettent bien en évidence le fait que le taux de chômage pourrait ne plus être le bon instrument, ou du moins ne plus être le seul, pour mesurer la réalité du marché du travail. Rappelons que ce taux mesure la proportion dans la population active du nombre de personnes sans emploi, immédiatement disponibles pour occuper un poste et qui recherchent activement un emploi. Au sens du Bureau international du travail (BIT), être « sans emploi » signifie ne pas avoir travaillé une heure par semaine.Les mutations du travail dans le contexte néolibéral tendent progressivement à rendre la réalité décrite par ce « taux de chômage » très incomplète pour évaluer tant l’activité économique que la situation sociale d’un pays.
            Au reste, la question n’est pas que française. Depuis une dizaine d’années, le chômage a beaucoup baissé dans bien des pays occidentaux, notamment dans trois grandes économies : les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Pourtant, ces baisses s’expliquent moins par des performances économiques exceptionnelles, puisque, globalement, les taux de croissance sont restés plutôt modérés, que par des modifications majeures du marché du travail lui-même.
     Le cas de l’Allemagne est de ce point de vue intéressant. En septembre 2017, une étude de l’économiste Michael Burda de l’université Humboldt de Berlin attribuait le « miracle de l’emploi » allemand à deux phénomènes : le développement du temps partiel qui a permis une réduction de facto du temps de travail et la modération salariale. Autrement dit : le taux de chômage a baissé parce que les travailleurs allemands ont travaillé moins pour moins cher. Entre 2008 et 2018, selon les données de l’institut IAB de Nuremberg, le volume global d’heures travaillées a ainsi progressé de 8,8 %, mais le nombre de personnes en emploi a, lui, crû de 11,7 % et le taux de chômage a, de son côté, reculé de 8,1 % à 3,5 %. Autrement dit, l’évolution du taux de chômage a donné une vision déformée de la performance globale de l’économie allemande. Pour ne rien dire de la situation sociale : avec un taux de chômage près de trois fois moins élevé, l’Allemagne affiche un taux de personnes en risque de pauvreté selon Eurostat plus fort que la France (16,1 % contre 13,7 % pour la France en 2017). Mieux même : ce taux a progressé à mesure que le chômage baissait…
       Aux États-Unis, le taux de chômage a aussi reculé spectaculairement, passant de 10 % en octobre 2009 à 3,6 % actuellement. Là encore, l’apparence du plein emploi est complète. Sauf que, en regardant de plus près, on constate que le nombre d’employés de 15 à 64 ans n’a progressé en dix ans que de 1,15 million de personnes alors même que la population des 15-24 ans a progressé de 9,1 millions d’individus ! Difficile dans ce cadre de parler comme on l’entend souvent de « plein emploi » outre-Atlantique. Autrement dit, le taux de chômage ne reflète que très imparfaitement ici aussi la performance économique et sociale du pays. Pire même, il est le reflet de la très faible croissance de la productivité américaine depuis la crise. Les exemples de ce type pourraient être multipliés. Progressivement, le taux de chômage peine de plus en plus à remplir son rôle d’outil de mesure de l’efficacité d’une économie.
      Voilà trente ans, un taux de chômage bas signifiait presque à coup sûr que l’économie tournait à plein régime et pouvait ainsi créer des emplois. Il était aussi une forme de mesure du bien-être car l’emploi se traduisait par une sécurité financière accrue. La raison en était simple : l’emploi créé l’était alors à temps plein, il était protégé, et à durée indéterminée. Le taux de chômage était donc une mesure de prospérité et de bien-être. Désormais, l’emploi étant plus flexible et précaire, le taux de chômage tel que défini par le BIT n’a plus la même signification. Un travailleur à temps partiel ou qui a travaillé quelques jours peut cesser d’être statistiquement chômeur alors qu’il est toujours à la recherche d’un emploi et qu’il dispose de faibles revenus. Le plein emploi statistique ne dit alors plus forcément grand-chose de l’état de l’économie.
          C’est dans ce contexte que s’inscrit un des principaux débats qui secoue aujourd’hui la science économique autour de la « courbe de Phillips » et du taux de chômage naturel. En 1958, l’économiste néo-zélandais William Phillips avait établi à partir des données britanniques une courbe qui porte depuis son nom et qui décrit une relation inverse entre chômage et inflation. Plus le chômage est bas, plus l’inflation augmente via les salaires. Plus il est élevé, plus les prix tendent à rester sages. Cette courbe a connu de nombreuses interprétations, mais le consensus utilisé par les banques centrales depuis les années 1980 était que l’on devait faire un choix, en conséquence, entre l’inflation et le chômage. Or, sous l’influence des monétaristes, on a donné la priorité à la lutte contre l’inflation en cherchant par la politique monétaire à parvenir à un taux de chômage « naturel » appelé « NAIRU » (« non-accelerating inflation rate of unemployment »). À ce niveau (théorique) de chômage, l’inflation n’est plus censée accélérer parce que le marché du travail a trouvé son équilibre. Mais ce NAIRU n’est pas le plein emploi : pour que les deux notions coïncident, il faut, selon les économistes, réaliser des « réformes structurelles » pour permettre un fonctionnement du marché du travail parfait et donc un équilibre optimal.
      Depuis quarante ans, ces deux notions sont l’alpha et l’oméga des politiques économiques et monétaires. Les réformes défendues par Emmanuel Macron n’ont pas d’autres ambitions que l’application de cette théorie. Puisque le taux de chômage français est élevé, il faut abaisser le taux d’équilibre par des réformes, ce qui revient à faire jouer davantage l’offre et la demande. D’où la flexibilisation du marché du travail qui, selon cette théorie, permettra de faire baisser le taux de chômage et, donc, en parallèle, à mesure que l’on se rapproche du taux d’équilibre, de renforcer les revendications salariales des individus. Aussi Muriel Pénicaud peut-elle se réjouir de la baisse du taux de chômage qui serait bien une mesure du bien-être puisque l’emploi serait alors plus abondant et mieux rémunéré. Mais tout ceci est théorique. Car, dans les faits, on peine à identifier la courbe de Phillips et le NAIRU. On ne compte plus, en effet, les études sur la « mort » de la courbe de Phillips, pour la nier ou l’avancer. Une chose semble cependant certaine : l’exemple étasunien ou allemand laisse perplexe.
    Car, dans ces pays, le plein emploi ne s’est pas accompagné de pressions salariales fortes. Loin de là. Aux États-Unis, le taux d’inflation a reculé pendant les cinq premières années de la baisse du chômage. Il est ensuite resté très modéré. Le taux d’inflation actuel est de 1,8 % pour un taux de chômage de 3,6 %, alors même qu’en 2008 avec un taux de chômage de 4,5 %, la hausse des prix dépassait 3 %. Le phénomène est encore plus frappant en Allemagne, où on ne constate aucune accélération de l’inflation au cours des dix ans qui ont conduit le pays au plein emploi. Après une rapide envolée en 2016, la croissance des salaires réels allemands s’est stabilisée autour de 1 % et tend même à s’affaiblir. Fin 2018, le taux de chômage allemand a atteint son niveau de 1980, 3,3 %. Mais en 1980, l’inflation hors énergie et alimentation (celle donc qui peut être attribuée aux salaires) était de 5,3 % contre 1,2 % en 2018…
...Le taux de chômage classique ne semble donc plus réellement pertinent. Il n’est qu’un moyen très imparfait de définir l’état d’une économie et, encore plus, un bien-être social. Un plein emploi statistique acquis à coups de modération salariale, de précarisation de l’emploi et de réduction du temps rémunéré de travail est en réalité une machine à creuser les inégalités. Là encore, les exemples allemand, américain et britannique le montrent assez clairement. Il y a alors un paradoxe : plus le taux de chômage est bas, plus le risque de mécontentement social peut être important. Dans une tribune récente publiée dans Le Monde, la sociologue Dominique Méda rappelle que « les mauvais emplois ont un coût social » et politique. Or les réformes néolibérales font le choix du plein emploi statistique au détriment de cette qualité de l’emploi. Tout est bon, tant qu’on a un travail, même précaire, même mal payé. Et, pour enfoncer le clou, on réduit les indemnisations chômage afin que cette vérité soit vérifiée. La pierre angulaire des réformes Hartz en Allemagne était précisément la réduction de la durée d’indemnisation et le renforcement de l’obligation de prendre un emploi pour les chômeurs de longue durée. C'est la voie suivie avec la réforme du chômage par le gouvernement français. Mais ce chemin est des plus dangereux. On comprend aisément pourquoi : le mécontentement ne peut que naître du contraste entre une situation présentée comme idéale, le plein emploi, et la réalité sociale vécue.

    Il serait donc urgent de relativiser le taux de chômage et de cesser de le voir comme un indicateur de performance économique et de bien-être. Il est, au contraire, utile de le compléter par d’autres données : taux d’activité, salaires, mesures des inégalités, qualité des emplois. Mais la pratique politique est bien loin d’une telle nuance. L’obsession du taux de chômage, la promesse que les délices de la prospérité accompagnent sa baisse, tout cela est, il est vrai, politiquement plus vendeur. Cela permet aussi de mieux « vendre » la poursuite des réformes néolibérales qui pourraient pourtant bien être à l’origine de l’inefficacité du taux de chômage… Il y a donc fort à parier que le gouvernement continuera à n’avoir comme objectif que la baisse de ce taux. Quel qu’en soit le risque."   _____________________

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Consultocratie

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Quand l'Etat délègue certaines de ses fonctions régaliennes

                          C'est comme si des hauts fonctionnaires n'étaient plus en capacité d'assumer certaines missions essentielles, dans certains domaines-clés comme la santé, l'éducation, etc..; faisant confiance au domaine privé, que l'on charge de gérer ou de mettre en place certaines réformes de fond, surtout dans ce contexte de crise à l'hôpital et à l'école, entre autres. Place à des cabinets de conseil, français mais surtout étrangers, chargés d'introduire de nouvelles méthodes managériales, supposées efficaces, sur le modèle des entreprises privées. Le gouvernent actuel a recouru maintes fois à ces cabinets, à grands frais, et continue à le faire, malgré les dénégations officielles, ce qui pose la question des rapports entre l'intérêt public et certains intérêts privés et met à mal la spécificité de l'intérêt général ainsi que la perméabilité actuelle de l'Etat aux méthodes et aux intérêts du monde des affaires. Le New public Management  devient la règle.                                                                                                                  On pense notamment aux dérives de l'affaire Mackinsey, plusieurs fois pointées notamment par la presse et le Sénat. "...En France, ce nouveau processus ne commence véritablement que dans les années 1990 avec l’introduction des « cercles de qualité » et l’essor de « l’économie de la certification », par le biais d’acteurs divers qui contribuent à la lente légitimation du New Public Management. L’influence du sociologue des organisations Michel Crozier en amont de cette période est considérable, tant dans la presse qu’auprès des politiques. Il préconise – comme nous l’avons montré en étudiant son rapport corédigé avec Joji Watanuki et Samuel Huntington pour la Commission trilatérale – le « remplacement du technocrate par le consultant ». « Aujourd’hui encore, du ministère de l’Éducation nationale à Bercy en passant par le ministère de la Santé ou de la Justice, de grands projets ont été élaborées par ou avec des cabinets de conseil. »...                                        L'Etat n'assume plus certaines de ses plus hautes fonctions. Manque de compétences ou plutôt recherche de solutions libérales, qui ont pourtant souvent montré leurs limites et leurs intérêts sonnant et trébuchant?  Des "abus" reconnaît enfin B. Lemaire, manieur de litotes. Ils étaient partout, pendant longtemps, surtout sous le macronat. Sans doute oeuvrent-ils encore. Leurs "conseils" étaient bien loin d'être neutres, purement techniques. Quand on réfléchit sur un nouveau système scolaire ou hospitalier, il est sûr que les arrière-pensées ne sont pas absentes. Les enjeux sont énormes à ce niveau.  Les dérives présidentielles ont déjà été dénoncées plusieurs fois. Même la très conservatrice Cour des Comptes s'y est mis. Comme le Sénat.                                                                         Faute avouée....peut-elle être pardonnée? Notre Bruno a lâché le morceau: oui, il y a bien eu abus. L'Etat s'est déchargé de certaines de ses fonctions importantes en faisant confiance à des cabinets de conseil privés, qui  ne travaillent pas pour rien et qui n'aiment guère être contrôlés, même dans des matières sensibles comme l'éducation ou la santé, voire plus...C'est une enquête du Sénat qui a officialisé les soupçons. Mais s'agit-il seulement d'"abus"? C'est le principe même de l'interférence du public et du privé qui est en question. Que deviennent les fonctions régaliennes quand des cabinets, dont le profit est le moteur, sont sollicités ainsi. C'est plus que de la négligence ou de la facilité, c'est une illustration (de plus) que l'intérêt général n'est plus une référence absolue, que l'Etat faillit, une forfaiture.                                                                                 

 

   ____ Le phénomène a duré, même après les critiques sénatoriales La consultocratie  s'est prolongée. Depuis le temps que la pratique s'était installée! Il ne s'agissait pas seulement de conseils techniques occasionnels... Les Infiltrés, traite de la question plusieurs fois débattues  de la place et du pouvoir des firmes de consulting (le plus souvent anglo-saxonnes) qui se sont immiscées au coeur de l'Etat et de beaucoup de ses administrations, surtout depuis les années 1990, dans les sillage des dogmes néolibéraux de R.Reagan et M.Thatcher, selon lesquels "l'Etat est le problème".         Ce que les fonctionnaires de l'Etat français faisaient et savaient faire a été peu à peu délégué à des officines privées, même dans le domaine de la santé, pour repenser les normes et réorganiser la logique de la "gouvernance", plus proche de celle du domaine privé. Avec le souci prioritaire de l'efficacité à courte vue et de l'économie prétendue..alors que ces organismes privés sont grassement payés, pesant lourdement sur les finances publiques.                                                                           "Depuis vingt ans les consultants se sont installés au cœur de l'État. Gestion de la pandémie, stratégie militaire, numérisation de nos services publics...: les cabinets de conseil, pour la plupart anglo-saxons, sont à la manœuvre dans tous les ministères. L'État a payé pour se dissoudre. Ce livre relate ce suicide assisté.    C'est l'histoire d'un putsch progressif, presque rampant, sans effusion de sang mais qui, de l'intérieur, a changé la France. Depuis vingt ans, les consultants se sont installés au cœur de l'État. Gestion de la pandémie, stratégie militaire, numérisation de nos services publics... : les cabinets de conseil, pour la plupart anglo-saxons, sont à la manœuvre dans tous les ministères. On les retrouve même au cœur de nos services de renseignement.      L'histoire de cette infiltration n'a jamais été racontée. Et cette prise de pouvoir encore moins démocratiquement approuvée. Les choses se sont faites par acceptations ou résignations successives. Il ne s'agit en rien d'une conspiration. L'État a été parfaitement consentant. Il a payé pour se dissoudre. Et dépense chaque année toujours plus pour s'effacer. Ce livre relate ce suicide assisté."                       ____Les principaux cabinets comme Mc Kinsey, contribuent fortement à mettre l'Etat en mode start-up, avec la bénédiction de hauts fonctionnaires acquis à la cause, notamment avec l'impulsion sarkozienne et de E. Woerth.                                ____________________________ 

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On est (a) des champions!

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Congratulations!

                 Vive nous! Nous progressons encore.  Ce n'est pas Mélenchon ou Roussel qui le disent."...    Le magazine Forbes recense 43 milliardaires français en 2022, soit un de plus que l'an passé. Et pour se faire une idée, un Français moyen devrait travailler 3,5 millions d’années sans discontinuer pour égaler la fortune de Bernard Arnault, plus grande fortune de l'Hexagone.    La pandémie de Covid-19 a aggravé les inégalités de manière spectaculaire. Un rapport d’Oxfam publié en janvier 2022 révèle que les milliardaires se sont plus enrichis pendant la crise sanitaire qu’en une décennie. En France, Forbes dénombre 43 milliardaires dans son dernier classement des plus grosses fortunes mondiales. En 2021, ce cercle très fermé était composé de 42 personnes.    Bernard Arnault, devenu l’homme le plus riche du monde l’espace d’un instant en 2021, reste haut la main le Français le plus riche. Son capital est estimé à 156 milliards de dollars, soit le double de Françoise Bettencourt Meyers, l’héritière de L’Oréal, deuxième de ce classement. Pour donner une idée de ce que représente cette somme, Statista estime qu’un Français payé autour de 40 000 euros par an devrait travailler sans discontinuer pendant 3,5 millions d’années pour rattraper la richesse du PDG de LVMH. Seulement neuvième en 2021, Rodolphe Saadé a quadruplé sa fortune en l’espace d’un an pour s’inviter à la troisième place. Peu connu du grand public, il est le patron de CMA CGM, la troisième compagnie de transport maritime au monde.     Preuve que le luxe se porte bien : François Pinault, à la tête de Kering (Gucci, etc.) et Alain et Gérard Wertheimer, les dirigeants de Chanel, suivent le trio de tête de près. Le très médiatique Xavier Niel est huitième, devancé par le très discret patron de Lactalis Emmanuel Besnier....


                                                                                     Depuis de 10 ans les inégalités se creusent. Malgré le "pognon de dingue" que l'Etat injecte dans les dépenses sociales. On se demande qui sont les assistés.  Certains semblent vivre hors-sol, parfois dans des ghettos dorés. Certes la France n'est pas isolée dans cette montée des super-profits. Même l'OCDE s'en est inquiété un temps. La critique n'est pas morale, mais politico-économique et surprend de la part d'une institution jusqu'ici conformiste.

 

.         ....Depuis les années 1980, le libéralisme triomphant dans tous les pays occidentaux a inscrit dans les têtes que le creusement des inégalités est la rançon d’une plus grande efficacité d’un système économique. Mais tout cela finalement ne serait pas trop grave car la richesse de certains, même d’un tout petit nombre, finit par retomber en pluie fine sur tous, ont assuré nombre d’économistes. Finalement, après avoir défendu, comme tant d’autres, pendant des années cette vision, l’OCDE se ravise.
   Les chiffres, il est vrai, sont sans appel. Ils donnent une image d’une situation des pays développés que l’on pensait réservée auparavant aux pays émergents. En 2012, 40 % de la population des pays de l’OCDE possédaient 3 % de la richesse totale, quand les 10 % des revenus les plus élevés possédaient la moitié du patrimoine total et les 1% plus de 18%.
     Alors que dans les années 1970, le revenu des 10 % des ménages les plus riches était de 7 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres, le rapport est désormais de 10 fois. Et ce n’est qu’une moyenne. Aux États-Unis, le ratio s’élève à 18,8 fois, en Grande-Bretagne de 10,5 fois. La France, contrairement à tout ce qui est rabâché, est devenue un des pays les plus inégalitaires du continent. La hausse des inégalités entre 2007 et 2011 est la troisième plus forte augmentation de tous les pays de l’OCDE. Les 10 % les plus riches y gagnent 7,4 fois plus que les 10 % les plus pauvres contre 6,6 fois en Allemagne, ou 5,8 fois en Suède.
      La croissance économique n’a pas permis, contrairement à la prédiction de nombre d’économistes libéraux, de compenser les effets inégalitaires. La crise, en revanche, les a durement aggravés. Le choc a été particulièrement dur pour les pays frappés par la crise, note le rapport de l’OCDE. En Grèce, le revenu moyen a diminué de 8 % par an entre 2007 et 2011, en Espagne, en Irlande, en Islande, les pertes annuelles ont été supérieures à 3,5 %. Mais ce ne sont que des moyennes, prévient le rapport. En Espagne, pendant que le revenu des 10 % des plus pauvres chutait de presque 13 % par an, celui des 10 % les plus riches se réduisait de 1,5 %. En France, comme aux États-Unis ou en Autriche, les plus riches ont continué à bénéficier de hausse de revenus pendant que les plus pauvres voyaient les leurs diminuer, pendant cette période.
Trente années de grande compression des revenus pour les classes les plus pauvres et moyennes ont fini par laisser des traces. Au cours des dernières décennies, 40 % des populations des pays développés ont été tenues à l’écart de l’accroissement sans précédent des richesses produites dans le monde. « Parallèlement à la hausse des 1 %, le déclin de ces 40 % pose des questions sociales et politiques. Quand une partie si large de la population profite si peu de la croissance économique, le modèle social se casse et la confiance dans les institutions s’affaiblit », insiste le rapport....
... Les conséquences, selon l’OCDE, ne sont pas seulement sociales et politiques mais elles sont aussi économiques. Et c’est sans doute ce dernier point qui a ébranlé le plus les convictions de l’institution. Selon ses calculs, la montée des inégalités entre 1985 et 2005 dans les pays de l’OCDE a amputé la croissance de 4,7 % en cumulé entre 1990 et 2010. Les effets se poursuivent. La faiblesse de la croissance économique, la chute de la productivité, la chute de la consommation, et de tous les autres indicateurs enregistrés dans les pays développés depuis la crise, en dépit des milliards distribués par toutes les banques centrales, trouvent sans doute une partie de leur explication dans l’immense fossé qui s’est creusé entre les revenus....
... Les politiques fiscales et de redistribution « constituent les instruments les plus efficaces et puissants de redistribution des richesses (…) La redistribution à travers les taxes et les transferts est souvent présentée comme un handicap à la croissance économique. S’ils sont bien conçus, une fiscalité plus élevée et les transferts pour réduire les inégalités ne nuisent pas à la croissance », assure le rapport.
Il plaide aussi pour des réformes ambitieuses de la fiscalité. « Les gouvernements devraient réexaminer largement leur système fiscal pour s’assurer que les ménages les plus riches assument leur part dans la charge fiscale », insiste le rapport. Cela passe, selon lui, par une hausse des taux d’imposition mais surtout par des remises en cause de tous les systèmes de niches, de déductions qui ont prospéré dans tous les pays occidentaux ces dernières décennies, amenant les plus fortunés à échapper de plus en plus à l'impôt...." (Merci à Mediapart)
              Ce rapport est intéressant, mais ne va pas aux causes du phénomène, ne remet pas en question les fondements politiques et économiques de cette dérive pourtant justement pointée dans ses effets.
       Qu'attend le pouvoir pour mettre en oeuvre des réformes de bon sens, naguère présentée pas Piketty comme indispensables pour refonder les bases d'un nouveau contrat social, notamment en réhabilitant l'impôt.                                                                                                                                                   Faute d'un Biden  qui n'a pas réussi son pari, on attend un nouveau Roosevelt.________________

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Menaces sur la presse

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Il trace sa route...

           Discrètement, mais efficacement, il fait son chemin, sans souci des critiques, suivant son son chemin, son programme, son appétit apparemment sans limites apparentes. Notre Citizen Kahn ne s'arrêtera pas à l'intégration du JDD à son empire. Le soutien des lecteurs est pour le moins réduits et les réactions politiques sont mitigées, comme si cette progression nouvelle ne posait pas problème, comme si la presse était une marchandise comme une autre, comme si la concentration galopante des organes de presse en France n'était pas une menace.                           Rien ne semble arrêter l'industriel déterminé à ne pas s'arrêter là, en dépit des règles journalistiques, de la déontologie de ce métier si particulier, qui réclame la plus grande indépendance par rapport aux pressions en tous genres, aux intérêts économiques et politiques. Mister Bolloré suit discrètement les chemins de Murdoch. L'"excellence journalistique" proclamée prêterait à rire, si ce n'était si grossier. L'extrême droite entre au JDD par la grande porte. Julia Cagé ne s'émeut pas trop, au nom de la "liberté" de la presse.  « Par avance, la ministre accepte de ne rien faire, signe son impuissance. Elle ne rappelle même pas les principes de l’indépendance de la presse. Au moins avant, ils faisaient semblant de s’agiter, de défendre le pluralisme et l’indépendance de la presse. Maintenant, ils ne prennent même pas la peine de sauver les apparences. »   


                                                             Faut-il répéter quelques principes élémentaires quand on tient à l'indépendance des médias? Des digues sont rompues. Il serait temps de se réveiller. Comme le rappelle JFKahn:  "Au début des années 1930, en Allemagne, un ancien directeur de Krupp, richissime homme d’affaires donc, qui s’était construit un immense empire médiatique, Alfred Hugenberg, mit son redoutable outil d’influence au service d’une « union des droites » intitulée le « front de Harzburg ». Ce qui permit au Parti national-socialiste de sortir de son isolement et d’augmenter, dans un premier temps, son nombre de sièges au Parlement. Avant de finalement l’emporter…"                                                                                                           Une déjà longue histoireL'histoire bégaie...    ______________

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Orbanisation

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Un symptôme et un signal

                                    Pour la quatrième fois, le maître de Budapest a remporté les élections, cette fois-ci porté par le conflit ukrainien et félicité par Marine Lepen. Les dérives autoritaires ne peuvent que continuer...              Le nouveau succès électoral du maître de Budapest n'est nullement affecté par les rodomontades de Bruxelles, qui fait la morale à l'enfant terrible, tout en continuant à subventionner comme jamais une économie qui se porte mieux..

    Derrière les menaces, l'Eurogroupe montre sa faiblesse structurelle, tout comme à l'égard de la ligne polonaise du moment. D'autant plus que Victor joue habilement un double jeu: plutôt sage à Bruxelles, il se déchaîne contre elle à Budapest, jusqu'à la caricature, directement ou par le biais des médias devenus les fidèles serviteurs de sa cause.
     Même si une certaine inquiétude est apparente dans la capitale, le reste du pays est acquis aux thèses de Victor, qui sait jouer habilement sur les peurs." Le Fidesz est accusé d'avoir muselé depuis 2010 de nombreuses institutions et contre-pouvoirs du pays, comme les médias et la justice, mais aussi l'économie et la culture. Le tout légalement, grâce à sa super-majorité au Parlement et sans s'émouvoir des critiques de la Commission européenne et de nombreux observatoires internationaux.
      Même si les dérives hongroises  ne datent pas d'aujourd'hui, se trouve ainsi confortée une certaine radicalisation des droites européennes.
      ...Aujourd’hui, les alliés de Viktor Orbán ne se limitent pas à cette Mitteleuropa perdue dans le multiculturalisme européen. Ils se trouvent aussi dans l’ancienne Europe des Quinze et dans les derniers succès électoraux engrangés çà et là ces derniers mois : entrée de l’AfD au Bundestag en septembre, formation d’une coalition gouvernementale par une droite anti-migrants avec l’extrême droite du FPÖ en Autriche en décembre, campagne électorale dominée par la thématique migratoire en Italie et score historique pour la Lega (extrême droite) en mars
     Dernièrement, c’est même une partie de la droite allemande qui a pris un virage anti-migrants. Le tout nouveau ministre de l’intérieur et chef de la CSU, Horst Seehofer, a marqué le coup dès son entrée en fonction, le mois dernier, en assurant que l’islam n’appartenait pas à l’Allemagne. Quant à la droite française, son orientation, depuis que Laurent Wauquiez a pris la présidence des Républicains, ne laisse pas trop planer de doutes : elle serait clairement islamophobe.    
    Plus que la critique des institutions européennes, c’est ce positionnement identitaire qui rassemble aujourd’hui une partie grandissante des droites européennes... Et qui se trouve légitimité par la reconduction, pour un troisième mandat consécutif, d’un chef de gouvernement en exercice. Une convergence inquiétante, à un an des élections européennes....
     L impuissante de l'Europe face à Viktor Orban est manifeste, victime d'une volonté d'élargissement inconsidéré qui la paralyse. Plus Orban bombe le torse, plus Bruxelles semble impuissant. Que faire face à l’enfant terrible de l’Europe ? Comment faire rentrer dans le rang ce cancre qui a l'insolence de mordre dans l'Etat de droit en lui riant au nez ? La Commission européenne a beau taper du poing sur la table, cela fait déjà huit ans qu'elle se casse les dents sur le cas Orban…

     Dans le pays orange, où la corruption ne va pas se réduire, l'opportuniste de nouveau aux commandes pour quatre ans de plus, ne va pas se gêner pour conforter son pouvoir en utilisant à son profit les faiblesses de l’Union européenne 
       Quatremer n'avait pas tout à fait tort.
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Varia

Publié le par Jean-Etienne ZEN

__ Menaces

__ Flotte fantôme

__Vive l'inflation!

__ Folles dépenses

__ Guerres aux pauvres

__ Scénario intenable

__ Lithium chilien

__ Israël: cri d'alarme

__ Ukraine: tensions

__ Mort de l'Aigle

__ Questions nigériennes

 

__ Affaissement démocratique

__ Seniors: discriminations

__ Récession allemande?

__ Armes US: la course                     

__ Le roi Bernard

____________                    Trump, lecteur de l'équivoque Ayn Rand, apôtre de l'individualisme intégral.                                                                                   _______________________________

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Point d'histoire

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 L'histoire de la Chine...

           ...Qui n'a pas fini de nous étonner,  n'est pas un long fleuve tranquille. L'Empire du milieu s'est fait et s'est défait maintes fois dans sa longue histoire avant de trouver une relative stabilité. J. Gernet le décrit par le menu dans ses recherches approfondies. Les peuples du Nord ont longtemps constitué une menace, avant l'assimilation et de nouvelles synthèses.

 

      Un long tournant chinois dans l'histoire du pays, de 220 à 618:

                                                 " Après 36 ans de conflits entre seigneurs de guerre, la Chine se retrouve coupée en trois royaumes en l’an 222 : le Wei, le Shu et le Wu. Les guerres se poursuivent, chaque roi revendiquant le titre impérial. Pourtant la période des 3 royaumes marque un âge d’or de la poésie. Par ailleurs, le taoïsme et le bouddhisme gagnent du terrain aux côtés du confucianisme traditionnel. A cette époque, l’empire Xianbei se désagrège, mais les tribus restent très menaçantes.     Dans les 3 royaumes, le pouvoir royal s’affaiblit rapidement. Un chef de guerre du Wei parvient à s’emparer du Shu en 263 et se proclame roi de Jin. Puis son fils Jin Wudi s’empare du Wu en 280, réunifiant l’empire chinois pour une courte période.  Il réalise des réformes politiques et judiciaires, et pendant quelques années la prospérité semble revenue. Mais en 290, sa mort entraîne une sanglante guerre de succession qui va durer 15 ans. Cette nouvelle période de chaos affaiblit considérablement le pays. Dans le même temps, les peuples d’origine barbare installés en Chine du nord sont massivement utilisés comme mercenaires et acquièrent de plus en plus de pouvoir. Ils fondent des royaumes indépendants dans le nord à partir de l’an 304. La capitale Luoyang est prise en 311 et l’empereur Jin est tué. La Chine du nord passe intégralement sous le contrôle des barbares 5 ans plus tard : elle se retrouve divisée en plusieurs royaumes très instables qui se font sans cesse la guerre, ce qui provoque un important recul économique et artistique.   Pendant ce temps au sud, un prince Jin se proclame empereur en 318 sous le nom de Jin Yuandi, perpétuant la dynastie. Depuis sa capitale Jiankang, l’actuelle Nankin, il passe son règne à réprimer les rébellions intérieures et à contrer l’avancée des royaumes barbares.   A partir de 330, la Chine du sud se consolide peu à peu. Elle contribue à diffuser la culture chinoise chez les peuples du sud. C’est aussi une période faste pour la pensée philosophique.   En 347, les Jin parviennent à s’emparer du Sichuan à l’ouest. Puis ils lancent des expéditions au nord contre les autres royaumes barbares : Qin antérieurs à l’ouest, Yan antérieurs à l’est. Malgré quelques succès, cela ne fait qu’affaiblir les Yan comme les Jin, et ce sont les Qin antérieurs qui en profitent : ceux-ci s’emparent du Sichuan et de tous les royaumes barbares, unifiant la Chine du nord en 376.   La menace qui pèse sur la Chine du sud est écartée de justesse sept ans plus tard à la bataille de la rivière Fei : les Jin remontent la frontière jusqu’au Fleuve Jaune tandis que le royaume des Qin antérieurs se désagrège. La Chine du nord retrouve sa fragmentation en plusieurs royaumes barbares.   Peu après, des luttes de pouvoir plongent la Chine du sud dans 10 nouvelles années de guerre civile aggravée par les guerres contre le nord. C’est le général Liu Yu qui rétablit l’ordre : il s’empare du trône en 420, fondant une nouvelle dynastie.    Peu après au nord, le royaume Wei amorce une expansion sous l’impulsion de son roi Tuoba Tao : il unifie ainsi la Chine du nord en 439. Cette nouvelle configuration de la Chine en 2 royaumes un peu plus stable et aux cultures bien distinctes.    Le sud n’est autre que la continuité de l’ancien empire Han : autrefois à l’écart du centre politique de la Chine, il est maintenant complètement acquis à la culture chinoise et connaît un développement marqué avec une abondante création artistique. Quant au nord dirigé par une dynastie d’origine barbare, il a connu un recul économique par rapport à l’époque des Han.    Il continue pourtant de bénéficier du commerce par la Route de la Soie, tandis que le sud plus à l’écart doit développer une route maritime avec l’Inde qui est alors à son apogée. Cela favorise l’essor de royaumes intermédiaires : Champa dans l’actuel Vietnam, Fou-nan centré sur l’actuel Cambodge, et Tarumanagara à Java. Grâce à cette ouverture, le bouddhisme tend peu à peu à supplanter le confucianisme en Chine. Il gagne aussi le Koguryo en Corée, qui continue à s’étendre et atteint son apogée.     La période reste très belliqueuse : en Chine les empereurs ont une faible légitimité et doivent composer avec une aristocratie guerrière puissante. En 450, l’empereur du nord Tuoba Tao mène une expédition militaire qui affaiblit considérablement le sud et repousse la frontière.    Peu à peu, le nord achève sa sinisation et le contrôle sur les populations des steppes s’affaiblit. La capitale finit par être déplacée à Luoyang. Les garnisons du front nord, insatisfaites par cet éloignement du pouvoir, finissent par se révolter. En 528, Luoyang est mise à sac.    Le royaume du sud profite de cette nouvelle faiblesse en lançant une campagne militaire contre le nord. Face au chaos, deux seigneurs de guerre finissent par prendre les choses en main. La Chine du nord se retrouve divisée en deux royaumes : le Zhou à l’ouest avec pour capitale Chang’an, et le Qi à l’est avec pour capitale Ye.   Finalement, ça contribue à redonner une nouvelle vitalité à la région : à l’ouest les Zhou s’emparent du Sichuan aux dépens de la Chine du sud. A l’est la progression des Qi vers le sud provoque la chute de la dynastie. Les Chen arrivent au pouvoir tandis qu’un général dissident établit son propre royaume au centre.  Les années suivantes sont marquées par des révoltes internes dans le Qi : en 577, le Zhou en profite et annexe le Qi. Peu après, un général des Zhou renverse le roi et fonde la dynastie Sui, prenant le nom de Sui Wendi. En 589, il s’empare du Chen, réunifiant durablement la Chine : après trois siècles de divisions, le pays va enfin connaître trois siècles d’unité...." [Vincent Boqueho]   __ 

____ * Quand la Chine s'arrêta. ___ Puissance navale réinventée. ___ Chine d'hier et d'aujourd'hui. __ Quand la Chine éternue.___ Revenir de Chine. ___ Ombres chinoises.__..Et la suite...                      _____________________

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Trop de bienveillance...

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 ...Sape les conditions du savoir et de la réalisation de soi.

                   On en reparle, car elle est tellement évoquée. Qui  serait  contre la bienveillance, cette valeur justement louée et appréciée dans les relations humaines, trop souvent marquées par la rudesse, la concurrence et parfois la violence? La bienveillance, bien comprise, met de l'huile dans les rouages relationnels, rapproche les hommes, favorise les échanges et les personnes. C'est une des conditions essentielles de l'apprentissage, qui suppose attention, patience et foi dans l'évolution de l'autre. Surtout dans le domaine scolaire, où la confiance et l'attention sont des conditions essentielles de transformation pour le bien de l'élève.                                                                      Mais voilà, cette valeur, comme beaucoup d'autres, peut être pervertie, utilisée à des fins utilitaires, qui ne sont pas forcément nobles, comme une stratégie calculatrice ou un moyen de gérer des finalités discutables ou un aveu de faiblesse, en vue d'une gestion de la pénurie, parfois pour faire accepter l'inacceptable. 


                      Une enseignante amoureuse de son métier, souvent discrédité, en fait une analyse pertinente et équilibrée. Agnès Jougla présente une vision assez réaliste des conditions dans lesquelles se pratique aujourd'hui l'enseignement depuis un certain nombre d'années, au détriment d'un savoir qui devrait être normalement transmis. (*) Elle souligne la dégradation nette du niveau et des conditions d'apprentissage, mais surtout des politiques ministérielles qui se sont succédées pour contribuer aux effets parfois catastrophiques que l'on constate aujourd'hui. La "bienveillance" est devenue comme un impératif pour masquer les déficiences, les dégradations et les abandons institutionnels, au nom d'un égalitarisme discutable.  On peut l'entendre ici.                                               L'auteure souligne avec pertinence ce l'on pourrait appeler l'échec d'une utopie, qui finit par faire abstraction de règles, sans lesquelles il ne peut y avoir de liberté.                                                                                                                                               (*) "...“On ne fait pas de vagues dans la grande maison de l'Éducation nationale. Il faut que tout le monde passe, que tout le monde ait 12, façon École des fans, que les parents soient contents, que le rectorat n’entende pas parler de nous. Il faut que les gamins aient leur examen en carton, leur orientation en pâte à modeler, ce qu’ils feront après, ce qu’ils auront gardé, ça ne nous concerne plus.”  Dans son dernier essai “De l’or dans la tête”, l’auteure et professeure de philosophie Audrey Jougla écrit “son amour pour les élèves et pour l’enseignement et sa révolte face à la dérive de tout un système éducatif”.  L’enseignante nantaise constate une baisse du niveau général des élèves, surtout depuis cinq ans, et en appelle à un retour des fondamentaux que sont le français et les mathématiques. Elle évoque les réformes successives, pensées à court terme, qui “ont entériné moins de rigueur, moins d’exigence”.                                                        “Nous sommes incités, nous professeurs, à toujours valoriser, même à l’excès, tous les élèves, et à ne pas forcément être juste et à révéler leur niveau réel", explique Audrey qui dénonce “une inflation de la notation renforcée par Parcoursup ”.   L’enseignante regrette que la hiérarchie, l’excellence, le sens de l’effort et la sélection soient devenus “des gros mots”. “On nous incite toujours à la bienveillance, mais dans la vie et dans le monde professionnel ce n’est pas comme ça." "On ne fait que retarder l’échéance de la confrontation à la réalité” affirme l’auteure. “L’école a démissionné de l’enseignement du français et de la culture générale".  Résultat : ce sont les familles qui prennent le relais, ce qui crée une rupture d’égalité entre les élèves et facilite la reproduction sociale des élites”. “Il faut remettre de l’exigence sur la maîtrise des fondamentaux” clame Audrey Jougla qui cite Jean Jaurès : “il ne faut pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur”.                              _______________________________

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Néolibéralisme en question

Publié le par Jean-Etienne ZEN

 Sa logique, ses effets, ses contradictions (vu des USA, creuset du système)

              La logique du néolibéralisme est maintenant bien cernée. Même si les dogmes fondamentaux sont contestés, les crises aidant, l'architecture du système est toujours là. Les lois du marché commencent à être sérieusement remises en question, non sans contradictions, et la main de Dieu a pris un coup de vieux. Depuis la crise de la Covid et les interventions forcées de l'Etat au coeur même du réacteur économique, un certain keynésianisme refait surface. Mais pour quels lendemains? La révolution de l'école autrichienne a fait long feu. De plus en plus, la machine à creuser les inégalités est remise ne question et l'on reparle d'intérêts communs, de services publics...IL y a encore du boulot...

 

 

 

 

_________"....Si vous avez la malchance de résider dans une ville où des centres de données abritent des serveurs informatiques qui stockent tout, depuis les données financières de sociétés géantes jusqu’aux secrets militaires, il est probable qu’un bruit fort et strident devienne le fond sonore angoissant de votre vie. Le son monte et descend, mais il est toujours là, ne vous permettant jamais de vous détendre complètement. Au bout d’un certain temps, le stress lié à ce type de bruit ambiant peut vous épuiser, doublant le risque que vous souffriez de maladie mentale et augmentant le risque de maladies comme les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux.       Vivre dans une économie dominée par les principes néolibéraux peut ressembler à cela : un bourdonnement de fond et un stress psychologique constant.     Cette sensation de vulnérabilité ne disparaît jamais vraiment. Au lieu de se répartir socialement les risques de la vie, nous sommes de plus en plus accablés par le poids de l’existence dans un monde moderne d’une complexité écrasante. Nous sommes des individus solitaires, et nous nous battons pour rester à flot, quelle que soit notre situation. Il y a quelques heureux gagnants, bien sûr (et encore, nombre d’entre eux sont psychiquement abîmés), mais la plupart d’entre nous sommes contraints de livrer une lutte et entrer dans une concurrence acharnées pour obtenir des récompenses. Jeux de la faim, jeux pour un statut, jeux de pouvoir, la liste est longue.                             De manière plus globale, l’impact cumulé de filets de sécurité de piètre qualité, de pratiques commerciales rapaces, de politiques axées sur l’argent et de graves inégalités économiques est en train de détruire tout espoir pour l’avenir, alors que nous en avons besoin pour survivre. La confiance que nous avons les uns envers les autres et envers nos institutions est en train de se dissoudre. Notre santé mentale et physique ne peut pas résister à tout cela.                 Selon la Johns Hopkins Medicine, des affections éprouvantes comme la dépression sévère, les troubles bipolaires, la schizophrénie et les troubles obsessionnels compulsifs figurent parmi les principales causes d’invalidité constatées dans les économies de marché développées. Même avant la pandémie, plus d’un quart des adultes américains étaient affligés d’un trouble mental diagnostiqué. Et puis, en 2020, les taux mondiaux de dépression et d’anxiété ont grimpé en flèche de plus de 25 %, une hausse stupéfiante sur un an, liée à la pandémie, qui a particulièrement touché les femmes et les jeunes. Des médecins américains ont déclaré que les crises de la santé mentale chez les enfants relevaient de l’état d’urgence. Et toute cette détresse mentale alimente les maladies physiques, comme les accidents vasculaires cérébraux, les maladies cardiaques, le diabète et l’arthrite.                                                                        Le mouvement néolibéral du vingtième siècle, la philosophie économique dominante de ces cinquante dernières années aux États-Unis et dans une grande partie du monde, nous a imposé une fausse vision du monde avec une myriade de conséquences négatives pour le bien-être humain. La question est de savoir comment nous pouvons nous remettre de ces maladies. Nous ferions mieux de le découvrir rapidement, car un demi-siècle de pression incessante de cette philosophie toxique est en train de nous briser.               Les racines de la perspective néolibérale sont nées d’un monde brisé par l’effondrement des empires et du chaos engendré par la première guerre mondiale. Dans les années 1920 et 1930, des économistes autrichiens et des défenseurs du monde des affaires, comme Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, travaillant à l’époque à la Chambre de commerce de Vienne, s’inquiétaient de savoir comment une nation vassalisée comme l’Autriche pourrait s’en sortir dans le nouveau paysage mondial. Le spectre du socialisme et du communisme en Hongrie, qui faisait partie de l’ancien empire des Habsbourg, et qui a brièvement basculé dans le rouge en 1919, ajoutait à leur anxiété. Ils craignaient également que des États-nations en plein essor se saisissent des rênes de l’économie en prenant des mesures telles que l’augmentation des droits de douane – tout particulièrement s’agissant de nations gouvernées par des régimes démocratiques qui reconnaissaient les intérêts des gens ordinaires. La généralisation du droit de vote universel pour les hommes a déclenché le signal d’alarme indiquant que le pouvoir était en train de basculer.                                      Comment les capitalistes pourraient-ils survivre sans un vaste réseau de colonies sur lequel compter pour obtenir des ressources ? Comment pourraient-ils se protéger de l’ingérence continue dans les affaires et des saisies de la propriété privée ? Comment pourraient-ils résister aux exigences démocratiques croissantes pour un partage plus large des ressources économiques ?        C’était là de grandes questions, et les réponses néolibérales reflétaient leurs craintes. De leur point de vue, le monde politique semblait effrayant et incertain – un endroit où les masses s’agitaient en permanence pour déstabiliser le domaine de l’entreprise privée en formant des syndicats, en organisant des manifestations et en exigeant la réaffectation des ressources.                                                                                           Ce que les néolibéraux voulaient, c’était un espace sanctuarisé exempt de cette agitation – une économie mondiale transcendée où les capitaux et les marchandises pourraient circuler sans contrainte. Ils imaginaient un endroit où les capitalistes seraient à l’abri des processus démocratiques et protégés par des institutions et des lois savamment édictées — et par la force, si nécessaire. Les néolibéraux n’étaient pas franchement opposés aux démocraties tant que ces dernières étaient en capacité de fournir un refuge sûr aux capitalistes, et si ce n’était pas le cas, beaucoup pensaient que l’autoritarisme ferait aussi très bien l’affaire.                Ces premiers frémissements de néolibéralisme étaient donc une sorte de religion, une aspiration utopique à un monde abstrait et invisible de chiffres que les humains ne pourraient pas gâcher. Dans cette terre promise, parler de justice sociale et de plans économiques visant à améliorer le bien général était une hérésie. La « société » était un domaine qui, au mieux, devait être strictement séparé de l’économie. Au pire, elle était l’ennemie de l’économie mondiale — un domaine gênant de valeurs non marchandes et de préoccupations populaires qui entravaient la transcendance capitaliste.     Après la Seconde Guerre mondiale, les néolibéraux se sont organisés officiellement sous le nom de Société du Mont-Pèlerin, au sein de laquelle des personnalités comme Hayek ont défendu la vision d’un « ordre concurrentiel » dans lequel la concurrence entre les producteurs, les employeurs et les consommateurs assurerait le bon fonctionnement de l’économie mondiale et protégerait tout le monde des abus (une sacrée idée). Les dispositifs de protection tels que les assurances sociales et les cadres réglementaires étaient inutiles.                                                                              En gros, le marché était un dieu, et les gens étaient là pour le servir – et non l’inverse.     Pour les néolibéraux, le vingtième siècle ne se résume pas à la guerre froide, elle n’a pas vraiment grand intérêt pour eux. Il s’agit de lutter contre des choses comme le New Deal de Franklin Roosevelt et des projets totalitaires d’égalité économique qu’ils considèrent comme dangereux. Comme le dit l’historien Quinn Slobodian dans son livre Globalists : The End of Empire and the Birth of Neoliberalism, ils visent le « développement d’une planète interconnectée par le biais de l’argent, l’information et les biens, où l’avancée emblématique du siècle n’est pas une communauté internationale, une société civile mondiale ou l’approfondissement de la démocratie, mais un objet en constante intégration qu’on appelle économie mondiale et qui est accompagné des institutions spécialement créées pour la protéger ».                   Les néolibéraux se sont consacrés à la protection d’un commerce mondial qui ne serait soumis à aucune restriction, à la liquidation des syndicats, à la déréglementation des entreprises et à la privatisation et l’austérité, usurpant ainsi le rôle du gouvernement dans la fourniture des biens communs. S’il est vrai que la plupart des gouvernements occidentaux, ainsi que de puissantes institutions mondiales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, sont aujourd’hui fortement influencés par le néolibéralisme, ce n’est qu’après la crise financière mondiale de 2007-2008 que la plupart des gens ont entendu parler de cette doctrine.                                                    C’est parce que, pendant longtemps, le néolibéralisme a envahi nos vies comme un virus furtif.         Au cours de la première moitié du vingtième siècle, ce sont surtout et avant tout des gens riches et de droite qui ont adhéré à la vision néolibérale de l’ordre mondial. L’économiste John Maynard Keynes, qui préconisait l’intervention de l’État dans le fonctionnement des marchés pour protéger les gens contre le type de défaillances et d’abus si clairement mis en évidence lors de la Grande Dépression, a eu beaucoup plus d’influence.                  Mais les néolibéraux ont entretenu leur rêve d’utopie économique en construisant patiemment des institutions, en se concentrant sur la création de contraintes juridiques imposées aux démocraties et en implantant leurs idées dans des institutions supranationales et dans des avant-postes universitaires comme l’université de Chicago. Ils ont financé des symposiums, des universitaires, des livres et des rapports, et se sont acquis des ambassadeurs connus, comme l’économiste Milton Friedman, et d’autres moins connus mais influents, comme James Buchanan, le seul américain des états sudistes à avoir reçu le prix Nobel d’économie.                                                              Ce n’est que dans les années 1970 que le néolibéralisme s’est imposé, lorsque les conservateurs ont imputé les bouleversements économiques à un excès de dépenses publiques et de main-d’œuvre. Dans les années 1980, la championne du néolibéralisme, Margaret Thatcher, se sentait parfaitement en confiance et laissait libre cours à son programme : « La politique économique n’est qu’une méthode, l’objectif est de changer le cœur et l’âme », prônait-elle.            Il semble étrange de mentionner cette théorie lugubre en la rapprochant de l’âme humaine, mais Thatcher avait raison. Le néolibéralisme cherche à modifier la façon dont nous, êtres humains existons dans le monde, à changer nos relations entre nous et ce que nous attendons de la vie. Au fil du temps, nous cessons de nous considérer comme des êtres mutuellement responsables ayant un destin commun pour devenir des atomes isolés responsables uniquement de nos propres vies. Peu à peu, nous passons du statut de citoyens autonomes à celui de personnes destinées à être asservies à des puissances économiques arbitraires qui se trouvent bien au-delà de notre portée ou de notre compréhension. Notre humanité s’efface au profit d’un royaume abstrait de chiffres et de données incompréhensibles, et nous ne sommes guère plus que des marchandises, voire des entités externalisées, dans une économie mondiale invisible dirigée on ne sait comment par un poing invisible.                                Il n’est pas surprenant que ce mode d’existence produise des maladies de l’esprit, du corps et de l’âme, exaltant certains de nos instincts les plus dérangeants tout en démolissant bon nombre des plus nobles.                                                                      L’un des principes fondamentaux de la philosophie néolibérale est que la vie consiste à être en compétition. Comme l’a décrit Slobodian, les architectes du néolibéralisme se sont attachés à « promouvoir des politiques visant à amplifier le rôle de la concurrence dans la définition et l’orientation de la vie humaine ». Pour eux, le monde idéal est un monde où chacun s’efforce constamment d’obtenir plus ou mieux que son voisin.          Dans une société dominée par ce type de pensée, on vous inculque un esprit de compétition à la minute même où vous entrez à l’école. L’expression la plus simple de votre vitalité, comme chanter, courir ou sauter, est rapidement placée dans un cadre compétitif. Vous ne pouvez pas simplement sauter de joie ; vous devez être le meilleur sauteur. L’objectif n’est pas la récompense intrinsèque de l’activité, mais le plaisir de battre quelqu’un d’autre, ou peut-être le soulagement négatif de ne pas être un perdant. Vous êtes éduqué à classer vos camarades selon qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, et vous pressentez que vous devez simplement abandonner les activités dans lesquelles vous n’excellez pas.                       Peu à peu, vous vous méfiez à la fois de vos instincts naturels et des motivations des autres. Après tout, aider les autres à réussir signifie qu’ils peuvent gagner le prix à votre place dans un jeu à somme nulle. Penser de manière égoïste devient une seconde nature. Comme l’ont montré les chercheurs qui étudient l’impact du néolibéralisme, nous devenons des perfectionnistes agités, cherchant sans cesse à nous perfectionner.                     Comme l’a fait remarquer l’économiste politique Gordon Lafer, les écoles (dont le financement est de plus en plus réduit) deviennent le lieu où les enfants ordinaires sont conditionnés pour la servitude et une vie dans laquelle ils risquent soit de se retrouver bloqués, soit de glisser vers le bas de l’échelle économique.                                            Vous apprenez à accepter un monde où les possibilités sont en diminution et non en expansion..          Le sentiment de déconnexion augmente au fur et à mesure que la vie avance. Dans un pays comme les États-Unis, vous grandissez avec peu d’espoir que quelqu’un se soucie vraiment de vous, résigné à dépenser la majeure partie de votre énergie à essayer de financer les besoins de base de la vie, comme les soins de santé et l’éducation, tout en faisant face à des prédateurs aux formes multiples tels qu’une compagnie d’assurance, une banque, une société de services publics, un hôpital, une police, une… à vous de choisir – ces entités dont les néolibéraux ont fait en sorte qu’elles soient libérées des pressions de la réglementation et des recours juridiques. Si vous avez un problème, cela n’intéresse nullement l’État protecteur ; demandez à quiconque a essayé de négocier des frais bancaires ou des factures de services publics.            Vous commencez à comprendre que vous n’avez pas beaucoup d’influence dans le monde. La vie vous semble précaire, et c’est exactement ce que les néolibéraux veulent, car ils pensent que vivre ainsi est indispensable pour « discipliner » les gens afin qu’ils acceptent de rester à leur place dans un monde dirigé par les capitalistes.            En tant que citoyen, votre influence semble négligeable. Le néolibéralisme tend à affaiblir l’action politique des gens ordinaires, en nous offrant en compensation un large éventail de biens de consommation (souvent de piètre qualité). À mesure que la concentration des richesses prend le contrôle du système politique, on constate que les revendications de la plupart des gens – des soins de santé universels, un système fiscal dans lequel les riches paient leur part, une éducation abordable, des emplois décents, des droits reproductifs – est de plus en plus ignoré dans les politiques et les lois qui régissent nos vies. Les néolibéraux ne cherchent qu’une chose, accroître les droits et libertés des propriétaires, comme l’expliquait James Buchanan dans son livre de 1993, « Property as a Guarantor of Liberty ». Selon lui, tout individu n’est guère plus qu’un parasite qui essaie de saigner à blanc le capitaliste.                                              En 2007, Alan Greenspan a déclaré que « savoir qui sera le prochain président n’a guère d’importance, le monde est gouverné par les forces du marché ». Ce qu’il n’a pas précisé, c’est que les forces du marché sont gouvernées par les capitalistes, même si les néolibéraux prétendent que leur vision du marché ne conduit pas à des asymétries de pouvoir qui entraînent des pratiques monopolistiques, l’affaiblissement des droits légaux des citoyens et le transfert des risques des activités commerciales sur la société. Au moment où Greenspan faisait cette déclaration, les gens avaient commencé à s’habituer à l’idée que les marchés financiers prédateurs conçus par et pour les capitalistes s’étaient insinués dans tous les aspects de nos vies, de l’éducation à la médecine en passant par la police. (Bien sûr, peu de gens avaient fait autant que Greenspan pour que cela se produise, en raison de sa ridicule confiance dans la réputation comme substitut à une réglementation sérieuse).                                  Aujourd’hui, la vision néolibérale maladive est devenue prégnante au point où si vous vous retrouvez aux urgences d’un hôpital, un gestionnaire de fonds spéculatifs pourrait bien décider de votre sort. Perpétuellement angoissés dans notre existence atomisée, nous assumons seuls nos dettes et nos charges, habitués que nous sommes à faire, en faveur de « l’économie », le sacrifice de notre bien-être, nos habitats naturels et même, comme la pandémie nous l’a montré, notre vie.                                                                Au bout de ce chemin semé d’embûches, lorsque vous serez trop vieux pour travailler, vous serez probablement confronté à une retraite incertaine et sous-financée, tout en vous faisant gronder par les néolibéraux pour ne pas avoir été plus prévoyant alors que vous luttiez pour simplement survivre. Et même si vous avez élaboré les plans les plus minutieux, vous risquez d’être récompensé par une plus grande probabilité de maladie et par une mort plus précoce que chez ceux qui vous ont précédé.                                  Le néolibéralisme vous explique : « Tenez bon, parce qu’on ne peut pas faire mieux ». Faut-il alors s’étonner si nous commençons à nous écrouler ?                                        La pandémie de Covid-19 a mis en lumière la sombre gravité des échecs et des insuffisances de l’approche néolibérale – et pourtant, les gouvernements continuent de mettre en place des politiques qui privilégient la sécurité des entreprises plutôt que la vie de la grande majorité des gens.                                                                                Les travailleurs stressés ne peuvent tout simplement plus faire face. À une époque où la plupart des Américains s’inquiètent de l’économie, les travailleurs qui ont de bas salaires quittent leur emploi. Les données publiées par le Bureau of Labor Statistics en janvier 2022 illustrent une tendance à rendre son tablier si répandue que 2021 a été appelée « l’année de la démission ».                                                                      Contrairement aux idées reçues, les démissions ne sont pas majoritairement le fait des employés les mieux lotis qui choisiraient quelque chose de plus satisfaisant. Au contraire, ce sont les secteurs où les travailleurs sont mal payés qui ont enregistré le plus grand nombre de ces démissions. Alors qu’il ne semble pas rationnel qu’un travailleur préoccupé par la situation économique quitte un emploi même peu attrayant, peu flexible et faiblement rémunéré, il est logique de penser qu’un travailleur terrassé par la dépression et l’anxiété le fasse, incapable de gérer les exigences contraignantes tout en s’inquiétant de tomber malade, de s’occuper de ses enfants ou d’autres membres de sa famille et d’être obligé d’assumer des tâches supplémentaires alors que les employeurs peinent à pourvoir les postes. C’est tout simplement trop pour eux.        Le passage de l’État-providence au néolibéralisme signifie que vous êtes responsable de tout, même de ce qui échappe clairement à votre contrôle. Il faut réinventer la roue à chaque fois qu’un problème doit être résolu, comme payer pour sa maison, faire des études, se faire opérer ou prendre sa retraite. Chaque tournant réserve des surprises désagréables.                                    Le néolibéralisme n’est pas une philosophie du bonheur, car il véhicule la conviction que l’insatisfaction humaine est un état de fait non seulement naturel, mais aussi souhaitable. Il a eu un impact considérable sur la culture des États-Unis et d’autres pays où il est en vigueur et constitue un frein largement méconnu quant à la santé et au bien-être. Ce n’est pas un hasard si la prévalence des problèmes de santé mentale, tant au niveau national que mondial, est en hausse. Les mariages brisés, les phénomènes de dépendance, la solitude et le profond désespoir font des ravages.        Quelle est donc l’alternative ? Commençons par énoncer l’évidence. Une société saine n’est pas gérée pour le bénéfice économique de quelques riches capitalistes. Ça, c’est une société malade, et nous en sommes la preuve vivante.                                        Depuis les années 1980, nous sommes entraînés à considérer que cet état de fait, pourtant psychologiquement handicapant, est quelque chose de normal, alors qu’il est tout sauf normal.    Notre guérison passe en partie par le rappel de ce qui fait véritablement de nous des êtres humains. Des chercheurs ont découvert qu’un bébé de six mois présente déjà l’instinct d’empathie, ce qui montre que le fait de se préoccuper de ce qui arrive à nos semblables fait partie de notre ADN. Au niveau collectif, des anthropologues comme David Graeber ont montré que les sociétés humaines n’ont pas toujours été organisées selon des logiques de domination et des hiérarchies rigides. Nous disposons de choix, et nous sommes en mesure de privilégier ceux qui correspondent le mieux à nos instincts les plus positifs. Nous pouvons donner aux parents la possibilité d’élever leurs enfants, par exemple en faisant participer les pères à l’éducation des enfants dès la naissance, en offrant un congé parental sans distinction de sexe et en rendant les services de garde d’enfants abordables. Par extension, le fait de prendre soin des jeunes renforce notre capacité à prendre soin les uns des autres, de nos communautés et de la nature en général.                                                                                                       Notre bien commun est renforcé par des systèmes politiques dans lesquels les formes coopératives de participation et les besoins des gens ordinaires sont prioritaires. Cela signifie faire à peu près le contraire de ce que les néolibéraux défendent. Nous devons reconnaître que les gouvernements peuvent et doivent intervenir sur les marchés afin de protéger les gens des abus. Nous devons nous attacher inlassablement à écarter l’argent de la politique et à rendre le vote accessible à tous. Nous devons réglementer les entreprises, renforcer le pouvoir des travailleurs et veiller à ce que l’économie mondiale ne soit pas une simple course vers le bas mais un système dans lequel les besoins et les droits de tous les habitants sont pris en compte.                                          La guérison implique la création, comme l’a souligné l’économiste Peter Temin, d’une économie intégrée au lieu de l’économie morcelée que les néolibéraux et leurs descendants libertaires nous ont léguée. Nous devons nous concentrer sur le rétablissement et le développement de l’éducation et sur la réaffectation de ressources destinées à des politiques telles que l’incarcération de masse. Nous devons nous concentrer sur la mise en place et l’amélioration de filets de sécurité afin que la vie ne soit pas seulement une épreuve difficile et hobbesienne, [Selon Hobbes, l’état naturel de l’homme est d’être constamment en conflit et en compétition avec les autres, NdT] mais un voyage au cours duquel la créativité et les activités joyeuses sont accessibles à tous. Au lieu de nous focaliser sur la concurrence, nous devons mettre l’accent sur l’entraide et nous devons toujours garder à l’esprit, alors que les adeptes de la Silicon Valley cherchent à nous entraîner dans un métavers toujours plus abstrait, que nous sommes des créatures dotées d’un corps et que nous avons davantage besoin de liens sociaux dans la vie réelle que de connectivité numérique. Nous devons exiger d’être formés pour des emplois dignes, décemment payés et exempts d’abus.                          Les remèdes aux fléaux alimentés par le néolibéralisme consistent à faire ce qu’il faut pour renforcer notre sentiment de confiance et de destin partagé. Nous devons passer de la privatisation à l’intérêt public, du vol en solo au partage des risques, de la financiarisation à une économie équitable, du dénominateur commun au bien commun.           Un tel changement exige d’énormes ressources en termes d’endurance, d’engagement, de patience et d’audace. Les néolibéraux ont fait preuve de ces qualités. Ils ont pratiqué un jeu long et difficile pour faire accepter leurs idées antisociales et anti-vie comme étant la norme. Notre guérison et l’acceptation généralisée d’un meilleur récit, un récit plus sain, n’arriveront pas du jour au lendemain. Au début, les revendications en matière d’égalité économique, de droits politiques et de justice sociale sembleront radicales et futiles, et ceux qui les défendent seront traités de rêveurs et de cinglés. C’est exactement ce qui est arrivé aux néolibéraux lorsqu’ils ont commencé à exiger une terre promise universelle pour les capitalistes, une terre promise qui soit libre de toute contrainte démocratique. Ils ont encaissé les coups et ont continué à avancer.      Si nous apprenons à jouer sur le long terme, l’avenir pourra être notre et non leur monde. Cet atroce bourdonnement qui est à l’arrière-plan de nos vies pourrait alors être remplacé par un air sur lequel nous pourrons danser.  [Lynn Parramore, analyste de recherche principale, Institute for New Economic Thinking.] __________________________

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Israël: du jamais vu

Publié le par Jean-Etienne ZEN

Courage et désillusions.

                   Du jamais vu. L'épisode tragique que vit Israël ne cesse d'inquiéter. Pas seulement nombre d'Israëliens eux -mêmes. Les fractures internes générées par la politique obstinée de Netanyahou se durcissent de jour en jour. La majorité du pays est désemparée. La situation chaotique est la conséquence d'un cynisme et d'une cécité sans pareils. Parmi les citoyens les plus éclairés, beaucoup songent à quitter le pays, craignant une dégradation encore plus grande. Certains évoquent même le risque de guerre civile. Les tensions anciennes et sous-jacentes remontent dangereusement en surface.  Quand on suis l'actualité en cours du côté de Jérusalem ou de Tel Avis, on est souvent pris de stupeur et d'incrédulité. Comment le pays est-il arrivé ce stade de crise et d'affrontements? Une tragique impasse. L'historien juif Marius Schattner avait depuis un moment analysé les divisons latentes profondes du pays. Dans les chancelleries, on regarde souvent ailleurs, ne voulant pas être taxé d'antisémitisme, tant le tabou est puissant et la confusion entretenue. 


                                   Certains Israëliens en vue prennent  le risque de dénoncer publiquement cette dérive mortifère qui compromet l'avenir du pays et certains idéaux fondateurs. Comme l'auteur du film A l'ouest du Jourdain, Amos Gitaï, s'exprimant dans les colonnes de Paris Match, oscillant entre colère et espoir:                                                                       "  ...Nous vivons aujourd’hui une période de rage. La révolte impressionnante de pans entiers de la société israélienne. Médecins et scientifiques, artistes et soldats, milieux d’affaires, féministes, LGBTQ, opposants à l’occupation de la ­Cisjordanie, défenseurs des droits de l’homme… Un mouvement comme il ne s’en était jamais produit en Israël fait converger des centaines de milliers de personnes. L’événement est historique. Tous ces gens répondent à un formidable appel à se réveiller pour tenter d’empêcher la glissade du pays vers un régime autocratique et dictatorial. Dans les secteurs créatifs, l’économie, les arts, l’exode des talents a déjà ­commencé. Le pays pourrait perdre ses éléments les plus modernes......                                                            L'assassinat d'Itzhak Rabin par un militant juif d'extrême-droite le 4 novembre 1995 a mis fin à l'espoir d'un Moyen-Orient apaisé, riche et prospère. Les accords d'Oslo venaient d'être signés avec Yasser Arafat scellant une "reconnaissance réciproque" des deux peuples, sous l'égide de Bill Clinton. On se souvient tous du choc provoqué par sa mort mais on a oublié ce que cet ancien militaire était en train de construire envers et contre tous, piloté par le seul désir de paix, lui qui connaissait les horreurs de la guerre (1948, 1967), les rancoeurs entre les deux peuples, les tabous de part et d'autre. En stratège lucide, il savait les concessions à faire, il voyait la violence de ses opposants (Netanyahu en tête) qui le traitaient de traître, de SS, piétinaient ses portraits, l'empêchaient de parler à la Knesset... Imperturbable, il avançait, riche d'une confiance qu'il avait commencé à tisser avec l'aile modérée, majoritaire des Palestiniens. Clairvoyant sur tout, sur les colons, comme sur les expropriations, sur le Hamas, son jihad islamique. Il lui restait une tâche immense à accomplir, à cet homme sûr de lui qui ne portait jamais de gilet pare-balles....                                 Ce mouvement de révolte citoyenne, qui dure depuis plus de six mois dans le pays tout entier, mérite réflexion. Semaine après semaine, ils se sont réunis pour bloquer les autoroutes, les carrefours, manifester sur les places. Le pouvoir prend le risque de briser le pays en mille morceaux, dans le seul but de satisfaire les désirs de ses alliés ultranationalistes, racistes et ultraorthodoxes réactionnaires, les pires composantes de la société israélienne, quitte à marginaliser les secteurs les plus productifs.                                                                           La stratégie de Benyamin Netanyahou est de créer le chaos. Mais cette fois il est dépassé par un chaos beaucoup plus grand qu’il ne l’avait escompté et qui a si bien réussi qu’il échappe à son contrôle. Car il ne peut pas contrôler le président américain Joe Biden. Il ne peut pas contrôler les Émirats arabes unis qui annulent sa visite. Il ne peut pas contrôler les 10 % de médecins qui annoncent leur intention de quitter le pays, ni les jeunes docteurs qui ont terminé leurs études à l’étranger et qui ne rentreront pas. Il ne contrôle pas un millier de pilotes qui ont fait savoir qu’ils ne voleraient pas et ne risqueraient pas leur vie pour un ­dictateur. Ni un ancien chef du Mossad qui compare certains membres du gouvernement Netanyahou au Ku Klux Klan. Ni les universitaires et les historiens qui rappellent comment, il y a près de deux mille ans, Jérusalem tomba et fut détruite par les Romains en raison de l’intransigeance et du fanatisme des zélotes, cause de la fin de la souveraineté juive et d’un exil suivi de siècles de souffrance et de persécution. Ni les vétérans de l’unité d’élite Egoz, où j’ai fait mon service militaire obligatoire, qui appellent à résister « aux ordres des escrocs, des criminels corrompus et des parasites, qui sont à l’origine du coup d’État ».   En lisant cet appel de mes camarades, mes souvenirs remontent. Cette année, nous célébrons le 50e anniversaire de la guerre du Kippour. À l’époque, j’étais un soldat de réserve, dans une unité de sauvetage héliportée sur le plateau du Golan.                             Sur le long terme, la ténacité, le courage et la détermination de ces centaines de milliers de manifestants, qui descendent dans la rue chaque samedi et parfois même au milieu de la semaine depuis plus de six mois, et qui comptent dans leurs rangs des figures telles que Shikma Bressler, scientifique et chercheuse de l’institut Weizmann, ont un tel impact qu’il n’est pas certain que ce Machiavel, ce manipulateur qu’est ­l’actuel Premier ministre israélien, parviendra à ses fins.   Certes, on ne peut pas prédire l’avenir. Mais il faut garder espoir. Espérer que continuera cet engagement massif dans le pays tout entier, de Tel-Aviv à Beer-Sheva en passant par Haïfa et Jérusalem, y compris dans les villages et les villes de taille moyenne. Et que, ainsi, sera rouvert le chemin de la réflexion sur la nature de la relation entre Israël et ses voisins, avant tout palestiniens, ce qui permettrait de créer un nouveau modus vivendi.   Ce groupe de voyous dont Netanyahou s’est entouré au gouvernement et au Parlement, qui pousse les provocations toujours plus loin, amène en fait à s’interroger sur la légitimité des actions du gouvernement. Pour ne citer que quelques exemples : un hold-up sur les ressources de l’État qui, au lieu d’être affectées à des mesures de justice sociale, vont à l’allocation de budgets importants aux électeurs ultrareligieux ou à la création de nouvelles colonies, à la confiscation de toujours plus de terres appartenant à des Palestiniens ou à l’éviction de familles palestiniennes de leurs maisons, comme à Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, à des champs brûlés, à des puits bouchés par des colons.                                                                                                               Ce réveil de la société israélienne qui témoigne de l’importance du collectif, de la capacité à entrer ensemble en résistance est impressionnant. Et très important. Je dis souvent que je fais des films en tant que citoyen, en tant que témoin de l’histoire de mon pays, un témoin engagé dans les événements, comme « Kippour » (2000) ou « Le dernier jour d’Yitzhak Rabin » (2015), sur l’assassinat du Premier ministre par un étudiant juif d’extrême droite, en 1995. Quand j’ai fait ce film, ce n’était pas par admiration pour un leadeur politique – ce ne sont pas des gens que j’admire habituellement, que je sois pour ou contre leurs idées – mais par respect pour sa sincérité, ce qui est rare en politique. Il avait beau être un général couvert de victoires, il était prêt à aller à contre-courant, à chercher des solutions et, en ce sens, il était à la fois réaliste et visionnaire. Il y a trente ans, il voulait tracer un chemin, proposer dans ce Moyen-Orient très compliqué une alternative viable. Il pensait que dire la vérité était la base pour avancer. C’est cet effort qui a été décapité par son assassinat.     Mon ami Chema Prado, l’ancien directeur de la Cinémathèque espagnole, m’a dit récemment : « Amos, ça va prendre du temps. Regarde ce qui s’est passé en Espagne, c’est le même modèle que Franco, qui s’est appuyé sur une Église catholique très réactionnaire contre la gauche et tout ce qui était progressiste. »   Malheureusement, ce sont les ultranationalistes espagnols qui ont gagné et, politiquement parlant, c’est « Guernica », le beau tableau de Picasso, qui a perdu. Mais culturellement parlant, c’est bien « Guernica » qui l’a emporté, car il a enregistré dans les mémoires le souvenir du bombardement de ce petit village basque par les avions de la Luftwaffe. Une telle révolte, inédite en Israël, intervient au moment même où le pays célèbre son 75e anniversaire. Et pose la question suivante : « Que peuvent faire des citoyens pour stopper ce processus de destruction ? »                                                         Et nous, que pouvons-nous faire ? Nous, les écrivains, les plasticiens, les peintres, les hommes et les femmes de théâtre, les cinéastes, ce que nous faisons est-il totalement inutile ? Car il est fort possible que nous n’arrivions pas à aller à l’encontre de puissances aussi féroces. Est-il possible que nous perdions ? Oui, c’est possible. Malheureusement, c’est même probable. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ce que nous faisons est inutile, car la mémoire n’est pas innocente, d’après moi. Elle a sa façon à elle, délicate, de prendre son rythme. On peut se demander pourquoi l’actuel Premier ministre social-­démocrate d’Espagne a fait sortir le cercueil de Franco du mausolée kitsch où il avait été enterré pour le déplacer ailleurs. C’était uniquement à cause de la mémoire. Rien d’autre.                                                                                                             Dans plusieurs pays du monde, on observe les mêmes tendances révisionnistes que celles de Netanyahou, qui veut réécrire l’histoire pour accéder au pouvoir ou s’y maintenir. Ce n’est pas pour autant que nous devons nous-mêmes nous laisser aller à faire de la démagogie, à chercher à endoctriner. Nous devons dire la vérité. Il faut parler des contradictions, garder l’espoir, même si l’on sait que ces leaders politiques destructeurs sont de plus en plus nombreux sur la planète.                                                                                                                                             La loi est passée, mais les manifestations ne cessent pas. Au contraire. Et c’est pourquoi je ne suis pas complètement pessimiste. Et c’est pourquoi je me dis que, paradoxalement, nous assistons peut-être à l’ouverture d’une nouvelle voie vers un avenir plus encourageant. Mais restons prudents. Et continuons d’espérer que la génération suivante, la jeunesse, continuera la bataille pour sauver les structures démocratiques en Israël, ce qui inclut de trouver un accord avec les Palestiniens. " ____________________

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